Le chasseur noir

Émile Chevalier
Le chasseur noir

The Project Gutenberg EBook of Le chasseur noir, by Émile Chevalier
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Title: Le chasseur noir
Author: Émile Chevalier
Release Date: March 10, 2006 [EBook #17963]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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CHASSEUR NOIR ***

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LE CHASSEUR NOIR
PAR
ÉMILE CHEVALIER

PARIS CALMANN-LEVY, ÉDITEURS 3 RUE AUGER, 3

I
TRAGÉDIE NOCTURNE
Il faisait tout à fait nuit quand le chasseur arriva au lieu où il avait
dressé ses pièges la nuit précédente. C'était un de ces sites pittoresques
que l'on trouve seulement dans les chaînes des montagnes Rocheuses.
Des barrières presque infranchissables, de gigantesques remparts de
terre et de pierres en défendaient l'approche. Mais, si bien gardée qu'il
fût par la nature, ce pertuis était accessible à un trappeur[1], car ses
yeux exercés savent découvrir la passe la plus étroite, et sa main sait
ouvrir les portes secrètes des montagnes: ses pieds sont familiers avec
les sentiers désolés, et les mousses des arbres, aussi bien que les étoiles
du firmament, servent à diriger ses pas.
[Note 1: Les Canadiens-français désignent ainsi les gens qui font la
traite des pelleteries dans l'Amérique septentrionale.]
Le chasseur avait gagné la gorge solitaire dont nous venons de parler
par un cul-de-sac que longtemps il avait cru connu de lui seul. Mais
ayant, depuis peu, perdu plusieurs pièges tendus, au fond de cette gorge,
près d'une rivière qui l'arrosait et s'échappait, en se frayant un passage à
travers les masses de granit, il avait commencé à ne plus se considérer
comme l'unique violateur de cette profonde retraite.
Arrivé à sa destination il eut un mouvement de surprise et de colère,
facile à concevoir, en remarquant que ses pièges avaient encore disparu.
Une fois assuré du fait, il se mit à fureter ça et là, autant que les
ténèbres pouvaient le lui permettre, pour découvrir quelques traces des
auteurs de la soustraction; mais il lui fut impossible d'obtenir la
moindre preuve que le lieu eût été visité par un blanc ou un Peau-rouge.
Après avoir réfléchi un instant, le trappeur se coucha dans de hautes
herbes et des plantes aquatiques sur le bord de la rivière, qui, à ce point,
semblait sourdre du coeur même des montagnes, sous une voûte

énorme de rochers.
Notre homme s'amusa à écouter le murmure des eaux, en se demandant
comment elles avaient pu s'ouvrir une voie à travers ces blocs si
compactes et si puissants. Les voiles de la nuit s'épaissirent. L'ombre
parut rouler et se condenser dans le bassin jusqu'à ce qu'elle ressemblât
à ces ténèbres égyptiennes que l'on pouvait palper.
Tout à coup, une lueur brilla sur la ravine. Étonné de ce phénomène, le
trappeur en chercha la cause. Ne voyant plus rien, il allait l'attribuer à
un éclair, lorsqu'au sommet d'une saillie rocheuse, vis-à-vis de lui, il
aperçut deux personnages qui tenaient des torches à la main et
s'efforçaient de reconnaître la rivière à leurs pieds.
Vêtus à peu près comme des bandits mexicains, ils portaient la casaque
de chasse, en peau de daim, des trappeurs du Nord-ouest, avec des
mitasses[2] unies et des mocassins.
[Note 2: Sorte de jambières de peau en usage chez les aborigènes de
l'Amérique.]
Le plus robuste avait la taille serrée par une ceinture rouge à bouts
effilés et flottants. A cette ceinture était passée une paire de pistolets de
cavalerie, une dague dans un élégant fourreau, un couteau de chasse à
manche d'argent, et un sifflet d'ivoire de grande dimension. A la main,
il tenait un fusil à deux coups. Trapu, stature moyenne, il avait les
attaches des membres solidement nouées. Un feutre à large bord lui
couvrait la tête. A la lueur des torches, ses traits parurent au trappeur
fortement accentués, durs.
Son compagnon avait une organisation grêle, mais il était accoutré de la
même manière, si ce n'est que son ceinturon était en cuir noir.
Ils restèrent là quelques moments, et disparurent aussi mystérieusement
qu'ils étaient venus. Cette circonstance fit réfléchir le trappeur. Il lui
sembla que quelque chose, en dehors des événements ordinaires, allait
arriver.

Les visages qu'il avait vus le troublaient. Battant sur son front un
roulement avec ses doigts, il forma un nombre incalculable de
conjectures, et se convainquit que la dernière s'éloignait encore plus de
la vérité que les précédentes--preuve évidente que celles qui suivraient
seraient encore moins satisfaisantes.
Tandis qu'il roulait ces pensées, les torches se remontrèrent dans une
autre direction.
Elles descendaient lentement le long d'une pente escarpée et difficile du
même côté de
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