ne l'est pas seul, en tous cas, qu'il n'a été que 
l'instrument de coquins plus habiles et plus puissants que lui, et qu'il n'a 
eu qu'une bien faible part des douze millions volés au _Comptoir de 
crédit mutuel_. 
--C'est ma conviction.
--Et vous voudriez livrer à la justice les misérables qui ont profité du 
crime de votre père, et qui se croient assurés de l'impunité?... 
--Je ne sais ce que je donnerais pour y parvenir. 
--Eh bien! comment y parviendrez-vous, isolé comme vous l'êtes, 
suspect fatalement, sans moyens d'action, sans appui, sans relations, 
sans argent.... 
Une larme de rage jaillit des yeux de Maxence. 
--Voulez-vous donc m'enlever mon courage! murmura-t-il. 
--Non, mais vous démontrer la nécessité de la démarche que je vous 
conseille. Qui veut la fin veut les moyens, et nous n'avons pas le choix. 
Venez, c'est à un honnête homme que je veux vous conduire, à un ami 
éprouvé. Ne craignez rien. S'il se souvient qu'il est commissaire de 
police, ce sera pour nous être utile et non pas pour vous nuire. Vous 
hésitez!... Peut-être à cette heure, en sait-il déjà plus que nous n'en 
savons nous-mêmes.... 
La résolution de Maxence était prise. 
--Soit, dit-il, partons.... 
En moins de cinq minutes ils furent prêts et ils partirent; et même, pour 
sortir, il leur fallut déranger la Fortin, qui devant la porte de son hôtel, 
était en grande conférence avec deux ou trois boutiquiers du voisinage. 
Dès que Maxence et Mlle Lucienne se furent éloignés, remontant le 
boulevard du Temple: 
--Vous voyez ce jeune homme, dit à ses interlocuteurs l'honorable 
propriétaire de l'Hôtel des Folies, eh bien! c'est le fils de ce fameux 
caissier qui vient de décamper en emportant douze millions et en 
mettant mille familles sur la paille. Vous croyez peut-être que ça le 
gêne? Ah! bien oui!... Le voilà qui va passer une bonne journée avec sa 
maîtresse, et lui payer un bon dîner avec l'argent du papa!...
Maxence et Mlle Lucienne, cependant, arrivaient à la maison du 
commissaire. Il était chez lui, ils entrèrent. Et dès qu'ils parurent: 
--Je vous attendais! s'écria-t-il. 
C'était un homme d'un certain âge, déjà, mais alerte encore et 
vigoureux. Il avait l'air d'un notaire, avec sa cravate blanche, sa 
redingote noire et ses guêtres. Bénigne était l'expression de sa 
physionomie, mais il eût été naïf de s'y fier, on le devinait à l'éclat de 
ses petits yeux gris et à la mobilité de ses narines. 
--Oui, je vous attendais, poursuivit-il, s'adressant autant à Maxence, 
pour le moins, qu'à Mlle Lucienne. C'est l'affaire du Crédit mutuel qui 
vous amène?... 
Maxence s'avança. 
--Je suis le fils de Vincent Favoral, monsieur, répondit-il. J'ai encore 
ma mère, et une soeur... notre situation est affreuse. Mlle Lucienne m'a 
fait espérer que vous consentiriez à me donner un conseil, et nous 
voici.... 
Le commissaire sonna, et un garçon de bureau s'étant présenté: 
--Je n'y suis pour personne, dit-il. 
Après quoi, revenant à Maxence: 
--Mlle Lucienne a bien fait de vous amener, lui dit-il, car il se pourrait 
bien que tout en lui rendant un grand service, à elle, que j'estime et que 
j'aime... je vous en rende un, à vous aussi, qui êtes un brave garçon.... 
Mais, je n'ai pas de temps à perdre, asseyez-vous et contez-moi votre 
affaire.... 
C'est avec la plus scrupuleuse exactitude, qu'après avoir dit l'histoire de 
sa famille, Maxence exposa les scènes, dont depuis vingt-quatre heures, 
la maison de la rue Saint-Gilles avait été le théâtre. 
Pas une seule fois le commissaire ne l'interrompit, mais lorsqu'il eut
achevé: 
--Redites-moi, demanda-t-il, l'entrevue de votre père et de M. de 
Thaller, et surtout, n'omettez rien de ce que vous avez entendu et vu, ni 
un mot ni un geste, ni un mouvement de physionomie. 
Et Maxence ayant obéi: 
--Maintenant, reprit le commissaire, répétez-moi tout ce qu'a dit votre 
père, au moment de fuir. 
Ce fut fait. Le commissaire de police prit quelques notes, puis: 
--Quelles étaient, demanda-t-il, les relations de votre famille et de la 
famille de Thaller? 
--Nous n'avions pas de relations. 
--Quoi! jamais Mme ni Mlle de Thaller ne venaient chez vous? 
--Jamais. 
--Connaissez-vous le marquis de Trégars.? 
Maxence ouvrit de grands yeux. 
--Trégars!... répéta-t-il. C'est la première fois que j'entends prononcer 
ce nom. 
Les justiciables ordinaires du commissaire de police eussent hésité à le 
reconnaître, tant, peu à peu, s'était détendue sa roideur professionnelle, 
tant sa réserve glaciale avait fait place à la plus encourageante 
bonhomie. 
--Cela étant, reprit-il, laissons là le marquis de Trégars, et 
occupons-nous de la femme qui, selon vous, aurait causé la perte de M. 
Favoral.... 
Sur la table, devant lui, Maxence apercevait, tout ouvert, le journal qu'il
avait acheté le matin, et où il avait lu, avec des convulsions de rage, le 
terrible article intitulé: Encore un désastre financier. 
--Je ne sais rien de cette femme, répondit-il, mais apprendre qui    
    
		
	
	
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