choses votre calme et votre sang-froid? 
--Je crois que je n'aurais pas la force de m'exaspérer, fit Archibald en 
riant. 
--C'est pour cela qu'il ne faut pas abuser de cette première vigueur qui 
vous revient. Sous les réserves que j'ai dites, je vous autorise à parler. 
--J'ai d'abord de nombreuses questions à vous adresser. 
--Faites. 
--Vous n'avez pas encore prononcé le nom de sir Lionel. Est-il vivant? 
Une ombre de tristesse passa sur le visage d'Armand. 
--Sir Lionel est vivant; mais peut-être eût-il mieux valu pour lui qu'il 
eût succombé. 
--Que voulez-vous dire? 
--J'ignore comment vous avez échappé à l'incendie de la maison de 
Biscarre; j'ignore par quelles horribles péripéties vous avez dû passer 
avant que vos deux corps vinssent flotter dans la Seine; mais ce que je 
n'ai que trop réellement constaté, c'est que la raison de sir Lionel n'a pu 
résister à ces secousses. 
--Fou! Sir Lionel est fou!
Armand baissa la tête en signe d'affirmation. 
Archibald plaça ses deux mains sur son visage. Il y eut un long et 
pénible silence. Puis de grosses larmes roulèrent entre ses doigts. 
--Mieux valait la mort, dit-il enfin. Pauvre Lionel! 
--Vous comprenez maintenant pourquoi jusqu'ici j'avais refusé de vous 
répondre: je voulais que vous fussiez assez fort pour entendre cette 
révélation, car je savais bien que cette question serait la première que 
vous m'adresseriez. 
--Mais vous, vous dont la science est supérieure à celle des autres 
hommes, désespérez-vous donc de lui? 
--La folie de Lionel est de celles qui semblent défier la science. Elle se 
caractérise par un calme profond, une impassibilité terrible que rien ne 
peut briser. Sir Lionel semble un cadavre qui vit et qui marche. En face 
de cette absence de tout effet extérieur, la lutte contre le mal est plus 
difficile, presque impossible.... 
--Vous tenterez tous les moyens, n'est-ce pas? 
--Certes, vous n'en doutez pas. Mais il faut avant tout laisser agir le 
temps. Une crise peut se déclarer, et c'est alors seulement que je pourrai 
utilement tenter la guérison de notre cher ami Lionel. 
--J'ai foi en vous, dit Archibald. Vous le sauverez.... 
Armand secoua la tête. Il doutait de lui-même. Archibald passa sa main 
sur son front, puis il reprit: 
--Qu'est devenu le misérable que nous poursuivions? 
Armand raconta succinctement à Archibald ce qui s'était passé. 
Aussitôt qu'il avait vu enlever son frère, Droite avait couru chez 
Armand. Celui-ci connaissait l'expédition tentée par Archibald et 
Lionel au quai de Gèvres. Il ne douta pas que ce ne fût dans ce repaire
que Gauche avait été entraîné. Il avait couru à la maison sinistre et 
n'avait pas tardé à découvrir l'issue par laquelle il était possible d'y 
pénétrer par derrière. On sait le reste. 
--Maintenant, ajouta Armand, qu'est devenu Biscarre? Je ne saurais le 
dire. Voici les renseignements qui ont été publiés le lendemain dans un 
des journaux qui se sont occupés de cette affaire.... 
--Lisez, dit Archibald. 
--Nos renseignements spéciaux, dit encore Armand, tandis qu'il tirait de 
sa poche un journal dont la date remontait déjà à plusieurs jours, ne 
nous ont rien appris de plus. Voici la note la plus complète que j'aie 
encore lue: 
«Depuis longtemps déjà, la police était sur la trace d'une association 
occulte et criminelle dont les affiliés portaient le sobriquet de Loups de 
Paris. On soupçonnait d'en faire partie un recéleur du quai de Gèvres, 
connu sous le nom du vieux Blasias. Des mesures avaient été prises 
pour s'emparer de lui et on espérait d'un seul coup de filet se saisir des 
principaux affiliés de la bande. 
»Mais, sans doute, M. le préfet, trop préoccupé de protéger le trône et 
les bases de l'ordre social (inutile de dire que le journal où se trouvaient 
ces lignes appartenait à l'opposition), a cru devoir trop longtemps 
surseoir à l'expédition projetée. 
»La nuit dernière, un incendie a dévoré la masure qui servait de refuge 
au vieux Blasias, qui, selon toute apparence, était le chef de 
l'association. Ce misérable est parvenu à s'enfuir, mais d'après toutes 
les probabilités, il a trouvé la mort dans la Seine, qu'il avait tenté--on ne 
sait pourquoi--de traverser à la nage. Ce qui donne à cette hypothèse 
une certaine vraisemblance, c'est que des mariniers ont retiré de l'eau 
des vêtements qui ont été reconnus pour lui appartenir et dont sans 
doute il s'était débarrassé afin de garder la liberté de ses mouvements. 
Jusqu'ici le cadavre n'a pas été retrouvé. 
»On croit que ce Blasias n'était autre qu'un nommé Biscarre, ancien
forçat évadé. Nous espérons que la police, faisant trêve à ses soucis 
politiques, mettra tout en oeuvre pour s'emparer de ses complices. 
Est-ce donc être trop exigeant?» 
--Rien de plus? demanda Archibald. 
--Voyez vous-même. 
Et Armand lui tendit le journal. Archibald parcourut de nouveau 
l'article indiqué comme pour y découvrir quelques détails qui lui 
eussent échappé à première audition. 
Tout    
    
		
	
	
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