bloc élevé où s'évidait la niche. 
Devant nous, entre le sol et le niveau de la plate-forme que foulait le 
Fédéral, les trois oeuvres, finement coloriées, s'allongeaient 
horizontalement l'une au-dessous de l'autre et, déjà très frustes par 
endroits, donnaient le sentiment, ainsi que le bloc pierreux entier, d'une 
fabuleuse antiquité. 
Le premier haut-relief représentait, debout sur une plaine gazonneuse, 
une jeune femme extasiée, qui, les bras alourdis par une moisson de 
fleurs, contemplait à l'horizon cette expression: D'ORES, esquissée 
dans le ciel par d'étroits cirrus que le vent recourbait mollement. Les 
teintes, bien que passées, subsistaient partout, délicates et multiples, 
encore nettes sur les nuages, pleins de rouges reflets crépusculaires. 
Plus bas le second tableau sculptural montrait la même inconnue, qui, 
assise dans une salle somptueuse, profitait d'une couture béante pour 
extraire d'un coussin bleu aux riches broderies certain fantoche costumé 
de rose et privé d'un de ses yeux.
Près de terre le troisième morceau mettait en scène un borgne en 
vêtements roses, qui, pendant vivant du fantoche, désignait à plusieurs 
curieux un bloc moyen de veineux marbre vert, dont la face supérieure, 
où s'enchâssait à demi un lingot d'or, portait le mot Ego très légèrement 
gravé avec paraphe et date. Au second plan un court tunnel, muni 
intérieurement d'une grille fermée, semblait conduire à quelque 
immense caverne, creusée dans les flancs d'une marmoréenne 
montagne verte. 
Dans les deux derniers sujets, telles couleurs gardaient une certaine 
force, notamment le bleu, le rose, le vert et l'or. 
Interrogé, Canterel nous renseigna sur cette trilogie plastique. 
Sept ans environ avant l'heure actuelle, ayant appris qu'une société se 
formait en vue de mettre au jour la ville bretonne de Gloannic, détruite 
et ensablée au XVe siècle par un formidable cyclone, le maître, sans 
nul esprit de lucre, avait souscrit de nombreuses actions, dans le seul 
but d'encourager une grandiose entreprise, apte à donner selon lui de 
passionnants résultats. 
Par la voix de leurs représentants, les plus grands musées des deux 
mondes s'étaient bientôt disputé maintes choses précieuses, qui, dues à 
des fouilles habiles faites en bonne place, venaient sans retard subir à 
Paris le feu des enchères publiques. 
Canterel, présent à chaque nouvel arrivage d'antiquités, s'était soudain 
rappelé un soir, à la vue de trois hauts-reliefs peints ornant de face la 
base d'une grande niche vide récemment déterrée, cette légende 
armoricaine contenue dans le Cycle d'Arthur. 
Au temps jadis, dans Gloannic, sa capitale, Kourmelen, roi de 
Kerlagouëzo--contrée sauvage marquant l'extrême pointe occidentale 
de la France--sentit, jeune encore, décliner rapidement sa santé dès 
longtemps précaire. 
Kourmelen, depuis un lustre, était veuf de la reine Pléveneuc, morte en 
donnant le jour à son premier enfant, la petite princesse Hello.
Ayant plusieurs frères envieux qui briguaient le trône, Kourmelen, 
tendre père, songeait avec effroi qu'après son trépas, sans doute 
prochain, Hello, appelée par la loi du pays à lui succéder sans partage, 
serait, vu son jeune âge, en butte à maintes conspirations. 
Dépourvue de joyaux, mais rachetant son défaut de luxe par une 
extrême ancienneté, la lourde couronne d'or de Kourmelen, ayant, sous 
le nom de la Massive, ceint de temps immémorial chaque front 
souverain de Kerlagouëzo, était devenue, à la longue, l'essence même 
de la royauté absolue, et privé d'elle nul prince n'eût pu régner un seul 
jour. Par suite d'un ardent fétichisme, apte à prévaloir contre toute 
légitimité, le peuple eût reconnu pour maître tel prétendant assez adroit 
pour s'emparer de l'objet, prudemment enfermé en un lieu sûr muni de 
sentinelles. 
Un ancêtre de Kourmelen, Jouël le Grand, avait, en des âges lointains, 
fondé le royaume de Kerlagouëzo ainsi que sa capitale et porté le 
premier la Massive, fabriquée sur son ordre. 
Mort presque centenaire après un règne glorieux, Jouël, divinisé par la 
légende, s'était changé en astre du ciel et continuait à veiller sur son 
peuple. Dans le pays, chacun savait le voir au milieu des constellations 
pour lui adresser voeux et prières. 
Confiant en la surnaturelle puissance de son illustre aïeul, Kourmelen, 
miné par ses angoisses, l'adjura de lui envoyer en songe quelque 
salutaire inspiration. Pour ôter à ses frères jus qu'au moindre espoir de 
succès, il avait longuement songé à sceller hors de leurs atteintes, dans 
telle mystérieuse cachette, la couronne révérée, indispensable à toute 
intronisation. Mais il fallait qu'une fois en âge de défier ses ennemis 
Hello, pour se faire proclamer reine, pût retrouver l'antique cercle 
d'or--et la prudence défendait de lui indiquer le repaire choisi, tant la 
force ou la ruse arrachent facilement un secret à l'enfance. Obligé de 
prendre un confident, le roi hésitait, ému par la gravité du cas. 
Jouël entendit la prière de son descendant et le visita en rêve pour lui 
dicter une sage conduite.
Dès lors Kourmelen n'agit plus qu'en suivant les instructions reçues. 
Faisant fondre sa couronne il obtint un lingot de banale forme oblongue 
et    
    
		
	
	
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