Les amours jaunes | Page 2

Tristan Corbière
amours ... et
l'amour.
Evohé! ta coupe est remplie!
Jette le vin, garde la lie ...
Comme
ça.--Nul n'a vu le tour.
Et qu'un jour le monsieur candide
De toi dise--Infect! Ah splendide!--

... Ou ne dise rien.--C'est plus court.
Evohé! fouaille la veine;
Evohé! misère: Éblouir!
En fille de joie, à
la peine
Tombe, avec ce mot-là.--Jouir!
Rôde en la coulisse malsaine
Où vont les fruits mal secs moisir,

Moisir pour un quart-d'heure en scène....
--Voir les planches, et
puis mourir
!
Va: tréteaux, lupanars, églises,
Cour des miracles, cour d'assises:

--Quarts-d'heure d'immortalité!

Tu parais! c'est l'apothéose!!!...
Et l'on te jette quelque chose:

--Fleur en papier, ou saleté.--
Donc, la tramontane est montée:
Tu croiras que c'est arrivé!

Cinq-cent-millième Prométhée,
Au roc de carton peint rivé.
Hélas: quel bon oiseau de proie,
Quel vautour, quel Monsieur
Vautour

Viendra mordre à ton petit foie
Gras, truffé?... pour
quoi--Pour le four!...
Four banal!...--Adieu la curée!--
Ravalant ta rate rentrée,
Va,
comme le pélican blanc,
En écorchant le chant du cygne,
Bec-jaune, te percer le flanc!...

Devant un pêcheur à ta ligne.
Tu ris.--Bien!--Fais de l'amertume,
Prends le pli, Méphisto blagueur.

De l'absinthe! et ta lèvre écume....
Dis que cela vient de ton coeur.
Fais de toi ton oeuvre posthume,
Châtre l'amour ... l'amour--longueur!

Ton poumon cicatrisé hume
Des miasmes de gloire, ô vainqueur!
Assez, n'est-ce pas? va-t'en!
Laisse
Ta bourse--dernière maîtresse--
Ton revolver--dernier ami....
Drôle de pistolet fini!
... Ou reste, et bois ton fond de vie,
Sur une
nappe desservie....
ÉPITAPHE
Sauf les amoureux commençons ou finis
qui veulent commencer par la fin il y
a tant de choses qui finissent par le
commencement que le commencement
commence à finir par être la fin la fin
en sera que les amoureux et autres
finiront par commencer à recommencer par

c e commencement qui aura fini par n'être
que la fin retournée ce qui commencera
par être égal à l'éternité qui n'a ni
fin ni commencement et finira par être
aussi finalement égal à la rotation de
la terre où l'on aura fini par ne
distinguer plus où commence la fin d'où
finit le commencement ce qui est toute
fin de tout commencement égale à tout
commencement de toute fin ce qui est le
commencement final de l'infini défila
par l'indéfini--Égale une épitaphe
égale
une préface et réciproquement

(SAGESSE DES NATIONS)
Il se tua d'ardeur, ou mourut de paresse.
S'il vit, c'est par oubli; voici
ce qu'il se laisse:
--Son seul regret fut de n'être pas sa maîtresse.--
Il ne naquit par aucun bout,
Fut toujours poussé vent-de-bout,
Et fut
un arlequin-ragoût,
Mélange adultère de tout.
Du je-ne-sais-quoi.--Mais ne sachant où;
De l'or,--mais avec
pas le sou;
Des nerfs,--sans nerf. Vigueur sans force;
De
l'élan,--avec une entorse;
De l'âme,--et pas de violon;
De
l'amour,--mais pire étalon.
--Trop de noms pour avoir un nom.--
Coureur d'idéal,--sans idée;
Rime riche,--et jamais rimée;
Sans
avoir été,--revenu;
Se retrouvant partout perdu.
Poète, en dépit de ses vers;
Artiste sans art,--à l'envers,

Philosophe,--à tort à travers.
Un drôle sérieux,--pas drôle.
Acteur, il ne sut pas son rôle;
Peintre:
il jouait de la musette;
Et musicien: de la palette.

Une tête!--mais pas de tête;
Trop fou pour savoir être bête;
Prenant
pour un trait le mot très.
--Ses vers faux furent ses seuls vrais.
Oiseau rare--et de pacotille;
Très mâle ...
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