Lettres de Marie Bashkirtseff

Marie Bashkirtseff
Lettres de Marie Bashkirtseff

Project Gutenberg's Lettres de Marie Bashkirtseff, by Marie
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Title: Lettres de Marie Bashkirtseff Préface de François Coppée
Author: Marie Bashkirtseff
Commentator: François Coppée
Release Date: April 2, 2006 [EBook #18106]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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DE MARIE BASHKIRTSEFF ***

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LETTRES

DE
MARIE BASHKIRTSEFF

PRÉFACE
par
FRANÇOIS COPPÉE de l'Académie française

BIBLIOTHÈQUE-CHARPENTIER, FASQUELLE ÉDITEURS 11,
RUE DE GRENELLE, PARIS (7e)
Tous droits réservés.
EXTRAIT DU CATALOGUE de la
BIBLIOTHÈQUE-CHARPENTIER
Journal de Marie Bashkirtseff, avec un portrait, (27e mille), 2 vol.
Paris.--Imp. A. Maretheux et L. Pactat, 1, rue Cassette.

PRÉFACE DE FRANÇOIS COPPÉE[1]
[Note 1: Cette préface a paru en tête du catalogue des oeuvres de Marie
Bashkirtseff, lors de l'exposition qui fut faite en 1885. L'auteur a bien
voulu nous permettre de reproduire ici ces pages intéressantes et
difficiles à retrouver.]
L'été dernier, j'allai saluer une dame russe de mes amies, de passage à
Paris, à qui Mme Bashkirtseff donnait l'hospitalité dans son hôtel de la
rue Ampère.
Je trouvai là une compagnie très sympathique: rien que des dames et
des jeunes filles, toutes parlant à merveille le français, avec ce peu

d'accent qui donne à notre langue, dans la bouche des Russes, on ne sait
quelle gracieuse mollesse.
L'accueil que je reçus fut cordial dans cet aimable milieu, où tout
respirait le bonheur. Mais, à peine assis non loin du samovar, une tasse
de thé à la main, je tombai en arrêt d'admiration devant un grand
portrait, celui d'une des jeunes filles présentes, portrait d'une
ressemblance parfaite, librement et largement traité, avec la fougue de
pinceau d'un maître.
«C'est ma fille Marie, me dit Mme Bashkirtseff, qui a fait ce portrait de
sa cousine.»
J'avais commencé une phrase élogieuse; je ne pus pas l'achever. Une
autre toile, puis une autre, puis encore une autre, m'attiraient, me
révélaient une artiste exceptionnelle. J'allais, charmé, de tableau en
tableau,--les murs du salon en étaient couverts--et, à chacune de mes
exclamations d'heureuse surprise, Mme Bashkirtseff me répétait, avec
une émotion dans la voix, où il y avait encore plus de tendresse que
d'orgueil:
«C'est de ma fille Marie... c'est de ma fille...»
En ce moment, Mlle Marie Bashkirtseff survint. Je ne l'ai vue qu'une
fois, je ne l'ai vue qu'une heure... je ne l'oublierai jamais.
À vingt-trois ans, elle paraissait bien plus jeune. Presque petite, mais de
proportions harmonieuses, le visage rond et d'un modelé exquis, les
cheveux blond-paille avec de sombres yeux comme brûlés de pensée,
des yeux dévorés du désir de voir et de connaître, la bouche ferme,
bonne et rêveuse, les narines vibrantes d'un cheval sauvage de l'Ukraine,
Mlle Marie Bashkirtseff donnait, au premier coup d'oeil, cette sensation
si rare: la volonté dans la douceur, l'énergie dans la grâce. Tout, en
cette adorable enfant, trahissait l'esprit supérieur. Sous ce charme
féminin, on sentait une puissance de fer, vraiment virile;--et l'on
songeait au présent fait par Ulysse à l'adolescent Achille: une épée
cachée parmi des parures de femme.

À mes félicitations, elle répondit d'une voix loyale et bien timbrée, sans
fausse modestie, avouant ses belles ambitions et--pauvre être marqué
déjà pour la mort!--son impatience de la gloire.
Pour voir ses autres ouvrages, nous montâmes tous dans son atelier.
C'est là que l'étrange fille se comprenait tout à fait.
Le vaste «hall» était divisé en deux parties: l'atelier proprement dit, où
le large châssis versait la lumière; et, plus sombre, un retrait encombré
de papiers et de livres. Ici, elle travaillait; là, elle lisait.
D'instinct, j'allai tout droit au chef-d'oeuvre, à ce «Meeting» qui
sollicita toutes les attentions, au dernier Salon: un groupe de gamins de
Paris causant gravement entre eux--de quelque espièglerie sans doute,
--devant un enclos de planches, dans un coin de faubourg. C'est un
chef-d'oeuvre, je maintiens le mot. Les physionomies, les attitudes des
enfants sont de la vérité pure; le bout de paysage, si navré, résume la
tristesse des quartiers perdus. À l'Exposition, devant ce charmant
tableau, le public avait décerné, d'une voix unanime, la médaille à Mlle
Bashkirtseff, déjà mentionnée l'année précédente. Pourquoi ce verdict
n'avait-il pas été ratifié par le jury? Parce que l'artiste était étrangère?
Qui sait? Peut-être à cause de sa grande fortune? Elle souffrait de cette
injustice et voulait, la noble enfant, se venger en redoublant d'efforts.
En une heure, je vis là vingt
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