quelques bureaux et quelques comptoirs, où
quelques parents et quelques vieilles connaissances ont la bonté de me 
tolérer, et où je me tiens debout contre la cheminée si la saison est 
froide. Je remplis ainsi ma journée jusqu'à cinq heures: je dîne alors, 
dépensant pour le repas, la moyenne d'un shelling trois pences. Ayant 
toujours quelque argent de poche pour mes soirées, je m'arrête, avant 
de rentrer chez moi, à l'antique café du pont de Westminster où je 
prends ma tasse de thé et peut- être ma tartine de pain rôti. Enfin, quand 
l'aiguille de l'horloge se rapproche de minuit, je me dirige vers 
Clapham-Road et, à peine rentré dans ma chambre, je me mets au lit, -- 
le feu étant chose coûteuse et mes propriétaires ne se souciant pas que 
j'en fasse parce qu'il faudrait qu'on eût la peine de me l'allumer et que 
cela salit une chambre. 
Quelquefois, un de mes parents ou une de mes connaissances m'invite à 
dîner. Ces invitations sont mes jours de fête, et ces jours-là, je vais 
généralement me promener dans Hyde-Park. Je suis un homme solitaire, 
et il est rare que je me promène avec un compagnon; non pas qu'on 
m'évite parce que je suis mal vêtu, -- car j'ai toujours une mise décente, 
toujours vêtu de noir (ou plutôt de cette nuance connue sous le nom de 
drap d'Oxford qui fait l'effet d'être noir et qui est de meilleur usage); 
mais j'ai contracté l'habitude de parler bas, je garde volontiers le silence, 
et n'étant pas d'un caractère très gai, je sens que je ne suis pas d'une 
société très séduisante. 
La seule exception à cette règle générale est l'enfant de mon cousin 
germain, le petit Frank. J'ai une affection particulière pour cet enfant et 
il est très bon pour moi. C'est un enfant naturellement timide, qui 
s'efface bientôt dans une réunion nombreuse et y est oublié. Lui et moi 
cependant nous sommes parfaitement ensemble. Je crois deviner que, 
dans l'avenir, le pauvre enfant succédera à ma position dans la famille. 
Nous causons peu, et cependant nous nous comprenons. Nous faisons 
notre promenade en nous tenant par la main et sans beaucoup parler; il 
sait ce que je veux dire comme je sais ce qu'il veut dire. Lorsqu'il était 
plus petit enfant, je le conduisais aux étalages des boutiques et lui 
montrais les joujoux. C'est extraordinaire comme il eut bientôt deviné 
que je lui aurais fait beaucoup de cadeaux, si j'avais été dans une 
situation de fortune à pouvoir les lui faire.
Le petit Frank et moi nous allons faire le tour de la colonne 
monumentale de la Cité, -- il aime beaucoup cette colonne -- nous 
allons sur les ponts, nous allons partout où l'on peut aller sans payer. 
Deux fois, au jour anniversaire de ma naissance, nous avons fait un 
petit dîner avec du boeuf à la mode, pour aller ensuite au spectacle à 
moitié prix, et cette partie nous a vivement intéressés. 
Je me promenais un jour avec Frank dans Lombard-Street, que nous 
visitons souvent parce que je lui ai raconté que c'est une rue qui 
contient de grandes richesses, -- et il aime beaucoup Lombard- Street. 
Un passant m'arrête et me dit: «Monsieur, votre jeune fils a laissé 
tomber son gant.» Excusez-moi de vous faire part d'une circonstance si 
triviale...; je sentis mon coeur vivement ému en entendant ainsi, par 
hasard, appeler l'enfant mon fils; et les larmes m'en vinrent aux yeux. 
Lorsque l'on enverra Frank en pension à quelques lieues de Londres, je 
ne saurai trop que devenir; mais je me propose d'aller l'y voir une fois 
tous les mois et de passer avec lui un demi- congé. Ces jours-là, les 
écoliers jouent sur la bruyère; si on m'objectait que mes visites 
dérangent les études de l'enfant je pourrai toujours le regarder de loin, 
pendant la récréation, sans qu'il m'aperçoive, et je retournerai le soir ici. 
Sa mère est d'une famille qui a un certain rang aristocratique et elle 
n'approuve pas, on m'en a prévenu, que nous soyons trop souvent 
ensemble. Je sais que je ne suis point d'une humeur à rendre le 
caractère de Frank moins timide et plus gai; mais je me persuade qu'il 
me regretterait quelquefois si nous étions tout-à-fait séparés. 
Lorsque je mourrai dans ma chambre de Clapham-Road, je ne laisserai 
pas grand'chose en ce monde, d'où je n'emporterai pas grand'chose non 
plus; cependant je me trouve posséder la miniature d'un enfant à l'air 
radieux, aux cheveux frisés, avec chemise à collerette ouverte, que ma 
mère disait être mon portrait, mais que j'ai peine à croire avoir été 
jamais ressemblant. Cette miniature ne se vendrait pas cher et je prierai 
qu'elle soit donnée à Frank. J'ai écrit d'avance une petite lettre à mon 
enfant chéri pour lui être remise en même temps: je lui exprime    
    
		
	
	
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