Le Tour du Monde; Californie | Page 5

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voyageurs que le besoin d'aventures, de spéculations du la fièvre de l'or amenait en Californie se trouvaient quatre Fran?ais, poussés loin de leur patrie par les contrecoups des convulsions politiques. Partis de différents points du sol natal, des rangs sociaux ou des partis existants, ils s'étaient liés les uns aux autres par le contrat d'une de ces associations industrielles que faisaient éclore en ces temps agités les bouillonnements de la société européenne d'une part, et de l'autre, la réputation exagérée des mines d'or de la Californie; il ne s'agissait de rien moins que de l'exploitation d'une machine nouvelle, qui, appliquée au lavage des terres aurifères, devait donner de merveilleux résultats, autant du moins que l'avaient annoncé beaucoup de journaux grands et petits, sur la quatrième page desquels les amateurs de collections pourraient bien trouver encore son dessin: coupe, profil et élévation.
Un des quatre associés est l'auteur des pages suivantes, extraites d'un journal tenu aussi régulièrement que les circonstances le lui ont permis et qu'il se propose de publier en entier si l'échantillon qu'il en donne aujourd'hui pouvait éveiller l'intérêt des lecteurs!
à cette époque, San-Francisco n'était pas encore la grande cité qui s'intitule pompeusement, à l'heure présente, la Reine du Pacifique. Sa population, qui dépasse aujourd'hui 100?000 ames, atteignait à peine alors au quart de ce chiffre. Son développement rapide, incessant, est d? tout entier à la rare énergie de sa population, qui possède toutes les qualités de ses nombreux défauts. Rien n'a pu l'abattre: ni les plus graves excès, ni les désordres administratifs les plus scandaleux, ni les désastres effroyables d'immenses incendies, ni les secousses monétaires, ni les découragements, ni les paniques. San-Francisco a triomphé de tout, et ses immeubles recherchés subissent une hausse progressive qui témoigne des promesses de l'avenir. Tout y subit l'influence de l'heureuse impulsion de sa jeunesse; tout s'y installe et prospère. On sent que les métaux précieux, l'agriculture, le commerce, l'industrie doivent faire, par leur concours intelligent, la grandeur de la Californie.
Aucune des conditions modernes de la civilisation ne manque à la métropole de ce pays. Le gaz et l'eau ont des conduits dans toutes les rues, des omnibus circulent partout, d'élégants équipages et de nombreuses voitures de place sillonnent tous les quartiers. Francs-ma?ons, sociétés de bienfaisance, caisses d'épargne, congrégations, sociétés bibliophiles, vastes chantiers de construction, immenses ateliers de fonderie, scieries mécaniques, télégraphie, presse, théatres, marchés regorgeant en tout temps de légumes, de gibier, de fruits magnifiques, tout est là réuni.
L'émigration arrive de toutes parts, et s'installe à demeure dans ce pays si désert et si désolé il n'y a pas vingt ans! Il est devenu une patrie!
Mais en 1850, la tumultueuse effervescence des éléments discordants venus de tous les points du globe pour fonder cet avenir, faisait ressembler San-Francisco à un immense creuset en ébullition, plut?t qu'au berceau d'un grand état, et après un séjour de quelques heures nous avions hate de quitter ce théatre de sanglantes collisions et ce foyer de toutes les mauvaises passions. Nous nous embarquames à bord d'un pyroscaphe qui faisait les voyages de la ville aux districts aurifères.
Après avoir traversé la rade de San-Francisco en frayant notre route au milieu des navires aux couleurs de toutes les nations, nous gagnames l'embouchure du Sacramento pour remonter le cours de ce fleuve.
Le paysage de ses bords nous offrit les plus riants aspects; de chaque c?té s'étendaient de verdoyantes savanes, ou de jolis bois peuplés de nombreux troupeaux de cerfs; une suite de collines couvertes de bouquets de chênes égayait la perspective; à l'horizon une cha?ne de hautes montagnes servait de cadre au tableau.
Nous naviguions, suivant de l'oeil ce panorama délicieux depuis quelques heures, lorsque nous aper??mes à une distance d'environ un mille en avant de nous, un brick anglais de commerce qui paraissait à l'ancre; nous hélames pour l'engager à nous laisser le passage libre; il répondit avec son porte-voix en anglais: I am aground in the middle of the passage, the other part of the river being obstructed by a sand bank. (Je suis échoué au milieu du chenal et tout le reste du courant est obstrué de bancs de sable.) Ceci ne faisait pas l'affaire de notre capitaine yankee qui prit le parti de passer quand même, par-dessus le corps de l'Anglais s'il le fallait; effectivement, à peine avait-il échangé avec nous un regard d'intelligence, qu'il commandait au chef mécanicien d'opérer un mouvement rétrograde, puis imprimant à la vapeur toute sa puissance, notre steamer s'élan?a dans l'espace jugé libre entre la rive et le batiment échoué. Le choc fut terrible, mais le Yankee passa emportant avec lui une partie du bordage de tribord du pauvre batiment anglais.
Quant à nous, nous y perd?mes notre bastingage et le tambour de notre roue de babord, quelques voyageurs peu habitués à la mer y perdirent.... leur équilibre et roulèrent pêle-mêle parmi les denrées

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