Les Contemporains | Page 8

Jules Lemaître
n'��tait pas toujours cl��mente, les longues luttes entre P��lasges, Hell��nes, Doriens, Ioniens, et aussi les grands cataclysmes naturels dont plusieurs de leurs mythes ont conserv�� le souvenir, avaient fait aux Grecs une ame �� la fois active et r��sign��e, o�� le plaisir de vivre et d'agir se temp��rait par instants de m��lancolie fataliste. Apr��s Marathon et Salamine, une sorte de joie h��ro?que les transporte, et leur g��nie s'��panouit en oeuvres confiantes et superbes. Non qu'ils aient cess�� de croire �� la Mo?ra invincible; mais peut-��tre est-elle intelligente: elle leur a laiss�� faire de si grandes choses! Surtout ils adorent la beaut�� et savent l'exprimer sans y faire effort. Par la parole ou par les contours ils ont traduit les ��nergies de la Nature et celles du corps et de l'ame sous une forme qui les glorifie sans les alt��rer, o�� la pl��nitude et la spontan��it�� de l'impression produisent la grace, qui est la marque de ces divins artistes. Leur vie m��me, qui les exer?ait tout entiers, ��tait comme une oeuvre d'art dont ils s'enchantaient. Vraiment ils ont d? ��tre heureux. Leur existence n'avait point de vide o�� se p?t introduire le d��sespoir. Ils vivaient sous le destin et ils le savaient, mais ils ne s'occupaient que de vivre, et de vivre ici-bas. Ils s'accommodaient admirablement d'��tre hommes; ils connaissaient ce que cela vaut depuis que trente mille Grecs avaient vaincu un million de Barbares. L'horreur en face de l'inconnu et la r��volte contre ce qui est n'��taient chez eux que des sentiments passagers; leur activit�� les sauvait de tout. Si la passion est fatale, elle ne va pas sans volupt��. Si l'homme est opprim�� par quelque chose de plus fort que lui, la r��sistance est bonne, f?t-elle sans succ��s. La palestre, l'Agora, les Dionysiaques et les Panath��n��es leur ��taient de suffisantes raisons de consentir �� voir la lumi��re et emp��chaient la maladie m��taphysique de devenir jamais mortelle �� ce peuple subtil. Plus tard, quand ils eurent perdu la libert��, �� Alexandrie, en Sicile, ils se consolaient encore par leur belle mythologie, par les symboles sensuels de leur religion naturaliste et par des r��ves de vie pastorale dans la campagne divinis��e.
[Note 8: OEdipe �� Colone.]
[Note 9: Polymnie, 46.]
[Note 10: ��n��ide, IX.]
[Note 11: Iliade, III.]
[Note 12: H��rodote, Polymnie, 47.]
Or la s��r��nit�� de leur fatalisme, de leurs r��voltes et de leurs joies, et tout ce qu'il y a d'humain dans leurs mythes revit aux po��mes de M. Leconte de Lisle. Il a passionn��ment aim�� ces amants de la vie et de la beaut��.--Nous sommes loin de Hari formidable et inintelligible. Salut, dit le po��te �� V��nus de Milo,
Salut! �� ton aspect le coeur se pr��cipite; Un flot marmor��en inonde tes pieds blancs; Tu marches fi��re et nue, et le monde palpite, Et le monde est �� toi, d��esse aux larges flancs!
Au sortir des lourdes somnolences bouddhiques, il dit les tristesses viriles de la muse grecque. Il nous montre, en deux drames dont la forme imite d'assez pr��s les trag��dies d'Eschyle, l'aventure fatale d'H��l��ne amante de Paris, et d'Oreste vengeur de son p��re et meurtrier de sa m��re. Mais aussit?t surgissent les rebelles, chers au po��te de Ka?n: c'est Khir?n puni pour avoir r��v�� des dieux meilleurs que ceux de l'Olympe; c'est Niob��, fid��le aux Titans vaincus, qui auront leur jour et qui r��tabliront le r��gne de la Justice.--Enfin, il se repose de ces graves histoires dans l'adoration de la beaut�� physique. Viennent alors les idylles, Glauc��, Klytie, Kl��ariste, la Source, etc., songes d'amour enchant��, tout pr��s de la nature, pleins d'images ravissantes, presque sans pens��e. Dirai-je qu'il manque �� ces ��glogues, pour ��tre enti��rement grecques, le ?je ne sais quoi? que Ch��nier seul a connu par un extraordinaire privil��ge? M. Leconte de Lisle a peu de na?vet��, et il serait na?f de s'en ��tonner ou de s'en plaindre.
VIII
Mais la Gr��ce ��tait trop petite pour contenir toute la race humaine, et c'est vraiment dommage. Plus loin, vers l'Occident et vers le Nord, s'avan?ait le flot des tribus voyageuses. Les plus durs, les plus robustes et les plus inquiets, dans leur besoin de mouvement et leur soif d'inconnu, allaient toujours devant eux, jusqu'aux r��gions du brouillard et de l'hiver.
Vieillards, bardes, guerriers, enfants, femmes en larmes, L'innombrable tribu partit, ceignant ses flancs, Avec tentes et chars et les troupeaux beuglants; Au passage entaillant le granit de ses armes, Rougissant les d��serts de mille pieds sanglants. ....................... Une mer apparut, aux hurlements sauvages.... Et cette mer semblait la gardienne des mondes D��fendus aux vivants, d'o�� nul n'est revenu; Mais, l'ame par del�� l'horizon morne et nu, De mille et mille troncs couvrant les noires ondes, La foule des Kimris vogua vers l'inconnu[13].
[Note 13: Le Massacre de Mona.]
Arriv��s au terme de leur ��nergique p��lerinage, ils eurent �� lutter contre une nature rude et pauvre de soleil, dont l'inhumanit��
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