fleur, branches de houx à perles rouges, branches de gui à perles 
blanches, ce sera un surtout superbe; et pendant que les chasseurs se 
chauffent et se sèchent je vais vous faire vos quatre corbeilles de table. 
--Avec quoi? grand Dieu! murmura Marie Jeanne épouvantée. 
--Envoyez de suite chercher verdure et mousse, et vous, apportez-moi 
des carottes, des navets, des oignons et des pommes, ces seuls fruits 
que nous ayons maintenant. Il ne reste pas une poire. Lavez comme il 
faut carottes et navets; que les carottes soient d'un beau rouge et les 
navets blancs comme neige. 
Là dessus, mon oncle installe dans ses coupes une pyramide de carottes
rouges, une pyramide de navets blancs, une pyramide d'oignons en 
robes de soie saumon, le tout discrètement voilé de mousse, aussi verte 
que fraîche, aussi fraîche que verte. Quant à la pyramide de pommes 
rosées, il se contenta de les saupoudrer de mousse. Ah! celles-là se 
montraient dans tout leur éclat. 
«Vous mettrez une grosse moche de beurre en face d'un grand pot de 
confiture, et le dessert sera complet, le tout arrosé du bon vin de 
derrière les fagots et vous verrez que nos convives se lècheront les 
doigts jusqu'aux coudes et auront fait un festin des dieux. 
Ce qui fut dit, fut fait. 
Pendant le dîner trois des coupes improvisées intriguèrent fort les 
convives qui se demandaient in-petto quels pouvaient bien être ces 
beaux fruits qui leur paraissaient tout à fait inconnus. 
Il n'y eut qu'à la fin du repas que mon oncle avoua sa supercherie, ce 
qui finit d'achever d'égayer ses hôtes et les obligea à rendre hommage à 
son ingéniosité. 
On but à la santé de mon oncle, à la santé des chasseurs et ceux-ci, 
savourant devant un bon feu un cigare exquis et un verre de fine 
Champagne, déclarèrent qu'ils étaient les plus heureux des hommes et 
que tout était pour le mieux, dans le meilleur des mondes. 
 
Le 21 août. 
La messe au camp de Meucon m'a vivement impressionnée, je n'avais 
jamais vu pareil spectacle. Cette cérémonie a été imposante et l'office 
entendu en plein air, sur une lande sauvage, avait un cachet grandiose 
qui saisissait l'âme plus encore peut-être que tous les offices des plus 
belles églises. Les commandements militaires, la fanfare sonore des 
trompettes, et la voix profonde du canon répondant seuls à la parole du 
prêtre qui s'élevait douce et forte au milieu de ces troupes silencieuses, 
inspiraient au plus haut point la Foi et le recueillement. À l'issue de la 
messe, les manoeuvres ont été parfaitement exécutées et après force
saluts échangés avec les officiers, le général et Monseigneur, nous 
avons parcouru le camp. Les tentes des officiers nous ont semblé 
suffisamment confortables, et la soupe du soldat, très appétissante par 
la bonne odeur qui s'échappait des marmites. 
 
Le 22 août. 
Nous venons de faire une charmante promenade en mer. D'abord, nous 
passons la barre à Port-Navalo et tous les coeurs se comportent bien. 
Nous apercevons à gauche les immenses sables de la presqu'île de 
Quiberon, dorés par le soleil et qui rayent la mer d'un ruban étincelant; 
à droite, les deux îles d'Hoedic et de Houat, apparaissant comme deux 
points dans l'infini. L'île d'Hoedic est de peu d'importance, mais l'île de 
Houat, qui appartint jadis aux moines de Rhuys et qui fut à différentes 
époques prise par les Anglais, est plus considérable; elle a un fort pour 
la défendre. La petite garnison appelée à vivre sur ce rocher sauvage, 
loin de toutes les ressources de la civilisation, se trouve véritablement 
comme en exil, et cependant l'île de Houat est fort intéressante à étudier, 
au moins quelques jours. 
C'est une petite république dans la grande, mais qui pourrait donner le 
bon exemple à celle-ci, car elle se gouverne à la mode des abeilles, 
toujours soumises à leur reine. Ici, le Roi ou le Président--comme on 
voudra--c'est le curé, qui cumule les fonctions de maire, juge de paix, 
entreposeur des tabacs et des boissons, et tout n'en va que mieux. 
J'engage nos libres-penseurs, qui se croiraient déshonorés de saluer un 
prêtre, à venir vivre pendant quinze jours seulement sous 
l'administration de cet excellent pasteur; s'ils sont de bonne foi, ils nous 
diront ensuite quel est le joug préférable: ou de celui du curé à l'autorité 
douce et paternelle, ou de celui des frères et amis aux fureurs 
communardes! 
Mon oncle, qui a conduit bien des amis à l'île de Houat, nous a encore 
signalé une particularité de ce curieux pays, le débarquement des 
vaches qui viennent du continent. Ces quadrupèdes sont enlevés par un 
palan muni de fortes sangles emprisonnant leur corps. Pauvres vaches!
rien ne peut rendre leur stupeur lorsqu'elles se sentent soulevées en l'air, 
leurs quatre pattes se raidissent, leurs yeux bêtes sortent de leur orbite, 
heureusement que l'opération n'est pas    
    
		
	
	
	Continue reading on your phone by scaning this QR Code
	 	
	
	
	    Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the 
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.