toile tombe.)
ACTE III
QUATRIÈME TABLEAU
LES BRIGANDS
(Le théâtre représente l'intérieur d'un parc. Au fond, un mur qu'au lever
du rideau, Adrien est en train d'escalader. Il fait nuit.)
SCÈNE I
ADRIEN, seul.
ADRIEN, dont on ne voit que la tête--On n'a pas l'habitude de veiller si
tard au Domaine. Il faut que ce singulier personnage soit un homme
d'importance aux yeux de Jolin... Se souviendra-t-il de moi?...
cherchera-t-il à protéger Blanche?... Mais qu'importe après tout?
Maintenant je suis décidé à agir seul... Agissons donc! (Il passe une
jambe sur le mur.) Que vais-je faire? Ce voyageur n'avait-il pas raison
de m'engager à prendre garde aux démarches imprudentes? Mon projet
ne pourrait-il pas avoir pour résultat de compromettre Blanche sans
utilité? Que gagnerai-je à me trouver seul, la nuit, dans ce jardin
solitaire?... Ah bah! qui peut répondre du hasard? La pauvre enfant dort
peu sans doute. Si elle avait l'heureuse pensée de se mettre à sa fenêtre
pour respirer l'air frais de la nuit! Je pourrais me montrer à elle, lui
adresser quelques mots à voix basse... Dans le cas contraire, je
grimperai dans les peupliers jusqu'à sa fenêtre, et je déposerai ma lettre
dans les pots de fleurs qu'elle arrose chaque matin... oui; d'ailleurs je
serai plus près de ma chère, Blanche, je respirerai l'air qu'elle respire...
Oui, oui, Dieu m'aidera! (Il entend du bruit; il retire sa jambe, et ne
laisse que sa tête dépasser le mur.) Quelqu'un!... silence!
SCÈNE II
BERTRAND, THIBEAULT.
BERTRAND, entrant avec Thibeault--Cré nom d'un nom! j'aime pas ça,
moi, qu'on me laisse là, planté comme un pieu, pendant des deux ou
trois heures de la nuit, quand y a des bons coups à faire partout.
THIBEAULT--Vous avez pas besoin de vous plaindre, ça arrive
toujours pas si souvent.
BERTRAND--Une fois c'est de reste.
THIBEAULT--Je voudrais ben vous voir rebeller... Quoi c'que vous
pourriez faire avec vot' gang sans lui?
BERTRAND--Enfin de quoi s'agit-il?
THIBEAULT--Il va vous le dire lui-même. Y a un grand jack qu'est
arrivé à soir qui y a pas fait plaisir.
BERTRAND--Ah! y s'agit de... (Pantomime.)
THIBEAULT--J'cré qu'oui.
BERTRAND--Un de ses anciens amis, je gagerais.
THIBEAULT--Ça m'en a tout l'air.
BERTRAND--C'est comme ça; les meilleurs amis finissent toujours par
en venir au couteau. Moi, j'avais un camarade d'école que j'aimais
comme mes yeux. Un jour, à propos de rien, y m'plante son canif dans
les côtes et se sauve. Six mois après, j'lui envoya dans la tête une balle
qu'il vit pas venir. C'est de valeur, parce qu'on était comme les deux
doigt de la main.
SCÈNE III
LES PRÉCÉDENTS, JOLIN.
JOLIN, entrant--Eh bien, qu'est-ce que vous faite donc? Il n'y a pas de
temps à perdre: il est une heure du matin.
BERTRAND--Bon! chacun son tour. C'est-y amusant d'attendre?
JOLIN--Thibeault vous a-t-il fait... comprendre...
BERTRAND--Ben... à peu près. Il paraît qu'y a un citoyen de trop dans
ce monde.
JOLIN--Chut!... Comprenez bien mes volontés. Il ne s'agit pas de faire
un mauvais coup; je suis trop honnête homme pour rien exiger de pareil.
D'ailleurs on sait que l'individu se trouve chez moi, et je serais bien
embarrassé de rendre compte de sa disparition... s'il disparaissait. Il faut
être prudent. Il ne s'agit que de s'emparer de quelques paperasses qu'il a
sur lui. Seulement, s'il s'éveille trop tôt, vous pouvez compter sur une
résistance énergique... et alors...
BERTRAND--Tant mieux!
THIBEAULT--Tant pis!
JOLIN--Il faut l'empêcher de s'éveiller trop tôt et je puis vous donner à
ce sujet des renseignements utiles. Pendant qu'il se couchait, je l'ai
examiné par une fente de la cloison. Il se défie de quelque chose car il a
commencé par entasser tous les meubles de la chambre derrière la porte,
et puis s'est couché tout habillé. Mais il est bien fatigué, et il dort déjà
profondément. Il s'agit d'abord d'ouvrir avec assez de précaution pour
ne pas faire de bruit, c'est le principal. Après cela vous irez droit au lit
qui est à gauche, et vous pourrez vous emparer de l'individu avant qu'il
soit éveillé; alors j'entrerai avec de la lumière, et le reste ira tout seul.
BERTRAND--Mais, tonnerre d'un nom! c'est bien des cérémonies, ça!
Laissez-moi donc faire; ça mettra pas grand temps, vous verrez!
JOLIN--Non, non!... Il y a des personnes endormies dans la maison:
tout doit se faire dans le plus grand silence.
THIBEAULT--Tenez, vous me laisserez arranger ça moi. Je me charge
d'ouvrir la porte sans faire plus de bruit qu'une souris qui trotte...
JOLIN--C'est cela; eh bien, allons!
BERTRAND, à part--C'est correct; encore un! mais y va te coûter le
prix, celui-là, mon vieux grippe-sou d'hypocrite!... (Ils sortent.)
ADRIEN, seul--Oh! infamie des infamies!... Cette fois, c'est l'humanité
qui parle; je ne puis reculer. (Il saute dans le parc.) Il s'agit d'empêcher
un crime: c'en serait un d'hésiter!... (Il suit Jolin.)
CINQUIÈME TABLEAU

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