Le petit chose

Alphonse Daudet
Le petit chose, by Alphonse
Daudet

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Title: Le petit chose
Author: Alphonse Daudet
Release Date: August 22, 2004 [EBook #13256]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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CHOSE ***

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ALPHONSE DAUDET
Le Petit Chose

Histoire d'un enfant

«C'est un de mes maux que les souvenirs que me donnent les lieux: j'en
suis frappée au-delà de la raison.» MADAME DE SÉVIGNÉ.
A Paul DALLOZ.

PREMIÈRE PARTIE

I
LA FABRIQUE
Je suis né le 13 mai 18..., dans une ville du Languedoc, où l'on trouve,
comme dans toutes les villes du Midi, beaucoup de soleil, pas mal de
poussière, un couvent de carmélites et deux ou trois monuments
romains. Mon père, M. Eyssette, qui faisait à cette époque le commerce
des foulards, avait, aux portes de la ville, une grande fabrique dans un
pan de laquelle il s'était taillé une habitation commode, tout ombragée
de platanes, et séparée des ateliers par un vaste jardin. C'est là que je
suis venu au monde et que j'ai passé les premières, les seules bonnes
années de ma vie. Aussi ma mémoire reconnaissante a-t-elle gardé du
jardin, de la fabrique et des platanes un impérissable souvenir, et
lorsque à la ruine de mes parents il m'a fallu me séparer de ces choses,
je les ai positivement regrettées comme des êtres.
Je dois dire, pour commencer, que ma naissance ne porta pas bonheur à
la maison Eyssette. La vieille Annou, notre cuisinière, m'a souvent
conté depuis comme quoi mon père, en voyage à ce moment, reçut en
même temps la nouvelle de mon apparition dans le monde et celle de la
disparition d'un de ses clients de Marseille, qui lui emportait plus de
quarante mille francs; si bien que M. Eyssette, heureux et désolé du
même coup, se demandait, comme l'autre, s'il devait pleurer pour la
disparition du client de Marseille, ou rire pour l'heureuse arrivée du

petit Daniel.... Il fallait pleurer, mon bon monsieur Eyssette, il fallait
pleurer doublement.
C'est une vérité, je fus la mauvaise étoile de mes parents. Du jour de ma
naissance, d'incroyables malheurs les assaillirent par vingt endroits.
D'abord nous eûmes donc le client de Marseille, puis deux fois le feu
dans la même année, puis la grève des ourdisseuses, puis notre brouille
avec l'oncle Baptiste, puis un procès très coûteux avec nos marchands
de couleurs, puis, enfin, la révolution de 18--, qui nous donna le coup
de grâce.
A partir de ce moment, la fabrique ne battit plus que d'une aile; petit à
petit, les ateliers se vidèrent: chaque semaine un métier à bas, chaque
mois une table d'impression de moins. C'était pitié de voir la vie s'en
aller de notre maison comme d'un corps malade, lentement, tous les
jours un peu. Une fois, on n'entra plus dans les salles du second. Une
autre fois, la cour du fond fut condamnée. Cela dura ainsi pendant deux
ans; pendant deux ans, la fabrique agonisa. Enfin, un jour, les ouvriers
ne vinrent plus, la cloche des ateliers ne sonna pas, le puits à roue cessa
de grincer, l'eau des grands bassins, dans lesquels on lavait les tissus,
demeura immobile, et bientôt, dans toute la fabrique, il ne resta plus
que M. et Mme Eyssette, la vieille Annou, mon frère Jacques et moi;
puis, là-bas, dans le fond, pour garder les ateliers, le concierge
Colombe et son fils le petit Rouget.
C'était fini, nous étions ruinés.
J'avais alors six ou sept ans. Comme j'étais très frêle et maladif, mes
parents n'avaient pas voulu m'envoyer à l'école. Ma mère m'avait
seulement appris à lire et à écrire, plus quelques mots d'espagnol et
deux ou trois airs de guitare, à l'aide desquels on m'avait fait, dans la
famille, une réputation de petit prodige. Grâce à ce système d'éducation,
je ne bougeais jamais de chez nous, et je pus assister dans tous ses
détails à l'agonie de la maison Eyssette. Ce spectacle me laissa froid, je
l'avoue; même je trouvai à notre ruine ce côté très agréable que je
pouvais gambader à ma guise par toute la fabrique, ce qui, du temps des
ouvriers, ne m'était permis que le dimanche. Je disais gravement au
petit Rouget: «Maintenant, la fabrique est à moi; on me l'a donnée pour

jouer.» Et le petit Rouget me croyait. Il croyait tout ce que je lui disais,
cet imbécile.
A la maison, par exemple, tout le
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