dans la vie, du même pas et la 
main dans la main, laissez-moi croire que nous trouverons l'amour à un 
détour de la route.... 
Elle ne répondit pas. 
Et ainsi se trouva scellé entre eux un traité d'amitié auquel ils devaient 
rester si exactement fidèles, que jamais le mot d'amour ne monta 
jusqu'à leurs lèvres. 
En apparence leur existence n'en fut pas modifiée. 
Chaque matin, comme par le passé, dès sept heures, Mlle Lucienne se 
rendait chez M. Van-Klopen, et une heure plus tard, Maxence partait 
pour son bureau. 
Le soir, ils se retrouvaient, et comme l'hiver était venu, ils passaient 
leur soirée sous la même lampe, au coin du feu. 
Mais ce qu'il était aisé de prévoir arriva. 
Nature indécise et faible, Maxence ne tarda pas à subir l'influence du 
caractère énergique et obstiné de la jeune fille. Elle lui infusa, en 
quelque sorte dans les veines, un sang plus généreux et plus chaud. 
Petit à petit, elle le pénétra de ses idées, et de sa volonté lui en fit une. 
Il lui avait dit, en toute sincérité, son histoire, les misères de la maison 
paternelle, les rigueurs exagérées et la parcimonie de M. Favoral, la 
timidité soumise de sa mère, le caractère déterminé de Mlle Gilberte. 
Il ne lui avait rien dissimulé de son passé, de ses erreurs ni de ses folies, 
s'accusant même de celles de ses actions dont le souvenir lui était le 
plus pénible, comme d'avoir, par exemple, abusé de l'affection de sa 
mère et de sa soeur, pour leur extorquer tout l'argent qu'elles gagnaient. 
Il lui avait avoué, enfin, qu'il ne travaillait qu'à son corps défendant, 
contraint et forcé par la nécessité, qu'il n'était rien moins que riche, que, 
bien qu'il prît son repas du soir chez ses parents, ses appointements lui
suffisaient à peine, et que même il avait des dettes. 
Mais il espérait bien, ajoutait-il, qu'il n'en serait pas toujours ainsi, qu'il 
verrait le terme de tant de misères et de privations. 
--Mon père a, pour le moins, cinquante mille livres de rentes, disait-il, 
tôt ou tard je serai riche. 
Loin de sourire à Mlle Lucienne, cette perspective lui fit froncer le 
sourcil. 
--Ah! votre père est millionnaire! interrompit-elle. Eh bien! je 
m'explique comment, à vingt-cinq ans, après avoir refusé toutes les 
positions qui vous ont été offertes, vous n'avez pas de position. Vous 
comptiez sur votre père et non sur vous. Jugeant qu'il travaillait assez 
pour deux, vous vous êtes bravement croisé les bras, attendant que vous 
échoie la fortune qu'il amasse, que vous considérez comme vôtre, et 
dont il ne vous paraît que l'administrateur.... 
Cette morale devait sembler un peu roide à Maxence. 
--Je pense, commença-t-il, que du moment où l'on est le fils d'une 
famille riche.... 
--On a le droit d'être inutile, n'est-ce pas? acheva la jeune fille. 
--Certainement non, mais.... 
--Il n'y a pas de mais qui tienne. Et la preuve que votre calcul a été 
mauvais, c'est qu'il vous a conduit là où vous êtes, et qu'il vous a enlevé 
votre libre arbitre et le droit de faire votre volonté. Se mettre à la 
discrétion d'un autre, cet autre fût-il un père, est toujours niais, et on est 
à la discrétion de celui dont on attend de l'argent qu'on n'a pas gagné. 
Croyez bien que votre père n'eût pas été si dur s'il eût été bien 
convaincu que vous ne sauriez pas vous passer de lui.... 
Il voulait discuter, elle l'arrêta. 
--Vous faut-il la preuve que vous êtes à la merci de M. Favoral?
reprit-elle. Soit! Vous avez parlé de m'épouser.... 
--Ah! si vous vouliez!... 
--Eh bien, allez donc en parler à votre père!... 
--Je suppose.... 
--Vous ne supposez pas, vous êtes parfaitement sûr qu'il vous refuserait 
tout net et sans réplique son consentement.... 
--Je saurais m'en passer.... 
--Vous lui feriez des sommations respectueuses, voulez-vous dire, et 
vous passeriez outre. Je l'admets. Mais lui, savez-vous ce qu'il ferait? il 
s'arrangerait de telle sorte que jamais vous n'auriez un centime de sa 
fortune.... 
Maxence n'avait jamais songé à cela. 
--Donc, reprit gaiement la jeune fille, bien qu'il ne soit encore 
aucunement question de mariage, sachez vous assurer l'indépendance, 
c'est-à-dire de quoi vivre, et pour ce..., travaillons!... 
C'est de ce moment que Mme Favoral put remarquer en son fils ce 
changement qui l'avait si fort étonnée. 
Sous l'inspiration, sous l'impulsion de Mlle Lucienne, Maxence avait 
été soudainement pris d'une ardeur de travail et d'un désir de gagner 
dont jamais on ne l'eût cru capable. 
Il n'arrivait plus trop tard à son bureau maintenant et n'avait plus à la fin 
de chaque mois des dix et quinze francs d'amende à payer. 
Sitôt levée, tous les matins, Mlle Lucienne venait frapper à sa porte. 
--Allons, debout! lui criait-elle. 
Et vite il sautait à bas de son lit, et il s'habillait pour pouvoir la    
    
		
	
	
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