ruisseau était parsemé de grosses pierres; en sautant de l'une à l'autre
nous parvînmes facilement au bord opposé. Dès ce moment notre marche, jusqu'alors 
facile, devint pénible; nous nous trouvâmes au milieu de grandes herbes sèches à demi 
brûlées par le soleil, et qui semblaient s'étendre jusqu'à la mer. 
Nous y avions à peine fait une centaine de pas, lorsque nous entendîmes un grand bruit 
derrière nous, et nous vîmes remuer fortement les tiges; je remarquai avec plaisir que 
Fritz, sans se troubler, arma son fusil et se tint calme, prêt à recevoir l'ennemi. 
Heureusement ce n'était que notre bon Turc, que nous avions oublié, et qui venait nous 
rejoindre. Nous lui fîmes bon accueil, et je louai Fritz de son courage et de sa présence 
d'esprit. 
«Vois, mon fils, lui dis-je: si, au lieu d'attendre prudemment comme tu l'as fait, tu eusses 
tiré ton coup au hasard, tu risquais de manquer l'animal féroce, si c'en eût été un, ou, ce 
qui était pis, tu pouvais tuer ce pauvre chien et nous priver de son secours.» 
Tout en devisant, nous avancions toujours; à gauche, et près de nous, s'étendait la mer; à 
droite, et à une demi-heure de chemin à peu près, la chaîne de rochers qui venait finir à 
notre débarcadère suivait une ligne presque parallèle à celle du rivage, et le sommet en 
était couvert de verdure et de grands arbres. Nous poussâmes plus loin; Fritz me demanda 
pourquoi nous allions, au péril de notre vie, chercher des hommes qui nous avaient 
abandonnés. Je lui rappelai le précepte du Seigneur, qui défend de répondre au mal 
autrement que par le bien; et j'ajoutai que d'ailleurs, en agissant ainsi, nos compagnons 
avaient plutôt cédé à la nécessité qu'à un mauvais vouloir. Il se tut alors, et tous deux, 
recueillis dans nos pensées, nous poursuivîmes notre chemin. 
Au bout de deux heures de marche environ, nous atteignîmes enfin un petit bois quelque 
peu éloigné de la mer. En cet endroit, nous nous arrêtâmes pour goûter la fraîcheur de son 
ombrage, et nous nous avançâmes près d'un petit ruisseau. 
Les arbres étaient touffus, le ruisseau coulait paisiblement, mille oiseaux peints des plus 
belles couleurs s'ébattaient autour de nous. Fritz, en pénétrant dans le bois, avait cru 
apercevoir des singes; l'inquiétude de Turc, ses aboiements répétés, nous confirmèrent 
dans cette pensée. Il se leva pour essayer de les découvrir; mais, tout en marchant, il 
heurta contre un corps arrondi qui faillit le faire tomber. Il le ramassa, et me l'apporta en 
me demandant ce que c'était, car il le prenait pour un nid d'oiseau. 
«C'est une noix de coco. 
--Mais n'y a-t-il pas des oiseaux qui font ainsi leur nid? 
--Il est vrai; cependant je reconnais la noix de coco à cette enveloppe filandreuse. 
Dégageons-la, et tu trouveras la noix.» 
Il obéit, et nous ouvrîmes la noix: elle ne contenait qu'une amande sèche et hors d'état 
d'être mangée. Fritz, tout désappointé, se récria alors contre les récits des voyageurs qui 
avaient fait une description si appétissante du lait contenu dans la noix, et de la crème que 
recouvrait l'amande. Je l'arrêtai en lui faisant remarquer que celle-ci était tombée et 
desséchée depuis longtemps, et que nous en trouverions probablement de meilleures. En
effet, nous en rencontrâmes une qui, bien qu'un peu rance, ne laissa pas de nous faire 
beaucoup de plaisir. J'expliquai alors à Fritz comment l'amande du cocotier rompt sa 
coque à l'aide de trois trous où cette enveloppe est moins dure qu'en tout autre endroit. 
Nous continuions cependant à marcher; le chemin nous conduisit longtemps encore à 
travers ce bois, où nous fûmes plusieurs fois obligés de nous frayer un passage avec la 
hache, tant était grande la multitude de lianes qui nous barraient le chemin. Nous 
arrivâmes enfin à une clairière où les arbres nous laissèrent un plus libre accès. 
Dans cette forêt la végétation était d'une beauté et d'une vigueur remarquables, et tout 
autour de nous s'élevaient des arbres plus curieux les uns que les autres. Fritz les 
regardait tous avec étonnement, et me faisait remarquer, dans son admiration, tantôt leurs 
fruits, tantôt leur feuillage. Il arriva bientôt près d'un nouvel arbre plus extraordinaire que 
les autres, et s'écria: «Quel est donc cet arbre, mon père, dont les fruits sont attachés au 
tronc, au lieu de l'être aux branches? Je vais en cueillir.» J'approchai, et je reconnus avec 
joie des calebassiers tout chargés de leurs fruits. Fritz, remarquant ce mouvement, me 
demanda si c'est bon à manger, et à quoi c'est utile. 
«Cet arbre, lui dis-je, est un des plus précieux que produisent ces climats, et les sauvages 
y trouvent en même temps leur nourriture et les ustensiles pour la faire cuire. Son fruit est 
assez estimé parmi eux, mais les Européens n'en font aucun cas; ils en trouvent la    
    
		
	
	
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