ou sur les plages de la mer, pour 
danser nos rondes au sifflement des vents, que tu n'aies troublé nos jeux 
de tes clameurs. Aussi les vents, qui nous faisaient entendre en vain 
leur murmure, comme pour se venger, ont pompé de la mer des vapeurs 
contagieuses, qui, venant à tomber sur les campagnes, ont tellement 
enflé d'orgueil de misérables rivières qu'elles ont surmonté leurs bords. 
Le boeuf a donc porté le joug en vain: le laboureur a perdu ses sueurs, 
et le blé vert s'est gâté avant que le duvet eût revêtu le jeune épi. Les 
parcs sont restés vides au milieu de la plaine submergée, et les 
corbeaux s'engraissent de la mortalité des troupeaux: les jeux de 
merelles[16] sont comblés de fange, et les jolis labyrinthes serpentant 
sur la folâtre verdure ne peuvent plus se distinguer parce qu'on ne les 
fréquente plus. Les mortels de l'espèce humaine[17] sont sevrés de 
leurs fêtes d'hiver; il n'y a plus de chants, plus d'hymnes, plus de noëls 
qui égayent les longues nuits.--Aussi la lune, cette souveraine des flots, 
pâle de courroux, inonde l'air d'humides vapeurs, qui font pleuvoir les 
maladies catarrhales[18]: et, au milieu de ce trouble des éléments, nous 
voyons les saisons changer; les frimas, à la blanche chevelure, tomber 
sur le tendre sein de la rose vermeille; le vieux hiver étale, comme par 
dérision, autour de son menton et de sa tête glacée, une guirlande de 
tendres boutons de fleurs. Le printemps, l'été, le fertile automne, l'hiver 
chagrin, échangent leur livrée ordinaire; et le monde étonné ne peut 
plus les distinguer par leurs productions. Toute cette série de maux 
provient de nos débats et de nos dissensions; c'est nous qui en sommes 
les auteurs et la source. 
[Note 16: Jeu de merelles, figure composée de plusieurs carrés que les 
bergers ou les enfants tracent sur le gazon.]
[Note 17: Il y a dans le texte human mortals: cette épithète, qui semble 
redondante, sert à marquer la différence entre les hommes et les fées. 
Celles-ci ne font pas partie de l'humanité, quoique soumises à la mort 
comme les hommes.] 
[Note 18: Observation juste sur la constitution médicale de 
l'atmosphère.] 
OBERON.--Eh bien! réformez ces désordres; cela dépend de vous. 
Pourquoi Titania contrarierait-elle son Oberon? Je ne lui demande 
qu'un petit garçon, pour en faire mon page d'honneur[19]. 
[Note 19: Page d'honneur, place de cour abolie par Élisabeth; le 
henchman des highlanders était leur échanson.] 
TITANIA.--Mettez votre coeur en repos. Tout le royaume des fées 
n'achèterait pas de moi cet enfant: sa mère était initiée à mes mystères; 
et maintes fois la nuit, dans l'air parfumé de l'Inde, elle a bavardé 
auprès de moi; maintes fois, assise à mes côtés sur les sables dorés de 
Neptune, elle observait les commerçants embarqués sur les flots. Après 
que nous avions ri de voir les voiles s'enfler, et s'arrondir sous les 
caresses du vent, elle se mettait à vouloir les imiter, et d'une démarche 
gracieuse et balancée, poussant en avant son ventre, riche alors de mon 
jeune écuyer, comme un vaisseau voguant sur la plaine, elle m'allait 
chercher des bagatelles, pour revenir ensuite à moi, comme d'un long 
voyage, chargée d'une précieuse cargaison. Mais l'infortunée étant 
mortelle, est morte en donnant la vie à ce jeune enfant, que j'élève pour 
l'amour d'elle; c'est pour l'amour de sa mère que je ne veux pas me 
séparer de lui. 
OBERON.--Combien de temps vous proposez-vous de rester dans le 
bois? 
TITANIA.--Peut-être jusqu'après le jour des noces de Thésée. Si vous 
voulez vous mêler patiemment à nos rondes, et assister à nos ébats au 
clair de la lune, venez avec nous; sinon, évitez-moi, et je ne troublerai 
pas vos retraites.
OBERON.--Donnez-moi cet enfant, et je suis prêt à vous suivre. 
TITANIA.--Pas pour votre royaume.--Allons, fées, partons. Nous 
passerons toute la nuit à quereller, si je reste plus longtemps. (Titania 
sort avec sa suite.) 
OBERON.--Eh bien! va, poursuis; mais tu ne sortiras pas de ce bosquet 
que je ne t'aie tourmentée, pour me venger de cet outrage.--Mon gentil 
Puck, approche ici. Tu te souviens d'un jour où j'étais assis sur un 
promontoire, et que j'entendis une sirène, portée sur le dos d'un dauphin, 
proférer des sons si doux et si harmonieux, que la mer courroucée 
s'apaisa aux accents de sa voix, et maintes étoiles transportées 
s'élancèrent de leur sphère pour entendre la musique de cette fille de 
l'Océan? 
PUCK.--Oui, je m'en souviens. 
OBERON.--Eh bien! dans le temps, je vis (mais tu ne pus le voir, toi) 
Cupidon tout armé[20] voler entre la froide lune et la terre: il visa au 
coeur d'une charmante Vestale, assise sur un trône d'Occident; il 
décocha de son arc un trait d'amour bien acéré, comme s'il eût voulu 
percer d'un seul coup cent mille coeurs. Mais je vis la flèche 
enflammée du jeune Cupidon s'éteindre dans les    
    
		
	
	
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