grabat, goûtent les 
bienfaits du sommeil, cet avant-coureur du ciel qui apporte le repos 
même à l'âme troublée.
Regardez-les. 
Elle est couchée dans un coin, là où la neige s'est introduite et a mêlé à 
la paille ses glaciales constellations. Sur elle, pauvre femme, le froid de 
la nuit a jeté une mantille de frimas et souffle la bise pénétrante. Son 
nourrisson est cramponné à sa poitrine et l'haleine du pauvre petit se 
gèle en blanches concrétions le long de la chevelure de sa mère, qui 
pend par mèches éparses, épaisses, roidies sur son front. 
Elle tressaille, soulève la tête, et ses yeux injectés de sang sont tournés 
vers la porte. 
Elle écoute. 
Mais tout est encore tranquille au dehors et, avec un profond soupir, 
elle se laisse retomber et presse l'enfant contre, son coeur. 
Elle tressaille encore, soulève de nouveau sa tête et la laisse choir sur le 
grossier oreiller. 
Son haleine est sifflante, ses yeux rouges et obscurcis; mais aussi, 
durant cette longue et fatigante nuit, le sommeil n'a pas un seul moment 
versé sur elle son baume réparateur. 
Ellen est couchée à côté de sa mère. 
Elle dort, mais d'un sommeil agité interrompu par la fièvre et le frisson; 
ses dents s'entre-choquent; elle étire ses membres engourdis et pousse 
des cris rauques, en demandant qu'on chasse la neige qui tombe sur son 
corps demi-nu; elle ne jouit d'aucun repos, car son misérable lit est trop 
froid, ses douleurs trop poignantes. 
De l'autre côté est le petit voleur. 
Souvent sa mère le couvre de baisers passionnés, car dans son sommeil 
il demande, en suppliant, du pain. 
Infortunée, cette prière la remplit de terreurs; elle soupire profondément, 
et, tremblante, serre plus fort l'enfant contre son sein.
Venez donc, vous dont les membres s'étendent voluptueusement 
chaque soir sur l'édredon, dans l'oubli des fatigues et le charme des 
rêves agréables, venez donc voir cette scène! Ce n'est pas une fable: les 
faits sont devant vous. 
La matinée était déjà bien avancée, et les yeux de Marguerite, qui 
avaient été si longtemps rivés sur la porte, s'étaient fermés de lassitude, 
alors que ses enfants, devenaient plus remuants, comme il arrivait 
ordinairement aux approches de ce réveil à leur détresse réelle dont les 
songes n'étaient que les ombres, quand la porte s'ouvrit doucement pour 
laisser entrer le mari et le père de toutes ces misères. 
Son maintien était calme et la résignation semblait de nouveau gravée 
sur son visage. 
Mais quand ses regards tombèrent sur les dormeurs, sa quiétude 
apparente l'abandonna; il recula en joignant les mains et leva les yeux 
au ciel. 
Pauvre homme! 
Ses yeux se reportèrent sur les dormeurs et les considérèrent pendant 
quelques secondes; puis il poussa un gros soupir, se retourna, sortit 
sans bruit de la chambre et fit signe d'entrer à un individu qui se tenait 
au dehors. 
C'était un jeune homme qui, malgré le mauvais état de ses vêtements, le 
désordre de sa barbe et de ses cheveux, paraissait bien fait et même de 
bonne mine. 
Sur son front large, découvert, on voyait briller la bienveillance et la 
générosité qui animaient son âme. 
Il portait du bois dans ses bras. 
L'ayant déposé aussi doucement que possible sur le sol, il alluma du 
feu.
--Merci, merci, Guillaume; tu es un digne garçon. 
--Oh! Edouard, Edouard! s'écria Marguerite s'éveillant au son de cette 
voix. Où est-elle? L'a-t-on ramenée? 
--Marguerite, mon enfant, répliqua le mari en affectant un sang-froid 
bien loin de son coeur, Madeleine s'est éloignée de nous pour quelque 
temps, Dieu sait dans quel but. Il nous la ramènera, mais à présent; 
nous devons laisser la pauvre fille entre ses mains. Ah! c'est un grand 
malheur, bien grand, Marguerite, ça fend le coeur; mais il faut se faire 
violence. Nous avons beaucoup à faire, un devoir sacré devant nous 
aujourd'hui, ma bonne femme. 
L'infortunée le regarda avec égarement, et retomba sur la paillasse en 
poussant un faible cri. 
--Marguerite, reprit-il en s'agenouillant à son chevet et en posant la 
main sur sa tête en feu, nous l'avons perdue pour peu de temps; mais, si 
chère qu'elle puisse nous être, elle est seule aux yeux du ciel. Il nous en 
reste quatre, Marguerite, que nous devons pourvoir de pain et tenir hors 
de la mauvaise voie. Ferons-nous notre devoir ou souffriront-ils tous 
pour une seule? Nous pouvons leur éviter un sort semblable, pire 
peut-être; mais, pour elle, la pauvre enfant, si sa droiture naturelle ne la 
protège pas, c'est fini, et nous ne pourrons que la réclamer. C'est un 
devoir sacré, ma pauvre femme. Nous lui donnerons nos prières, mais 
nous devons la laisser à présent, afin de chercher à subvenir aux 
besoins des autres. Guillaume et Mark ont juré de la chercher et de 
nous la ramener.--Allons, enfants, il fait bien froid; levez-vous. 
Guillaume a fait du feu; venez vous    
    
		
	
	
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