Le Rouge et Le Noir | Page 2

Stendhal
suffisance m��l�� �� je ne sais quoi de born�� et de peu inventif. On sent enfin que le talent de cet homme-l�� se borne �� se faire payer bien exactement ce qu'on lui doit, et �� payer lui-m��me le plus tard possible quand il doit.
Tel est le maire de Verri��res, M. de R��nal. Apr��s avoir travers�� la rue d'un pas grave, il entre �� la mairie et dispara?t aux yeux du voyageur. Mais, cent pas plus haut, si celui-ci continue sa promenade, il aper?oit une maison d'assez belle apparence, et �� travers une grille de fer attenante �� la maison, des jardins magnifiques. Au-del��, c'est une ligne d'horizon form��e par les collines de la Bourgogne; et qui semble faite �� souhait pour le plaisir des yeux. Cette vue fait oublier au voyageur l'atmosph��re empest��e des petits int��r��ts d'argent dont il commence �� ��tre asphyxi��.
On lui apprend que cette maison appartient �� M. de R��nal. C'est aux b��n��fices qu'il a faits sur sa grande fabrique de clous que le maire de Verri��res doit cette belle habitation en pierre de taille qu'il ach��ve en ce moment. Sa famille dit-on, est espagnole antique, et, �� ce qu'on pr��tend, ��tablie dans le pays bien avant la conqu��te de Louis X.
Depuis 1815 il rougit d'��tre industriel: 1815 l'a fait maire de Verri��res. Les murs en terrasse qui soutiennent les diverses parties de ce magnifique jardin qui, d'��tage en ��tage, descend jusqu'au Doubs, sont aussi la r��compense de la science de M. de R��nal dans le commerce du ter.
Ne vous attendez point �� trouver en France ces jardins pittoresques qui entourent les villes manufacturi��res de l'Allemagne, Leipzig, Francfort, Nuremberg, etc. En Franche-Comt��. plus on batit de murs, plus on h��risse sa propri��t�� de pierres rang��es les unes au-dessus des autres, plus on acquiert de droits aux respects de ses voisins. Les jardins de M. de R��nal, remplis de murs, sont encore admir��s parce qu'il a achet�� au poids de l'or certains petits morceaux de terrain qu'ils occupent. Par exemple, cette scie �� bois, dont la position singuli��re sur la rive du Doubs vous a frapp�� en entrant �� Verri��res, et o�� vous avez remarqu�� le nom de SOREL, ��crit en caract��res gigantesques sur une planche qui domine le toit, elle occupait, il y a six ans, l'espace sur lequel on ��l��ve en ce moment le mur de la quatri��me terrasse des jardins de M. de R��nal.
Malgr�� sa fiert��, M. le maire a d? faire bien des d��marches aupr��s du vieux Sorel, paysan dur et ent��t��; il a d? lui compter de beaux louis d'or pour obtenir qu'il transportat son usine ailleurs. Quant au ruisseau public qui faisait aller la scie, M. de R��nal, au moyen du cr��dit dont il jouit �� Paris, a obtenu qu'il f?t d��tourn��. Cette grace lui vint apr��s les ��lections de 182...
Il a donn�� �� Sorel quatre arpents pour un, �� cinq cents pas plus bas sur les bords du Doubs. Et, quoique cette position f?t beaucoup plus avantageuse pour son commerce de planches de sapin, le p��re Sorel, comme on l'appelle depuis qu'il est riche, a eu le secret d'obtenir de l'impatience et de la manie de propri��taire, qui animait son voisin, une somme de 6000 F.
Il est vrai que cet arrangement a ��t�� critiqu�� par les bonnes t��tes de l'endroit. Une fois, c'��tait un jour de dimanche, il y a quatre ans de cela, M. de R��nal, revenant de l'��glise en costume de maire, vit de loin le vieux Sorel, entour�� de ses trois fils, sourire en le regardant. Ce sourire a port�� un jour fatal dans l'ame de M. le maire, il pense depuis lors qu'il e?t pu obtenir l'��change �� meilleur march��.
Pour arriver �� la consid��ration publique �� Verri��res, l'essentiel est de ne pas adopter, tout en batissant beaucoup de murs, quelque plan apport�� d'Italie par ces ma?ons, qui, au printemps, traversent les gorges du Jura pour gagner Paris. Une telle innovation vaudrait �� l'imprudent batisseur une ��ternelle r��putation de mauvaise t��te, et il serait �� jamais perdu aupr��s des gens sages et mod��r��s qui distribuent la consid��ration en Franche-Comt��.
Dans le fait, ces gens sages y exercent le plus ennuyeux despotisme; c'est �� cause de ce vilain mot que le s��jour des petites villes est insupportable, pour qui a v��cu dans cette grande r��publique qu'on appelle Paris. La tyrannie de l'opinion, et quelle opinion! est aussi b��te dans les petites villes de France, qu'aux ��tats-Unis d'Am��rique.

CHAPITRE II
UN MAIRE
L'importance! Monsieur, n'est-ce rien? Le respect des sots, l'��bahissement des enfants, l'envie des riches, le m��pris du sage. BARNAVE

Heureusement pour la r��putation de M. de R��nal comme administrateur, un immense mur de sout��nement ��tait n��cessaire �� la promenade publique qui longe la colline �� une centaine de pieds au-dessus du cours du Doubs. Elle doit �� cette admirable position une des
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