Lettres à Sixtine

Remy de Gourmont
Lettres à Sixtine (1921), by

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Title: Lettres à Sixtine (1921)
Author: Remy de Gourmont (1858-1916)
Release Date: January 23, 2006 [EBook #17590]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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À SIXTINE (1921) ***

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LETTRES À SIXTINE
REMY DE GOURMONT

SIXIÈME ÉDITION
PARIS MERCVRE DE FRANCE XXVI, RVE DE CONDÉ, XXVI
MCMXXI

BALLADE DE LA ROBE ROUGE
A Mme B. C.
Couleur de sang, couleur de cardinal, Couleur de feu, couleur de
seigneurie, Couleur de lèvre et couleur de fanal, Couleur de rêve et
couleur de féerie, Couleur d'amour: votre Sorcellerie N'avait besoin de
tant pour me charmer; Mais, sans regret, sans peur, sans fourberie, En
robe rouge, il faut bien vous aimer. La soie éclate ainsi qu'un air royal.
Dans sa gloire et dans sa forfanterie, Et brûle comme un baiser nuptial,
Et brille comme une joaillerie, Lorsqu'un rayon bleu, gente tricherie,
En l'ombre tiède est venu s'allumer: Vaincu, l'on dit tout bas: Je vous en
prie... En robe rouge, il faut bien vous aimer. De l'encensoir, l'encens
sacerdotal Monte et fume, odorante rêverie: Approchons du tabernacle
augustal Où trône, sous la noble draperie Et dans la pourpre et dans
l'orfèvrerie Le Saint des Saints. Comment? C'est blasphémer? Mais non,
ce n'est rien qu'une allégorie: En robe rouge, il faut bien vous aimer.
ENVOI
Princesse, un poète, en sa flânerie, Cisela ce coffret, pour enfermer,
Sous un triple vantail, le coeur qui crie: En robe rouge, il faut bien vous
aimer.
14 janvier 1887.

A GUSTAVE DORÉ

Sur ton oeuvre penchés tous deux, Tous deux penchés, et tête à tête,
Passaient féeriques sous nos yeux La femme avec l'homme et la bête.
Tu sais le livre où Francesca S'arrêta pâle à telle page? Telle page où
son coeur chanta: Je n'en lirai pas davantage.
Penchés tous deux,--au vol des doigts Tournaient les feuilles
envolées.-- Fais qu'elle pense une autre fois Au vol des heures
envolées!
B. N., 29 janvier 1887.

Mardi soir, 22 mars.
J'espère, Madame, que vous ne serez pas venue rue de Richelieu
aujourd'hui. J'ai dû m'en aller à trois heures écrire des adresses sur des
enveloppes bordées de noir, quelqu'un de ma famille étant mort.
Demain encore, absence de toute la journée. Comme la cérémonie
définitive me laissera libre vers deux heures, je n'aurai pas l'innocence
de me précipiter vers le collier; irai m'ébattre au Louvre, où, en semaine,
les Philistins sont en nombre modéré: Peut-être cela va-t-il vous donner
l'idée qu'il y a longtemps que vous n'avez vu la Victoire,--aux pieds de
laquelle je vous attendrai jusqu'à trois heures; plus tard, et jusqu'à la fin,
je me rassérénerai parmi les primitifs italiens. Si un mauvais sort veut
que vous ayez d'autres projets, je passerai chez vous demander un peu
de musique et un peu de causerie, vers 7 h.; si absente, je reviendrai à
7h.-1/2.--Si, enfin, je ne vous rencontre pas, je serai très malheureux.

VITRAIL ROMANTIQUE
Les dalmatiques d'or qu'arrête un lourd fermail, Les yeux illuminés de
mystère et de joie, Les fronts auréolés et les chairs du vitrail, Topazes
et grenats où le soleil flamboie
C'est vers ce rêve, ayant dépassé le portail, qu'elle s'avance, lente et

riante. La soie blonde de ses cheveux fins, sous le fin tramail, comme
une ardente gloire, irradie et rougeoie:
«On pouvait se vêtir de pourpres, de soleils, de flammes, de brocarts,
jadis, au temps des reines, porter des passions rouges, des ors vermeils.
«Les corps ne devaient être, et les esprits, pareils, ni de neige trempé le
sang hautain des veines, ni les coeurs avec soin enfermés dans des
gaines.»
5 avril 1887.

RONDEL
Honneste mort ne me desplaist. FRANÇOIS VILLON.
Honnête mort ne me déplaît, Si vous raillez encore, madame. D'amour
qui ne va jusqu'à l'âme, Mieux que d'aimer mourir me plaît.
Hélas! C'est ainsi qu'il lui plaît De s'amuser! Eh bien, madame,
Honnête mort ne me déplaît.
Hélas! Non plus ne me déplaît Sa grâce à me déchirer l'âme. Faites-moi
donc mourir, madame; Puisque le jeu si fort vous plaît, Honnête mort
ne me déplaît
7 avril 1887.

NOTE ÉCRITE LE 14 AVRIL 1887.
De ces minutes d'ineffable et profonde joie, première caresse rendue,
premiers abandons, premières étreintes, doux et crucifiants émois du
désir; de ces minutes telles que de les avoir senties c'est
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