rêveur attristerait ta vie,
Tu sentirais toujours son 
ombre à ton côté 
Maudire la rumeur d'envie 
Où marche ta beauté. 
Si, mauvais oiseleur, de ses caresses frêles
Il abaissait sur toi le 
délicat réseau, 
Comme d'un seul petit coup d'ailes 
S'affranchirait l'oiseau!
Et tu ne peux savoir tout le bonheur que broie
D'un caprice enfantin 
le vol brusque et distrait 
Quand il arrache au coeur la proie 
Que la lèvre effleurait; 
Quand l'extase, pareille à ces bulles ténues
Qu'un souffle patient et 
peureux allégea, 
S'évanouit si près des nues 
Qui s'y miraient déjà. 
Sois généreuse, épargne à des songeurs crédules
Ta grâce, et de tes 
yeux les appels décevants: 
Ils chercheraient des crépuscules 
Dans ces soleils levants; 
Il leur faut une amie à s'attendrir facile,
Souple à leurs vains soupirs 
comme aux vents le roseau, 
Dont le coeur leur soit un asile 
Et les bras un berceau, 
Douce, infiniment douce, indulgente aux chimères,
Inépuisable en 
soins calmants ou réchauffants, 
Soins muets comme en ont les mères, 
Car ce sont des enfants. 
Il leur faut pour témoin, dans les heures d'étude,
Une âme qu'autour 
d'eux ils sentent se poser,
Il leur faut une solitude 
Où voltige un baiser. 
Jeune fille, crois-m'en, cherche qui te ressemble,
Ils sont graves 
ceux-là, ne choisis aucun d'eux, 
Vous seriez malheureux ensemble 
Bien qu'innocents tous deux. 
[Illustration] 
[Illustration] 
AU BORD DE L'EAU 
S'asseoir tous deux au bord d'un flot qui passe, 
Le voir passer;
Tous deux, s'il glisse un nuage en l'espace, 
Le voir glisser;
À l'horizon, s'il fume un toit de chaume, 
Le voir fumer;
Aux alentours si quelque fleur embaume, 
S'en embaumer;
Si quelque fruit, où les abeilles goûtent, 
Tente, y goûter;
Si quelque oiseau, dans les bois qui l'écoutent, 
Chante, écouter...
Entendre au pied du saule où l'eau murmure 
L'eau murmurer;
Ne pas sentir, tant que ce rêve dure, 
Le temps durer;
Mais n'apportant de passion profonde 
Qu'à s'adorer,
Sans nul souci des querelles du monde, 
Les ignorer;
Et seuls, heureux devant tout ce qui lasse,
Sans se lasser,
Sentir l'amour, devant tout ce qui passe, 
Ne point passer! 
[Illustration] 
[Illustration: frise] 
EN VOYAGE 
Je partais pour un long voyage.
En wagon, tapi dans mon coin,
J'écoutais fuir l'aigu sillage
Du sifflet dans la nuit au loin; 
Je goûtais la vague indolence,
L'état obscur et somnolent,
Où fait 
tomber sans qu'on y pense
Le train qui bourdonne en roulant; 
Et je ne m'apercevais guère,
Indifférent de bonne foi,
Qu'une jeune 
fille et sa mère
Faisaient route à côté de moi. 
Elles se parlaient à voix basse:
C'était comme un bruit de frisson,
Le bruit qu'on entend quand on passe
Près d'un nid le long d'un 
buisson; 
Et bientôt elles se blottirent,
Leurs fronts l'un vers l'autre penchés,
Comme deux gouttes d'eau s'attirent
Dès que les bords se sont 
touchés; 
Puis, joue à joue, avec tendresse
Elles se firent toutes deux
Un 
oreiller de leur caresse,
Sous la lampe aux rayons laiteux. 
L'enfant sur le bras de ma stalle
Avait laissé poser sa main,
Qui 
reflétait comme une opale
La moiteur d'un jour incertain; 
Une main de seize ans à peine:
La manchette l'ombrait un peu;
L'azur d'une petite veine
La nuançait comme un fil bleu;
Elle pendait molle et dormante,
Et je ne sais si mon regard
Pressentit qu'elle était charmante
Ou la rencontra par hasard, 
Mais je m'étais tourné vers elle,
Sollicité sans le savoir:
On dirait 
que la grâce appelle
Avant même qu'on l'ait pu voir. 
«Heureux, me dis-je, le touriste
Que cette main-là guiderait!»
Et ce 
songe me rendait triste:
Un voeu n'éclôt que d'un regret. 
Cependant glissaient les campagnes
Sous les fougueux rouleaux de 
fer,
Et le profil noir des montagnes
Ondulait ainsi qu'une mer. 
Force étrange de la rencontre!
Le coeur le moins prime-sautier
D'un 
lambeau d'azur qui se montre
Improvise un ciel tout entier: 
Une enfant dort, une étrangère,
Dont la main paraît à demi,
Et ce 
peu d'elle me suggère
Un voeu de bonheur infini! 
Je la rêve, inconnue encore,
Sur ce peu de réalité,
Belle de tout ce 
que j'ignore
Et du possible illimité... 
Je rêve qu'une main si blanche,
D'un si confiant abandon,
Ne peut 
être que sûre et franche
Et se donnerait tout de bon. 
Bienheureux l'homme qu'au passage
Cette main fine enchaînerait!
Calme à jamais, à jamais sage...
--Vitry! cinq minutes d'arrêt! 
A ces mots criés sur la voie
Le couple d'anges s'éveilla,
Battit des 
ailes avec joie,
Et disparut. Je restai là: 
Cette enfant qu'un autre eût suivie,
Je me la laissais enlever.
Un 
voyage! telle est la vie
Pour ceux qui n'osent que rêver. 
SONNET 
A LA PETITE SUZANNE D...
En ces temps où le coeur éclôt pour s'avilir,
Où des races le sang 
fatigué dégénère,
Tu nous épargneras, Suzanne, enfant prospère,
De 
voir en toi la fleur du genre humain pâlir. 
Deux artistes puissants sont jaloux d'embellir
En toi l'âme immortelle 
et l'argile éphémère:
Le dieu de la nature et celui de ta mère;
L'un 
travaille à t'orner, et l'autre à t'ennoblir. 
L'enfant de Bethléem façonne à sa caresse
Ta grâce, où cependant des 
enfants de la Grèce
Sourit encore aux yeux le modèle invaincu. 
Et par cette alliance ingénument profonde,
Dans une même femme 
auront un jour vécu
L'un et l'autre Idéal qui divisent le monde. 
ENFANTILLAGE 
Madame, vous étiez petite, 
J'avais douze ans;
Vous oubliez vos courtisans 
Bien vite! 
Je    
    
		
	
	
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