luit-elle pas en tous lieux, et faut-il venir la chercher 
jusque dans les régions hyperboréennes? 
Telles furent les questions que se posa le capitaine Craventy. Mais le 
lendemain, après avoir causé pendant une heure avec son nouvel hôte, 
il n'avait plus rien à apprendre. 
Thomas Black était, en effet, un astronome attaché à l'observatoire de 
Greenwich, si brillamment dirigé par M. Airy. Esprit intelligent et 
sagace plutôt que théoricien, Thomas Black, depuis vingt ans qu'il 
exerçait ses fonctions, avait rendu de grands services aux sciences 
uranographiques. Dans la vie privée, c'était un homme absolument nul, 
qui n'existait pas en dehors des questions astronomiques, vivant dans le 
ciel, non sur la terre, un descendant de ce savant du bonhomme La 
Fontaine qui se laissa choir dans un puits. Avec lui pas de conversation 
possible si l'on ne parlait ni d'étoiles ni de constellations. C'était un 
homme à vivre dans une lunette. Mais quand il observait, quel 
observateur sans rival au monde! Quelle infatigable patience il 
déployait! Il était capable de guetter pendant des mois entiers 
l'apparition d'un phénomène cosmique. Il avait d'ailleurs une spécialité, 
les bolides et les étoiles filantes, et ses découvertes dans cette branche 
de la météorologie méritaient d'être citées. D'ailleurs, toutes les fois 
qu'il s'agissait d'observations minutieuses, de mesures délicates, de 
déterminations précises, on recourait à Thomas Black, qui possédait 
«une habileté d'oeil» extrêmement remarquable. Savoir observer n'est 
pas donné à tout le monde. On ne s'étonnera donc pas que l'astronome 
de Greenwich eût été choisi pour opérer dans la circonstance suivante 
qui intéressait au plus haut point la science sélénographique. 
On sait que pendant une éclipse totale de soleil, la lune est entourée 
d'une couronne lumineuse. Mais quelle est l'origine de cette couronne? 
Est-ce un objet réel? N'est-ce plutôt qu'un effet de diffraction éprouvé 
par les rayons solaires dans le voisinage de la lune? C'est une question
que les études faites jusqu'à ce jour n'ont pu permettre de résoudre. 
Dès 1706, les astronomes avaient scientifiquement décrit cette auréole 
lumineuse. Louville et Halley pendant l'éclipse totale de 1715, Maraldi 
en 1724, Antonio de Ulloa en 1778, Bouditch et Ferrer en 1806, 
observèrent minutieusement cette couronne; mais de leurs théories 
contradictoires on ne put rien conclure de définitif. À propos de 
l'éclipse totale de 1842, les savants de toutes nations, Airy, Arago, 
Peytal, Laugier, Mauvais, Otto- Struve, Petit, Baily, etc., cherchèrent à 
obtenir une solution complète touchant l'origine du phénomène; mais 
quelque sévères qu'eussent été les observations, «le désaccord, dit 
Arago, que l'on trouve entre les observations faites en divers lieux par 
des astronomes exercés, dans une seule et même éclipse, a répandu sur 
la question de telles obscurités, qu'il n'est maintenant possible d'arriver 
à aucune conclusion certaine sur la cause du phénomène». Depuis cette 
époque, d'autres éclipses totales de soleil furent étudiées, mais les 
observations n'obtinrent aucun résultat concluant. 
Cependant, cette question intéressait au plus haut point les études 
sélénographiques. Il fallait la résoudre à tout prix. Or, une occasion 
nouvelle se présentait d'étudier la couronne lumineuse si discutée 
jusqu'alors. Une nouvelle éclipse totale de soleil, totale pour l'extrémité 
nord de l'Amérique, l'Espagne, le nord de l'Afrique, etc., devait avoir 
lieu le 18 juillet 1860. Il fut convenu entre astronomes de divers pays 
que des observations seraient faites simultanément aux divers points de 
la zone pour laquelle cette éclipse serait totale. Or, ce fut Thomas Black 
que l'on désigna pour observer ladite éclipse dans la partie 
septentrionale de l'Amérique. Il devait donc se trouver à peu près dans 
les conditions où se trouvèrent les astronomes anglais qui se 
transportèrent en Suède et en Norvège à l'occasion de l'éclipse de 1851. 
On le pense bien, Thomas Black saisit avec empressement l'occasion 
qui lui était offerte d'étudier l'auréole lumineuse. Il devait également 
reconnaître autant que possible la nature de ces protubérances 
rougeâtres qui apparaissent sur divers points du contour du satellite 
terrestre. Si l'astronome de Greenwich parvenait à trancher la question 
d'une manière irréfutable, il aurait droit aux éloges de toute l'Europe
savante. 
Thomas Black se prépara donc à partir, et il obtint de pressantes lettres 
de recommandation pour les agents principaux de la Compagnie de la 
baie d'Hudson. Or, précisément, une expédition devait se rendre 
prochainement aux limites septentrionales du continent afin d'y créer 
une factorerie nouvelle. C'était une occasion dont il fallait profiter. 
Thomas Black partit donc, traversa l'Atlantique, débarqua à New-York, 
gagna à travers les lacs l'établissement de la rivière Rouge, puis de fort 
en fort, emporté par un traîneau rapide, sous la conduite d'un courrier 
de la Compagnie, malgré l'hiver, malgré le froid, en dépit de tous les 
dangers d'un voyage à travers les contrées arctiques, le 17 mars, il 
arriva au Fort-Reliance dans les conditions que l'on connaît. 
Telles furent les explications données par l'astronome au capitaine 
Craventy. Celui-ci se mit tout entier à la disposition de    
    
		
	
	
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