toutes ses forces: 
--Martial! Mon homme!... 
Rien ne lui répondit. 
Épouvantée de ce silence, la Louve se mit à tourner, à tourner autour du 
logis comme une bête sauvage qui flaire et cherche en rugissant l'entrée 
de la tanière où est enfermé son mâle. 
De temps en temps elle criait: 
--Mon homme, es-tu là? Mon homme!!! 
Et, dans sa rage, elle ébranlait les barreaux de la fenêtre de la cuisine, 
elle frappait la muraille, elle heurtait à la porte. 
Tout à coup un bruit sourd lui répondit de l'intérieur de la maison. 
La Louve tressaillit, écouta. 
Le bruit cessa. 
--Mon homme m'a entendue, il faut que j'entre, quand je devrais ronger 
la porte avec mes dents. 
Et elle se mit de nouveau à pousser son cri sauvage. 
Plusieurs coups frappés, mais faiblement, à l'intérieur des volets de
Martial, répondirent aux hurlements de la Louve. 
--Il est là! s'écria-t-elle en s'arrêtant brusquement sous la fenêtre de son 
amant, il est là! S'il le faut, j'arracherai la tôle avec mes ongles, mais 
j'ouvrirai ces volets. 
Ce disant, elle avisa une grande échelle à demi engagée derrière un des 
contrevents de la salle basse; en attirant violemment ce contrevent à 
elle, la Louve fit tomber la clef cachée par la veuve sur le bord de la 
croisée. 
--Si elle ouvre, dit la Louve en essayant la clef dans la serrure de la 
porte d'entrée, je pourrai monter à sa chambre. Ça ouvre, s'écria-t-elle 
avec joie, mon homme est sauvé! 
Une fois dans la cuisine, elle fut frappée des cris des deux enfants qui, 
renfermés dans le caveau et entendant un bruit extraordinaire, 
appelaient à leur secours. 
La veuve, croyant que personne ne viendrait dans l'île ou dans la 
maison pendant son absence, s'était contentée d'enfermer François et 
Amandine à double tour, laissant la clef à la serrure. 
Mis en liberté par la Louve, le frère et la soeur sortirent précipitamment 
du caveau. 
--Ô la Louve! Sauvez mon frère Martial, ils veulent le faire mourir! 
s'écria François; depuis deux jours ils l'ont muré dans sa chambre. 
--Ils ne lui ont pas fait de blessures? 
--Non, non, je ne crois pas. 
--J'arrive à temps! s'écria la Louve en courant à l'escalier; puis, 
s'arrêtant après avoir gravi quelques marches: Et la Goualeuse que 
j'oublie! dit-elle. Amandine, du feu tout de suite; toi et ton frère, 
apportez ici près de la cheminée une pauvre fille qui se noyait; je l'ai 
sauvée. Elle est sous la tonnelle. François, un merlin, une hache, une
barre de fer, que j'enfonce la porte de mon homme! 
--Il y a là le merlin à fendre le bois, mais c'est trop lourd pour vous, dit 
le jeune garçon en traînant avec peine un énorme marteau. 
--Trop lourd! s'écria la Louve; et elle enleva sans peine cette masse de 
fer qu'en toute autre circonstance elle eût peut-être difficilement 
soulevée. 
Puis, montant l'escalier quatre à quatre, elle répéta aux deux enfants: 
--Courez chercher la jeune fille et approchez-la du feu. 
En deux bonds la Louve fut au fond du corridor, à la porte de Martial. 
--Courage, mon homme, voilà ta Louve! s'écria-t-elle; et levant le 
marteau à deux mains, d'un coup furieux elle ébranla la porte. 
--Elle est clouée en dehors. Arrache les clous, s'écria Martial d'une voix 
faible. 
Se jetant aussitôt à genoux dans le corridor, à l'aide du bec du merlin et 
de ses ongles qu'elle meurtrit, de ses doigts qu'elle déchira, la Louve 
parvint à arracher du plancher et du chambranle plusieurs clous 
énormes qui condamnaient la porte. 
Enfin cette porte s'ouvrit. 
Martial, pâle, les mains ensanglantées, tomba presque sans mouvement 
dans les bras de la Louve. 
 
II 
La Louve et Martial 
--Enfin je te vois, je te tiens, je t'ai..., s'écria la Louve en recevant et en 
serrant Martial dans ses bras, avec un accent de possession et de joie
d'une énergie sauvage; puis, le soutenant, le portant presque, elle l'aida 
à s'asseoir sur un banc placé dans le corridor. 
Pendant quelques minutes Martial resta faible, hagard, cherchant à se 
remettre de cette violente secousse qui avait épuisé ses forces 
défaillantes. 
La Louve sauvait son amant au moment où, anéanti, désespéré, il se 
sentait mourir, moins encore par le manque d'aliments que par la 
privation d'air, impossible à renouveler dans une petite chambre sans 
cheminée, sans issue, et hermétiquement fermée, grâce à l'atroce 
prévoyance de Calebasse, qui avait bouché avec de vieux linges 
jusqu'aux moindres fissures de la porte et de la croisée. 
Palpitante de bonheur et d'angoisse, les yeux mouillés de pleurs, la 
Louve, à genoux, épiait les moindres mouvements de la physionomie 
de Martial. 
Celui-ci semblait peu à peu renaître en aspirant à longs traits un air pur 
et salubre. 
Après quelques tressaillements, il releva sa tête appesantie, poussa un 
long soupir et ouvrit les yeux. 
--Martial, c'est moi, c'est ta    
    
		
	
	
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