SGANARELLE. 
Je n'ai que faire de votre aide. 
M. ROBERT. 
Très volontiers. 
SGANARELLE. 
Et vous êtes un impertinent de vous ingérer des affaires d'autrui. 
Apprenez que Cicéron dit qu'entre l'arbre et le doigt il ne faut point 
mettre l'écorce.[5] 
(Ensuite, il revient vers sa femme, et lui dit en lui pressant la main:) 
O ça, faisons la paix nous deux. Touche là. 
MARTINE. 
Oui! après m'avoir ainsi battue. 
SGANARELLE. 
Cela n'est rien. Touche. 
MARTINE. 
Je ne veux pas. 
SGANARELLE.
Hé? 
MARTINE. 
Non. 
SGANARELLE. 
Ma petite femme! 
MARTINE. 
Point. 
SGANARELLE. 
Allons, te dis-je. 
MARTINE. 
Je n'en ferai rien. 
SGANARELLE. 
Viens, viens, viens. 
MARTINE. 
Non, je veux être en colère. 
SGANARELLE. 
Fi! c'est une bagatelle; allons, allons. 
MARTINE. 
Laisse-moi là. 
SGANARELLE.
Touche, te dis-je. 
MARTINE. 
Tu m'as trop maltraitée. 
SGANARELLE. 
Eh bien, va, je te demande pardon; mets là ta main. 
MARTINE. 
Je te pardonne; (elle dit le reste bas) mais tu le payeras. 
SGANARELLE. 
Tu es une folle de prendre garde à cela. Ce sont petites choses qui sont 
de temps en temps nécessaires dans l'amitié; et cinq ou six coups de 
bâton, entre gens qui s'aiment, ne font que ragaillardir l'affection. Va, je 
m'en vais au bois, et je te promets aujourd'hui plus d'un cent de fagots. 
SCÈNE III 
MARTINE, seule. 
Va, quelque mine que je fasse, je n'oublie pas mon ressentiment, et je 
brûle en moi-même de trouver les moyens de te punir des coups que tu 
me donnes. Je sais bien qu'une femme a toujours dans les mains de quoi 
se venger d'un mari; mais c'est une punition trop délicate pour mon 
pendart. Je veux une vengeance qui se fasse un peu mieux sentir, et ce 
n'est pas contentement pour l'injure que j'ai reçue. 
SCÈNE IV 
VALÈRE, LUCAS, MARTINE. 
LUCAS. 
Parguenne! j'avons pris là tous deux une gueble de commission; et je ne
sai pas, moi, ce que je pensons attraper. 
VALÈRE. 
Que veux-tu, mon pauvre nourricier? il faut bien obéir à notre maître; et 
puis nous avons intérêt l'un et l'autre à la santé de sa fille, notre 
maîtresse; et sans doute son mariage, différé par sa maladie, nous 
vaudroit quelque récompense. Horace, qui est libéral, a bonne part aux 
prétentions qu'on peut avoir sur sa personne, et, quoi-qu'elle ait fait voir 
de l'amitié pour un certain Léandre, tu sais bien que son père n'a jamais 
voulu consentir à le recevoir pour son gendre. 
MARTINE, rêvant à part elle. 
Ne puis-je point trouver quelque invention pour me venger? 
LUCAS. 
Mais quelle fantaisie s'est-il boutée là dans la tête, puisque les médecins 
y avont tous pardu leur latin? 
VALÈRE. 
On trouve quelquefois, à force de chercher, ce qu'on ne trouve pas 
d'abord; et souvent, en de simples lieux... 
MARTINE. 
Oui, il faut que je m'en venge à quelque prix que ce soit: ces coups de 
bâton me reviennent au coeur, je ne les saurois digérer, et... (Elle dit 
tout ceci en rivant, de sorte que, ne prenant pas garde à ces deux 
hommes, elle les heurte en se retournant, et leur dit:) Ah! Messieurs! je 
vous demande pardon, je ne vous voyois pas, et cherchois dans ma tête 
quelque chose qui m'embarrasse. 
VALÈRE. 
Chacun a ses soins dans le monde, et nous cherchons aussi ce que nous 
voudrions bien trouver.
MARTINE. 
Seroit-ce quelque chose où je vous puisse aider? 
VALÈRE. 
Cela se pourroit faire; et nous tâchons de rencontrer quelque habile 
homme, quelque médecin particulier, qui pût donner quelque 
soulagement à la fille de notre maître, attaquée d'une maladie qui lui a 
ôté tout d'un coup l'usage de la langue. Plusieurs médecins ont déjà 
épuisé toute leur science après elle; mais on trouve parfois des gens 
avec des secrets admirables, de certains remèdes particuliers, qui font le 
plus souvent ce que les autres n'ont su faire, et c'est là ce que nous 
cherchons. 
MARTINE. (Elle dit ces premières lignes bas.) 
Ah! que le Ciel m'inspire une admirable invention pour me venger de 
mon pendart! (Haut.) Vous ne pouviez jamais vous mieux adresser 
pour rencontrer ce que vous cherchez, et nous avons ici un homme, le 
plus merveilleux homme du monde, pour les maladies désespérées. 
VALÈRE. 
Et, de grâce, où pouvons-nous le rencontrer? 
MARTINE. 
Vous le trouverez maintenant vers ce petit lieu que voilà, qui s'amuse à 
couper du bois. 
LUCAS. 
Un médecin qui coupe du bois? 
VALÈRE. 
Qui s'amuse à cueillir des simples, voulez-vous dire?
MARTINE. 
Non, c'est un homme extraordinaire, qui se plaît à cela, fantasque, 
bizarre, quinteux, et que vous ne prendriez jamais pour ce qu'il est. Il va 
vêtu d'une façon extravagante, affecte quelquefois de paroître ignorant, 
tient sa science renfermée, et ne fuit rien tant tous les jours que 
d'exercer les merveilleux talents qu'il a eus du Ciel pour la médecine. 
VALÈRE. 
C'est une chose admirable, que tous les grands hommes ont toujours du 
caprice, quelque petit grain de    
    
		
	
	
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