Leone Leoni

George Sand

Leone Leoni, by George Sand

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Title: Leone Leoni
Author: George Sand
Release Date: March 16, 2005 [EBook #15388]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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LIBRAIRIE BLANCHARD RUE RICHELIEU, 78 éDITION J. HETZEL LIBRAIRIE MARESCO ET Cie 5, RUE DU PONT-DE-LODI

[Illustration]
LEONE LEONI
NOTICE
étant à Venise par un temps très-froid et dans une circonstance fort triste, le carnaval mugissant et sifflant au dehors avec la bise glacée, j'éprouvais le contraste douloureux qui résulte de notre souffrance intérieure, isolée au milieu de l'enivrement d'une population inconnue.
J'habitais un vaste appartement de l'ancien palais Nasi, devenu une auberge et donnant sur le quai des Esclavons, près le pont des Soupirs. Tous les voyageurs qui ont visité Venise connaissent cet h?tel, mais je doute que beaucoup d'entre eux s'y soient trouvés dans une disposition morale aussi douloureusement recueillie, le mardi gras, dans la ville classique du carnaval.
Voulant échapper au spleen par le travail de l'imagination, je commen?ai au hasard un roman qui débutait par la description même du lieu, de la fête extérieure et du solennel appartement où je me trouvais. Le dernier ouvrage que j'avais lu en quittant Paris était Manon Lescaut. J'en avais causé, ou plut?t écouté causer, et je m'étais dit que faire de Manon Lescaut un homme, de Desgrieux une femme, serait une combinaison à tenter et qui offrirait des situations assez tragiques, le vice étant souvent fort près du crime pour l'homme, et l'enthousiasme voisin du désespoir pour la femme.
J'écrivis ce volume en huit jours, et le relus à peine pour l'envoyer à Paris. Il avait rempli mon but et rendu ma pensée, je n'y aurais rien ajouté en le méditant. Et pourquoi un ouvrage d'imagination aurait-il besoin d'être médité? Quelle moralité voudrait-on faire ressortir d'une fiction que chacun sait être fort possible dans le monde de la réalité? Des gens rigides en théorie (on ne sait pas trop pourquoi) ont pourtant jugé l'ouvrage dangereux. Après tant?t vingt ans écoulés, je le parcours et n'y trouve rien de tel. Dieu merci, le type de Leone Leoni, sans être invraisemblable, est exceptionnel; et je ne vois pas que l'engouement produit par lui sur une ame faible, soit récompensé par des félicités bien enviables. Au reste, je suis, à l'heure qu'il est, bien fixé sur la prétendue portée des moralités du roman, et j'en ai dit ailleurs ma pensée raisonnée.
GEORGE SAND.
Nohant, janvier 1853.

I.
Nous étions à Venise. Le froid et la pluie avaient chassé les promeneurs et les masques de la place et des quais. La nuit était sombre et silencieuse. On n'entendait au loin que la voix monotone de l'Adriatique se brisant sur les ?lots, et de temps en temps les cris des hommes de quart de la frégate qui garde l'entrée du canal Saint-Georges, s'entre-croisant avec les réponses de la go?lette de surveillance. C'était un beau soir de carnaval dans l'intérieur des palais et des théatres; mais au dehors tout était morne, et les réverbères se reflétaient sur les dalles humides, où retentissait de loin en loin le pas précipité d'un masque attardé, enveloppé dans son manteau.
Nous étions tous deux seuls dans une des salles de l'ancien palais Nasi, situé sur le quai des Esclavons, et converti aujourd'hui en auberge, la meilleure de Venise. Quelques bougies éparses sur les tables et la lueur du foyer éclairaient faiblement cette pièce immense, et l'oscillation de la flamme semblait faire mouvoir les divinités allégoriques peintes à fresque sur le plafond. Juliette était souffrante, elle avait refusé de sortir. étendue sur un sofa et roulée à demi dans son manteau d'hermine, elle semblait plongée dans un léger sommeil, et je marchais sans bruit sur le tapis en fumant des cigarettes de Serraglio.
Nous connaissons, dans mon pays, un certain état de l'ame, qui est, je crois, particulier aux Espagnols. C'est une sorte de quiétude grave qui n'exclut pas, comme chez les peuples tudesques et dans les cafés de l'Orient, le travail de la pensée. Notre intelligence ne s'engourdit pas durant ces extases où l'on nous voit plongés. Lorsque nous marchons méthodiquement, en fumant nos cigares, pendant des heures entières, sur le même carré de mosa?que, sans nous en écarter d'une ligne, c'est alors que s'opère le plus facilement chez nous ce qu'on pourrait appeler la digestion de l'esprit; les grandes résolutions se forment en de semblables moments, et les passions soulevées s'apaisent pour enfanter des
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