la victoire; mais autre chose 
est de vaincre sur le papier, dans les conseils, ou de vaincre sur le 
champ de bataille. Le gouvernement envoya d'autre généraux en 
Vendée, où Canclaux se proposait d'opérer un grand mouvement 
offensif et battait effectivement Bonchamp, dans le moment même où 
un décret le destituait, ainsi qu'Aubert du Brayer et Grouchy. 
Cependant l'armée de Mayence, ayant Kléber à sa tête, avançait à 
marches forcées. Le 18 septembre, elle rencontra à Torfou les royalistes. 
Le combat fut sanglant, et les républicains battus après une lutte 
épouvantable. 
Les Vendéens les appelaient, par dérision, les «Faïençais»; mais les 
républicains ne devaient pas tarder à prendre leur revanche: la bataille 
de Cholet, la seule qui eut le caractère des batailles militaires, vint 
porter un rude coup aux royalistes. Elle eut lieu le 14 octobre. Tout y 
fut carnage, acharnement, héroïsme de part et d'autre. Les Vendéens 
s'élancèrent en courant en colonnes serrées sur une lande découverte, et 
enfoncèrent d'abord les bataillons ennemis. 
Un tourbillon de fuyards entraîna Carrier à cheval, et le représentant 
Merlin, brave et payant de sa personne, fit le service du canon; mais les 
Mayençais accouraient la baïonnette en avant. Kléber, Marceau, 
Beaupuy, Haxo, se multipliaient et donnaient l'exemple. Tout était 
encore incertain sur le sort de la journée cependant, lorsque d'Elbée et 
Bonchamp tombèrent grièvement blessés. 
Alors la fortune se décida pour les Mayençais. Les Vendéens se 
dispersèrent, emmenant néanmoins avec eux les prisonniers qu'ils
avaient faits au commencement de l'action. 
Quatre jours après, le 18 du même mois, les bleus, marchant sur 
Beaupréau, entendirent tout à coup les cris de: 
--Vive la République! vive Bonchamp. 
C'étaient quatre mille prisonniers qui revenaient vers leurs camarades. 
Ils racontèrent que Bonchamp les avait délivrés avant de rendre le 
dernier soupir: Bonchamp, en effet, étendu sur un matelas et expirant, 
avait dit aux Vendéens, qui voulaient fusiller ces hommes: 
--Grâce aux prisonniers! Bonchamp l'ordonne. 
Puis il mourut. Bonchamp était l'homme le plus aimé, le plus vénéré de 
l'armée royaliste depuis la mort de Cathelineau. Plus tard, Napoléon dit 
qu'il en avait été le meilleur général. 
Les Vendéens passèrent alors sur la rive droite de la Loire, et les 
représentants écrivirent à la Convention: «La Vendée n'est plus!» Le 
décret qui ordonnait de terminer la guerre avant la fin d'octobre était 
donc exécuté dès le 18 du mois. Les Parisiens se livrèrent à un 
enthousiasme sans pareil. Joie prématurée cependant. L'opinion de 
Kléber, qui prétendait que tout n'était pas fini, devait l'emporter avec le 
temps. 
Moins de quinze jours après, on apprit que les Vendéens existaient 
encore. Léchelle fut battu, Beaupuy mourut d'une balle en pleine 
poitrine. Le commandement des «bleus» fut donné à Chalbos, et les 
royalistes, prenant pour chef suprême La Rochejacquelein, avec 
Stofflet sous ses ordres, attaquèrent Granville le 14 novembre. Ne 
réussissant pas à prendre la place, ils furent vengés par leurs succès à 
Pontorson, à Dol et à Anhain, qui rallumèrent leur ardeur prête à 
s'éteindre. Les armées républicaines perdaient chaque jour du terrain 
sous les ordres d'Antoine Rossignol, célèbre par ses continuels revers, 
bien que le comité de Salut public l'appelât son «fils aîné». Ce fut alors 
que, sur la proposition de Kléber, Marceau, à vingt-deux ans, devint 
général en chef de l'armée républicaine.
Les luttes opiniâtres allaient recommencer plus terribles que jamais, car 
la Bretagne vint à ce moment au secours de sa soeur la Vendée. Jean 
Chouan, ou plutôt Jean Cottereau, puisqu'il est plus connu sous ce nom, 
avait rejoint, avec ses bandes, l'armée de La Rochejacquelein à Laval, 
et le prince de Talmont était arrivé avec un renfort de cinq mille 
Manceaux. Cette fois, la guerre allait changer de nom, et se nommer 
définitivement la «chouannerie». 
 
II 
LE PLACIS DE SAINT-GILDAS 
Nous sommes en 1793, au mois de décembre, dans l'antique forêt de 
Saint-Gildas. Les arbres, dénués de feuilles, révèlent la rigueur de 
l'hiver; le ciel gris menace de laisser tomber sur la terre ce manteau 
blanc que l'on nomme la neige, et que les savants nous ont appris être 
les vapeurs d'un nuage qui, se réunissant en gouttelettes, passent par 
des régions plus froides, se congèlent en petites aiguilles, et, continuant 
de descendre, se rencontrent, s'émoussent, se pressent et s'entrelacent 
pour former des flocons. Un vent du nord-ouest, froid et soufflant par 
rafales, s'engouffre dans la forêt et la fait trembler jusque dans ses 
profondeurs. Il est quatre heures du soir, et à cette époque de la saison, 
le crépuscule du soir commence à assombrir cette partie de 
l'hémisphère boréal où se trouve le vieux monde. La nuit va descendre 
rapidement. 
Longeant la rive gauche de la Vilaine, un homme vêtu du costume 
breton, portant au chapeau la cocarde noire et sur la poitrine l'image du 
sacré coeur, qui indique le chouan, se dirige vers la lisière de la    
    
		
	
	
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