Le possédé, by Camille 
Lemonnier 
 
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Title: Le possédé étude passionnelle 
Author: Camille Lemonnier 
Release Date: June 23, 2007 [EBook #21912] 
Language: French 
Character set encoding: ISO-8859-1 
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POSSÉDÉ *** 
 
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CAMILLE LEMONNIER
LE POSSÉDÉ 
--ÉTUDE PASSIONNELLE-- 
PARIS 
G. CHARPENTIER ET Cie, ÉDITEURS 
11, RUE DE GRENELLE, 11 
1890 
Tous droits réservés. 
 
LE POSSÉDÉ 
.....l'obsession morne d'une contrée sans espoir, avec un déferlement de 
névés toujours plus loin. Et seulement, par dessus l'horreur du vide, un 
pic, comme une désolation plus haute, s'entourait d'un passage 
d'opaques et gélatineuses nuées sécrétées par l'ennui des cieux. 
Rien, en ses lectures ni en son mode de vie, ne justifiait cette 
persistance de l'atterrant paysage; aucun souvenir non plus ne 
commémorait le legs d'un antérieur et polaire voyage. Le président 
Lépervié, foncièrement cagnard, d'ailleurs répugnait au tracas des 
périples. Sans récurrences, la nostalgique amertume de cette vision 
semblait d'autant plus extraordinaire. 
En même temps, une mort partielle de proche en proche le rigidifiait; 
des glaçons charriaient en ses membres la paralysie; et toutefois, il 
subissait la contradiction de vivre à travers le remords de son être aboli. 
Il s'imposa successivement les reins, l'épigastre, la nuque, sans qu'un 
indice certain s'en inférât.--Non, s'avoua-t-il presque consterné, la 
souffrance ne vient pas de là. Et pourtant je suis malade. Depuis deux 
jours, tout m'affecte. Deviendrais-je hypocondre?
Il se contraignit à un travail pénible, avança le bras pour s'emparer, 
par-dessus un amas de livres encombrant le bureau-ministre, d'une 
boîte d'allumettes suédoises. Mais, au moment d'allumer le carcel, il 
éprouva une telle lassitude de cette besogne inutile qu'il rejeta la boîte 
et se rentassa dans son fauteuil.--«Et pourtant il vaudrait mieux faire de 
la lumière, je ne verrais plus cet odieux pays de neige qui toujours 
s'interpose entre les réalités et moi.» 
À présent des titillations violentes lui gratillaient la paume des mains et 
les plantaires. Ses filandres se boulaient en une pelote que quelqu'un 
tirait avec force. Puis de longues aiguilles lui perforèrent le coeur; la 
pelote s'y dévidait par les trous, nouant cet organe essentiel comme une 
volaille percée par le coquetier; et un arrachement atroce le suppliciait, 
des doigts fouillaient les cavernes de sa poitrine, afin d'en extraire le 
coeur qui d'abord résistait. 
Il s'étonna de n'éprouver aucun désordre tandis qu'enfin ce coeur s'en 
allait. Son corps, au contraire, brusquement s'allégeait comme si la 
source de toutes afflictions, le principe de toutes adversités, l'unique 
facteur des peines sans nombre qui ravagent la race adamique, du 
même coup s'anéantissait.--«Il est donc avéré, pensa-t-il, que, le coeur 
en moins, l'humanité vivrait en paix sur le fumier de ses instincts. La 
damnation sous laquelle nous pantelons procède de son intervention 
malévole dans les choses de cette vie et de l'éternel leurre qu'il 
complote contre le parfait bonheur des certitudes.» Ce commentaire 
sembla corroboré par les subites et inexprimables délices d'une absolue 
quiétude. En cette approche de la béatitude, le souvenir d'une grande 
douleur traversée ne s'était pas effacé entièrement, mais, très lointain et 
émoussé, persistait comme un adjuvant aux blandices dans lesquelles 
son essence se volatilisait.--Oui, c'est le paradis, songea-t-il. Il n'y a 
rien au delà d'une semblable sensation. 
Cependant une créature sans visage portait son coeur dans ses mains et 
marchait à travers un pays illimité, sous la rancune plombée des cieux. 
À mesure, ce conoïde, si longtemps annexé à sa chair, assumait aussi 
une forme humaine; et tous deux à la fin incédaient côte à côte, ayant la 
même taille, pareillement dénués de visage. Il reconnut la contrée sans
espoir, avec le déferlement des névés toujours plus loin; et ni l'un ni 
l'autre ne cessaient d'y avancer. Mais l'actuelle morphose de son coeur 
saignait sur la désolation des neiges une pluie de larmes rouges qui, 
tout de suite après, s'étoilaient en fleurs merveilleuses; et son 
compagnon se baissait, les récoltait, en serrait de larges gerbes dans ses 
bras. À deux, ils gravirent le pic solitaire, debout dans la consternation 
de l'universelle mort; et quand ils furent arrivés au sommet, son coeur 
primordial se mua en un volcan qui, sous l'ennui des cieux vides, 
projetait les feux ardents d'un érébus, avec des laves et des suies. 
Le pic, d'ailleurs, avait résigné son dessin initial: il ressemblait 
maintenant à un nez démesurément profilé dans un bouillonnement de    
    
		
	
	
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