Les mille et un fantomes | Page 2

Alexandre Dumas, père
soci��t�� est-elle morte ou l'avons-nous tu��e?
Tenez, je me rappelle que, tout enfant, j'ai ��t�� conduit par mon p��re chez madame de Montesson. C'��tait une grande dame, une femme de l'autre si��cle tout �� fait. Elle avait ��pous��, il y avait pr��s de soixante ans, le duc d'Orl��ans, a?eul du roi Louis-Philippe; elle en avait quatre-vingt-dix. Elle demeurait dans un grand et riche h?tel de la Chauss��e-d'Antin. Napol��on lui faisait une rente de cent mille ��cus.
--Savez-vous sur quel titre ��tait bas��e cette rente inscrite au livre rouge du successeur de Louis XVI?--Non.--Eh bien! madame de Montesson touchait de l'empereur une rente de cent mille ��cus pour avoir conserv�� dans son salon les traditions de la bonne soci��t�� du temps de Louis XIV et de Louis XV.
--C'est juste la moiti�� de ce que la Chambre donne aujourd'hui �� son neveu, pour qu'il fasse oublier �� la France ce dont son oncle voulait qu'elle se souv?nt.
Vous ne croiriez pas une chose, mon cher ami, c'est que ces deux mots que je viens d'avoir l'imprudence de prononcer: la Chambre, me ram��nent tout droit aux M��moires du marquis d'Argenson.
--Comment cela?
--Vous allez voir.
?On se plaint, dit-il, qu'il n'y a plus de conversation de nos jours en France. J'en sais bien la raison. C'est que la patience d'��couter diminue chaque jour chez nos contemporains. L'on ��coute mal ou plut?t l'on n'��coute plus du tout. J'ai fait cette remarque dans la meilleure compagnie que je fr��quente.?
Or, mon cher ami, quelle est la meilleure compagnie que l'on puisse fr��quenter de nos jours? C'est bien certainement celle que huit millions d'��lecteurs ont jug��e digne de repr��senter les int��r��ts, les opinions, le g��nie de la France. C'est la Chambre, enfin.
--Eh bien! entrez dans la Chambre, au hasard, au jour et �� l'heure que vous voudrez. Il y a cent �� parier contre un que vous trouverez �� la tribune un homme qui parle, et sur les bancs cinq �� six cents personnes, non pas qui l'��coutent, mais qui l'interrompent.
C'est si vrai ce que je vous dis l��; qu'il y a un article de la Constitution de 1848 qui interdit les interruptions. Ainsi comptez la quantit�� de soufflets et de coups de poing donn��s �� la Chambre depuis un an �� peu pr��s qu'elle s'est rassembl��e:--c'est innombrable!
Toujours au nom, bien entendu, de la libert��, de l'��galit�� et de la fraternit��.
Donc, mon cher ami, comme je vous le disais, je regrette bon nombre de choses, n'est-ce pas? quoique j'aie d��pass�� �� peu pr��s la moiti�� de la vie;--eh bien! celle que je regrette le plus entre toutes celles qui s'en sont all��es ou qui s'en vont, c'est celle que regrettait le marquis d'Argenson il y a cent ans:--la courtoisie.
Et cependant, du temps du marquis d'Argenson, on n'avait pas encore eu l'id��e de s'appeler citoyen. Ainsi jugez.
Si l'on avait dit au marquis d'Argenson, �� l'��poque o�� il ��crivait ces mots, par exemple:
?Voici o�� nous en sommes venus en France: la toile tombe; tout spectacle dispara?t; il n'y a plus que des sifflets qui sifflent. Bient?t, nous n'aurons plus ni ��l��gants conteurs dans la soci��t��, ni arts, ni peintures, ni palais batis; mais des envieux de tout et partout.?
Si on lui avait dit, �� l'��poque o�� il ��crivait ces mots, que l'on en arriverait,--moi, du moins,--�� envier cette ��poque,--on l'e?t bien ��tonn��, n'est-ce pas, ce pauvre marquis d'Argenson?--Aussi, que fais-je?--Je vis avec les morts beaucoup,--avec les exil��s un peu.--J'essaye de faire revivre les soci��t��s ��teintes, les hommes disparus, ceux-l�� qui sentaient l'ambre au lieu de sentir le cigare; qui se donnaient des coups d'��p��e, au lieu de se donner des coups de poing.
Et voil�� pourquoi, mon ami, vous vous ��tonnez, quand je cause, d'entendre parler une langue qu'on ne parle plus. Voil�� pourquoi vous me dites que je suis un amusant conteur. Voil�� pourquoi ma voix, ��cho du pass��, est encore ��cout��e dans le pr��sent, qui ��coute si peu et si mal.
C'est qu'au bout du compte, comme ces V��nitiens du dix-huiti��me si��cle auxquels les lois somptuaires d��fendaient de porter autre chose que du drap et de la bure, nous aimons toujours �� voir se d��rouler la soie et le velours, et les beaux brocarts d'or dans lesquels la royaut�� tablait les habits de nos p��res.
Tout �� vous,
ALEXANDRE DUMAS.

LA RUE DE DIANE A FONTENAY-AUX-ROSES
Le 1er septembre de l'ann��e 1831, je fus invit�� par un de mes anciens amis, chef de bureau au domaine priv�� du roi, �� faire, avec son fils, l'ouverture de la chasse �� Fontenay-aux-Roses.
J'aimais beaucoup la chasse �� cette ��poque, et, en ma qualit�� de grand chasseur, c'��tait chose grave que le choix du pays o�� devait, chaque ann��e, se faire l'ouverture.
D'habitude nous allions chez un fermier ou plut?t chez un ami de mon beau-fr��re; c'��tait chez lui que j'avais fait, en tuant un li��vre, mes d��buts dans la science des Nemrod et
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