et faisait mine d'y 
monter. Une voix douce prononçait alors le nom d'Adolphe, et l'enfant 
renonçait à son projet ambitieux. Mme de Rênal paraissait une femme 
de trente ans, mais encore assez jolie. 
- Il pourrait bien s'en repentir, ce beau monsieur de Paris, disait M. de 
Rênal d'un air offensé, et la joue plus pâle encore qu'a l'ordinaire. Je ne 
suis pas sans avoir quelques amis au Château...
Mais, quoique je veuille vous parler de la province pendant deux cents 
pages, je n'aurai pas la barbarie de vous faire subir la longueur et les 
ménagements savants d'un dialogue de province. 
Ce beau monsieur de Paris, si odieux au maire de Verrières, n'était 
autre que M. Appert, qui, deux jours auparavant, avait trouvé le moyen 
de s'introduire, non seulement dans la prison et le dépôt de mendicité 
de Verrières, mais aussi dans l'hôpital administré gratuitement par le 
maire et les principaux propriétaires de l'endroit. 
- Mais, disait timidement Mme de Rênal, quel tort peut vous faire ce 
monsieur de Paris, puisque vous administrez le bien des pauvres avec la 
plus scrupuleuse probité? 
- Il ne vient que pour déverser le blâme, et ensuite il fera insérer des 
articles dans les journaux du libéralisme. 
- Vous ne les lisez jamais, mon ami. 
- Mais on nous parle de ces articles jacobins; tout cela nous distrait et 
nous empêche de faire le bien*. Quant à moi, je ne pardonnerai jamais 
au curé. * Historique. 
 
CHAPITRE III 
LE BIEN DES PAUVRES 
Un curé vertueux et sans intrigue est une Providence pour le village. 
FLEURY 
Il faut savoir que le curé de Verrières vieillard de quatre-vingts ans, 
mais qui devait à l'air vif de ces montagnes une santé et un caractère de 
fer, avait le droit de visiter à toute heure la prison, l'hôpital et même le 
dépôt de mendicité. C'était précisément à six heures du matin que M. 
Appert qui de Paris était recommandé au curé, avait eu la sagesse 
d'arriver dans une petite ville curieuse. Aussitôt il était allé au 
presbytère.
En lisant la lettre que lui écrivait M. le marquis de La Mole, pair de 
France, et le plus riche propriétaire de la province, le curé Chélan resta 
pensif. 
"Je suis vieux et aimé ici, se dit-il enfin à mi-voix ils n'oseraient!" Se 
tournant tout de suite vers le monsieur de Paris, avec des yeux où, 
malgré le grand âge, brillait ce feu sacré qui annonce le plaisir de faire 
une belle action un peu dangereuse: 
- Venez avec moi, monsieur, et en présence du geôlier et surtout des 
surveillants du dépôt de mendicité, veuillez n'émettre aucune opinion 
sur les choses que nous verrons. M. Appert comprit qu'il avait affaire à 
un homme de coeur: il suivit le vénérable curé visita la prison, l'hospice, 
le dépôt, fit beaucoup de questions, et, malgré d'étranges réponses, ne 
se permit pas la moindre marque de blâme. 
Cette visite dura plusieurs heures. Le curé invita à dîner M. Appert, qui 
prétendit avoir des lettres à écrire: il ne voulait pas compromettre 
davantage son généreux compagnon. Vers les trois heures, ces 
messieurs allèrent achever l'inspection du dépôt de mendicité, et 
revinrent ensuite à la prison. Là, ils trouvèrent sur la porte le geôlier, 
espèce de géant de six pieds de haut et à jambes arquées; sa figure 
ignoble était devenue hideuse par l'effet de la terreur. 
- Ah! monsieur, dit-il au curé, dès qu'il l'aperçut, ce monsieur, que je 
vois là avec vous, n'est-il pas M. Appert? 
- Qu'importe? dit le curé. 
- C'est que depuis hier j'ai l'ordre le plus précis, et que M. le préfet a 
envoyé par un gendarme, qui a dû galoper toute la nuit, de ne pas 
admettre M. Appert dans la prison. 
- Je vous déclare, M. Noiroud, dit le curé, que ce voyageur qui est avec 
moi, est M. Appert. Reconnaissez-vous que j'ai le droit d'entrer dans la 
prison à toute heure du jour et de la nuit, et en me faisant accompagner 
par qui je veux?
- Oui, M. le curé, dit le geôlier à voix basse, et baissant la tête, comme 
un bouledogue, que fait obéir à regret la crainte du bâton. Seulement, M. 
le curé, j'ai femme et enfants, si je suis dénoncé on me destituera; je n'ai 
pour vivre que ma place. 
- Je serais aussi bien fâché de perdre la mienne, reprit le bon curé, d'une 
voix de plus en plus émue. 
- Quelle différence! reprit vivement le geôlier; vous, M. le curé, on sait 
que vous avez huit cents livres de rente, du bon bien au soleil... 
Tels sont les faits qui, commentés, exagérés de vingt façons différentes, 
agitaient depuis deux jours toutes les passions haineuses de la petite 
ville de Verrières. Dans ce moment, ils servaient de texte à la petite 
discussion que M.    
    
		
	
	
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