Fargy, car je ne pense pas que ce 
soit cette égratignure qui vous empêche de partir. À votre retour, 
n'oubliez pas que vous avez un ami, place Louis-le-Grand, n° 14. 
--Et vous, mon cher Fargy, si vous avez quelque commission pour 
Madrid, vous n'avez qu'à le dire, et vous pouvez compter qu'elle sera 
faite avec l'exactitude et le zèle d'un bon camarade. 
Et les deux amis, se donnèrent une poignée de main, comme s'il ne 
s'était absolument rien passé. 
--Adieu, jeune homme, adieu, dit le capitaine à Ravanne. N'oubliez pas 
le conseil que je vous ai donné: laissez là Berthelot et prenez 
Bois-Robert; surtout soyez calme, rompez dans l'occasion, parez à 
temps, et vous serez une des plus fines lames du royaume de France. 
Ma colichemarde dit bien des choses agréables à la maîtresse-broche de 
madame votre mère. 
Ravanne, quelle que fût sa présence d'esprit, ne trouva rien à répondre 
au capitaine; il se contenta de le saluer, et s'approcha de Lafare, qui lui 
parut le plus malade des deux blessés. 
Quant à d'Harmental, à Valef et au capitaine, ils gagnèrent l'allée où ils 
retrouvèrent le carrosse de louage, et dans le carrosse le chirurgien qui 
faisait un somme. D'Harmental le réveilla et lui annonça, en lui 
montrant le chemin qu'il devait suivre, que le marquis de Lafare et le 
comte de Fargy avaient besoin de ses services. Il ordonna en outre à 
son valet de descendre de cheval et de suivre le chirurgien, afin de lui 
servir d'aide; puis, se retournant vers le capitaine: 
--Capitaine, lui dit-il, je crois qu'il ne serait pas prudent d'aller manger 
le déjeuner que nous avions commandé; recevez donc tous mes 
remerciements pour le coup de main que vous m'avez donné, et, en
souvenir de moi, comme vous êtes à pied, à ce qu'il me paraît, veuillez 
accepter un de mes deux chevaux. Vous pouvez prendre au hasard: ce 
sont de bonnes bêtes; la plus mauvaise des deux ne vous laissera pas 
dans l'embarras quand vous n'aurez besoin que de lui faire faire huit à 
dix lieues en une heure. 
--Ma foi! chevalier, répondit le capitaine en jetant de côté un regard sur 
le cheval qui lui était offert si généreusement, il ne fallait rien pour cela; 
entre gentilshommes, le sang et la bourse sont choses qui se prêtent 
tous les jours. Mais vous faites les choses de si bonne grâce que je ne 
saurais vous refuser. Si vous aviez jamais besoin de moi pour quelque 
chose que ce fût, souvenez-vous, en revanche, que je suis à votre 
service. 
--Et le cas échéant, monsieur, où vous retrouverai-je? demanda en 
souriant d'Harmental. 
--Je n'ai pas de domicile bien arrêté, chevalier; mais vous aurez 
toujours de mes nouvelles en allant chez la Fillon, en demandant la 
Normande, et en vous informant à elle du capitaine Roquefinette. 
Et comme les deux jeunes gens remontaient chacun sur son cheval le 
capitaine en fit autant, non sans remarquer en lui-même que le 
chevalier d'Harmental lui avait laissé le plus beau des trois. 
Alors, comme ils étaient près d'un carrefour, chacun prit sa route et 
s'éloigna au grand galop. 
Le baron de Valef rentra par la barrière de Passy et se rendit droit à 
l'Arsenal, prit les commissions de la duchesse du Maine, de la maison 
de laquelle il était, et partit le même jour pour l'Espagne. 
Le capitaine Roquefinette fit trois ou quatre tours au pas, au trot et au 
galop dans le bois de Boulogne, afin d'apprécier les différentes qualités 
de sa monture, et ayant reconnu que c'était, comme l'avait dit le 
chevalier, un animal de belle et bonne race, il revint fort satisfait chez 
maître Durand, où il mangea à lui seul le déjeuner qui était commandé 
pour trois.
Le même jour, il conduisit son cheval au marché aux chevaux, et le 
vendit soixante louis. C'était la moitié de ce qu'il valait, mais il faut 
savoir faire des sacrifices quand on veut réaliser promptement. 
Quant au chevalier d'Harmental, il prit l'allée de la Muette, regagna 
Paris par la grande avenue des Champs-Élysées, et trouva en rentrant 
chez lui, rue de Richelieu, deux lettres qui l'attendaient. 
L'une de ces deux lettres était d'une écriture si bien connue à lui qu'il 
tressaillit de tout son corps en la regardant, et qu'après y avoir porté la 
main avec la même hésitation que s'il allait toucher un charbon ardent, 
il l'ouvrit avec un tremblement qui décelait l'importance qu'il y attachait. 
Elle contenait ce qui suit: 
«Mon cher chevalier, 
On n'est pas maître de son coeur, vous le savez, et c'est une des misères 
de notre nature que de ne pouvoir longtemps aimer ni la même 
personne ni la même chose. Quant à moi je veux au moins avoir sur les 
autres femmes le mérite de ne pas tromper celui qui a été mon    
    
		
	
	
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