Le Pèlerin du silence 
 
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Title: Le Pèlerin du silence 
Author: Remy de Gourmont 
Release Date: January 25, 2006 [EBook #17605] 
Language: French 
Character set encoding: ISO-8859-1 
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PÈLERIN DU SILENCE *** 
 
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REMY DE GOURMONT 
Le Pèlerin du Silence
MERCVRE DE FRANCE 
Dix-septième édition 
A Stéphane Mallarmé. 
 
Le blond troupeau bourdonne autour du fier sultan, du sultan aux 
cornes d'argent; c'est Tauris, courtisé de plus de collines que l'amour 
n'amène d'amoureuses, que la peur ne presse de peureuses aux flancs du 
mâle flamboyant. 
Sur les coupoles, les arbres font de la dentelle: Ali la jaune, Hassein 
couleur de rouille, Cazem la toute blanche, et des lunes brisées brillent 
sur tous les dômes. 
Au plus creux de la vasque sableuse, deux rivières joignent leurs eaux 
confluentes, la verte Spincha, douce et trouble au printemps, non moins 
qu'un oeil de femme, et l'Agi, noir torrent salé. 
Zaël méprisait de s'anonchalir aux bazars (où l'on vend des étoffes 
brodées de contes de fées), aux cafés (où de tremblantes mains 
défrisent la chevelure parfumée des adolescents). Quand il avait fait ses 
dévotions à la Mosquée du Roi du Monde, cet inquiétant coffret tout 
doublé d'or, tout vêtu d'or, il sortait de la ville, montait vers les Yeux 
d'Ali, l'hermitage fleuri de rêves, radieux comme les yeux du plus beau 
des Califes. 
D'autres fois, à l'heure de la moindre chaleur, il rôdait sur la 
Grand'Place, s'arrêtait devant une danse de loups (Tauris avait les 
meilleurs loups-danseurs de toute la Perse); devant un combat de 
béliers, se ruant férocement tête contre tête (des paquets de 
préservatrices amulettes sonnaient à leur cou comme des sonnailles); 
devant la lutte aérienne d'un aigle et d'un épervier: les deux oiseaux 
fusaient en l'air, et tandis qu'étourdi l'aigle ramigeait en vain, l'épervier, 
tel qu'une pierre de foudre, se laissait choir sur son ennemi, et tous les 
deux tombaient avec de grands bruits d'ailes. L'épervier, grisé par les 
clameurs, reprenait son vol, planant çà et là dans sa joie, mais l'oiseleur,
d'un coup de tam-tam, le rappelait vers la cage. 
Un mystérieux escamoteur se montrait périodiquement, et ses magies, 
qui enchantaient les enfants, déconcertaient les mollahs; dans une 
poignée de terre, un noyau de pêche, et voilà que, sous l'agitation de 
son turban déroulé, le pêcher surgissait, poussait du bois, des feuilles, 
des fleurs, des fruits qui se gonflaient, veloutés et vermeils. 
Voyant cela, Zaël se demandait s'il n'est point des mots qui domptent la 
nature et si l'esprit de certains prédestinés n'a pas sur les choses une 
domination pareille à celle du vent sur les sables; mais, quand il 
interrogeait Yezid-Hagy, son maître, le maître souriait, et rien de plus. 
Depuis longtemps, précocement sage, il avait délaissé les jeux: le 
gaujaphé (qui se joue avec des signes peints sur de petites planchettes), 
les oeufs (où l'on choque, au plus fort, des oeufs durs et dorés), les 
échecs (où l'on crie «cheicchamat», quand le roi va être pris), l'arc (où 
on lâche douze flèches, en disant à la dernière: «Entre au coeur 
d'Omar!») 
Il ne se plaisait qu'aux entretiens de Yezid, ou solitaire. 
Jusqu'en ces derniers temps, on l'avait vu royalement habillé: chemise 
de soie perse semée d'astres d'argent; jupe en cloche d'un pers assombri, 
bombant autour des cuisses; justaucorps soutaché or sur or et doublé 
avec la laine des moutons de Bactriane, plus fine et plus soyeuse que 
des cheveux de blonde; jambières en drap gris d'acier à talons rouges; 
babouches de chagrin pers; turban blanc sommé d'un diamant. 
Zaël possédait de semblables costumes combinés en jaune orange, en 
rose rubis, en vert lavande, en vert de mer et en vert aventurine, mais 
n'en portait aucun: la robe noire lui suffisait pourvu qu'elle fût de drap 
souple, doucement fourrée, tombante en beaux plis. 
Jadis, c'était un jeune homme de médiocre savoir, dissipateur et fou, 
pourtant inquiet, tel qu'un avare, de la richesse intellectuelle dont il 
portait en lui le sombre trésor. Yezid lui enseigna toutes les sciences, 
dont la première, et celle qui les contient toutes, est: LE SILENCE,
avec cette formule: REGARDE EN TOI-MÊME ET TAIS-TOI. 
«Il faut, lui dit son maître, un jour, qu'avant de te vouer à la permanente 
méditation, avant d'assumer un irrévocable mépris pour le verbe (qui 
n'atteint jamais le    
    
		
	
	
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