premiers représentants de la nation française. On s'encourage en 
marchant; on se promet de ne jamais se séparer et de résister jusqu'à la 
mort. On arrive; on fait appeler ceux des députés qui ne sont pas 
instruits de ce qui se passe. Un député malade s'y fait transporter. Le 
peuple, qui assiège la porte, couvre ses représentants de bénédictions. 
Des soldats désobéissent pour venir garder l'entrée de ce nouveau 
sanctuaire de la liberté. Une voix s'élève [celle de Mounier]; elle 
demande que chacun prête le serment de ne jamais se séparer et de se 
rassembler partout jusqu'à ce que la constitution du royaume et la 
régénération publique soient établies. Tous le jurent, tous le signent, 
hors un [Martin d'Auch]; et le procès-verbal fait mention de cette 
circonstance remarquable. La cour, aveuglée, ne comprit pas que cet 
acte de vigueur devait renverser son ouvrage. [Note: Précis de l'histoire 
de la Révolution française, réimp. De 1819, pp. 56-57.] 
Armand Brette a complété ce récit. «Sur les 19 curés affiliés dès ce
moment à la cause du Tiers, sept seulement adhérèrent au serment le 20 
juin ou le 22 juin, 12 s'abstinrent..., 4 députés du Tiers seulement 
refusèrent de signer ... il n'y eut qu'un seul opposant, Martin d'Auch, 
qui déclara qu'il ne pouvait jurer d'exécuter des délibérations qui ne 
sont pas sanctionnées par le roi..., tous les nobles députés du Tiers 
présents à Versailles, les royalistes les plus éprouvés, Malouet, 
Mounier, Flachslanden, l'ami intime du roi, Hardy de La Largère, dont 
le fils fut anobli sous la Restauration en souvenir du constituant, 
Charrier, qui en 1792 souleva la Lozère et paya de sa tête son 
dévouement à la cause royale, vingt autres enfin, dont l'affection pour 
le roi était notoire, ont signé le serment et ont ainsi légitimé 
l'audacieuse constitution du Tiers en Assemblée nationale.» [Note: A. 
BRETTE, La séance royale du 23 juin 1789, ses préliminaires et ses 
suites. La Révolution française, t. XX, p. 442 et 534.] 
Parmi ceux qui signèrent le serment, cet acte solennel de rébellion, il y 
en eut qui éprouvèrent une émotion intense. L'un d'eux devint fou. 
FOU DE REMORDS 
Le lendemain un député de Lorraine, nommé Mayer, est devenu fou. Il 
avait prêté le serment et en avait la conscience bourrelée. Il était à côté 
d'un filou qui venait de voler sous le costume d'un député du Tiers. 
Lorsqu'on est venu prendre ce filou, il a cru qu'on arrêtait tous les 
députés du Tiers pour avoir fait le serment; la peur l'a pris et la tête lui a 
sauté. Cette frayeur d'être arrêté n'était pas mal fondée, car le bruit 
général était que ce parti violent avait été proposé, les uns disaient dans 
le conseil et d'autres dans un de ces conseils tenus fréquemment chez 
MM. de Polignac et chez M. le comte d'Artois. [Note: Journal de l'abbé 
Coster dans Brette, id., pp. 37-38.] 
Le 21 juin, à une députation de la noblesse conduite par le duc de 
Luxembourg, le roi avait répondu qu'il ne permettrait jamais qu'on 
altérât l'autorité qui lui avait été confiée pour le bien de ses sujets. La 
séance royale qui devait avoir lieu le 22 juin fut remise au 23. Le 22 
juin, Bailly trouvant la porte des Menus fermée, se rendit aux Récollets 
qui refusèrent de le recevoir. Les marguilliers de l'église Saint-Louis lui 
offrirent leur église. On se rendit d'abord dans la chapelle des Charniers,
où avaient lieu les catéchismes, puis dans la nef. Deux membres de la 
noblesse du Dauphiné, les premiers de leur ordre, le marquis de 
Blacons et le comte d'Agoult se réunirent au Tiers et la majorité du 
clergé se réunit aussi, conduite par les archevêques de Vienne et de 
Bordeaux, les évêques de Chartres et de Rodez. 
L'abbé Grégoire nous dit qu'en prévision de la séance royale du 
lendemain, les députés qui se réunissaient au club breton (berceau des 
Jacobins) arrêtèrent un plan de résistance: 
L'ACTION DU CLUB BRETON 
La veille au soir nous étions douze ou quinze députés réunis au Club 
Breton, ainsi nommé parce que les Bretons en avaient été les fondateurs. 
Instruits de ce que méditait la Cour pour le lendemain, chaque article 
fut discuté par tous et tous opinèrent sur le parti à prendre. La première 
résolution fut celle de rester dans la salle malgré la défense du roi. Il fut 
convenu qu'avant l'ouverture de la séance, nous circulerions dans les 
groupes de nos collègues pour leur annoncer ce qui allait se passer sous 
leurs yeux et ce qu'il fallait y opposer. [Note: Mémoires de l'Abbé 
Grégoire, t. I, p. 380. Ce récit est confirmé par Bouchette, Lettre du 24 
juin 1789: «Nous étions convenus d'avance quoiqu'il arrivât de ne pas 
nous séparer avant d'avoir pris une délibération et nous la fîmes ainsi» 
(Lettres de Bouchette, Paris, 1909).] 
LA SÉANCE ROYALE    
    
		
	
	
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