Les mille et un fantomes

Alexandre Dumas, père


Les mille et un fantomes, by Alexandre Dumas

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Title: Les mille et un fantomes
Author: Alexandre Dumas
Release Date: February 28, 2005 [EBook #15208]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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LES MILLE ET UN FANT?MES
PASCAL BRUNO PAR ALEXANDRE DUMAS
éDITION ILLUSTRéE PAR ANDRIEUX ET ED. COPPIN PARIS CALMANN-LéVY, éDITEUR ANCIENNE MAISON MICHEL-LéVY FRèRES 3, RUE AUBER, 3

LES MILLE ET UN FANT?MES.
PAR
ALEXANDRE DUMAS
A M. ***
Mon cher ami, vous m'avez dit souvent,--au milieu de ces soirées, devenues trop rares, où chacun bavarde à loisir, ou disant le rêve de son coeur, ou suivant le caprice de son esprit, ou gaspillant le trésor de ses souvenirs,--vous m'avez dit souvent que depuis Scheherazade et après Nodier, j'étais un des plus amusants conteurs que vous eussiez entendus. Voilà aujourd'hui que vous m'écrivez qu'en attendant un long roman de moi,--vous savez, un de ces romans interminables comme j'en écris, et dans lesquels je fais entrer tout un siècle,--vous voudriez bien quelques contes,--deux, quatre ou six volumes tout au plus, pauvres fleurs de mon jardin, que vous comptez jeter au milieu des préoccupations politiques du moment, entre le procès de Bourges, par exemple, et les élections du mois de mai.
Hélas! mon ami, l'époque est triste, et mes contes, je vous en préviens, ne seront pas gais. Seulement, vous permettrez que, lassé de ce que je vois se passer tous les jours dans le monde réel, j'aille chercher mes récits dans le monde imaginaire. Hélas! j'ai bien peur que tous les esprits un peu élevés, un peu poétiques, un peu rêveurs, n'en soient à cette heure où en est le mien, c'est-à-dire à la recherche de l'idéal, le seul, refuge que Dieu nous laisse contre la réalité.
Tenez, je suis là au milieu de cinquante volumes ouverts à propos d'une histoire de la Régence que je viens d'achever, et que je vous prie, si vous en rendez compte, d'inviter les mères à ne pas laisser lire à leurs filles. Eh bien! je suis là, vous disais-je, et, tout en vous écrivant, mes yeux s'arrêtent sur une page des Mémoires du marquis d'Argenson, où, au-dessous de ces mots: De la Conversation d'autrefois et de celle d'à présent, je lis ceux-ci:
?Je suis persuadé que, du temps où l'h?tel Rambouillet donnait le ton à la bonne compagnie, on écoutait bien et l'on raisonnait mieux. On cultivait son go?t et son esprit. J'ai encore vu des modèles de ce genre de conversation parmi les vieillards de la cour que j'ai fréquentés. Ils avaient le mot propre, de l'énergie et de la finesse, quelques antithèses, mais des épithètes qui augmentaient le sens; de la profondeur sans pédanterie, de l'enjouement sans malignité.?
Il y a juste cent ans que le marquis d'Argenson écrivit ces lignes, que je copie dans son livre,--Il avait, à l'époque où il les écrivait, à peu près l'age que nous avons,--et, comme lui, mon cher ami, nous pouvons dire:--Nous avons connu des vieillards qui étaient, hélas! ce que nous ne sommes plus, c'est-à-dire des hommes de bonne compagnie.
Nous les avons vus, mais nos fils ne les verront pas. Voilà ce qui fait, quoique nous ne valions pas grand'chose, que nous vaudrons mieux que ne vaudront nos fils.
Il est vrai que tous les jours nous faisons un pas vers la liberté, l'égalité, la fraternité, trois grands mots que la Révolution de 93, vous savez, l'autre, la douairière, a lancés au milieu de la société moderne, comme elle e?t fait d'un tigre, d'un lion et d'un ours habillés avec des toisons d'agneaux; mots vides, malheureusement, et qu'on lisait à travers la fumée de juin sur nos monuments publics criblés de balles.
Moi, je vais comme les autres; moi, je suis le mouvement. Dieu me garde de prêcher l'immobilité.--L'immobilité, c'est la mort Mais je vais comme un de ces hommes dont parle Dante,--dont les pieds marchent en avant,--c'est vrai,--mais dont la tête est tournée du c?té de ses talons.
Et ce que je cherche surtout,--ce que je regrette avant tout,--ce que mon regard rétrospectif cherche dans le passé: c'est la société qui s'en va, qui s'évapore, qui dispara?t comme un de ces fant?mes dont je vais vous raconter l'histoire.
Cette société, qui faisait la vie élégante, la vie courtoise, cette vie qui valait la peine d'être vécue, enfin (pardonnez-moi le barbarisme, n'étant point de l'Académie, je puis le risquer), cette
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