L'argent des autres 
 
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Title: L'argent des autres II. La pêche en eau trouble 
Author: Émile Gaboriau 
Release Date: May 2, 2006 [EBook #18302] 
Language: French 
Character set encoding: ISO-8859-1 
*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ARGENT 
DES AUTRES *** 
 
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L'ARGENT DES AUTRES 
PAR
ÉMILE GABORIAU 
II 
LA PÊCHE EN EAU TROUBLE 
SEPTIÈME ÉDITION PARIS E. DENTU, ÉDITEUR, LIBRAIRE DE 
LA SOCIÉTÉ DES GENS DE LETTRES PALAIS-ROYAL, 17 ET 19, 
GALERIE D'ORLÉANS. 1875 Tous droits réservés. 
 
LA PÊCHE EN EAU TROUBLE 
 
I 
L'aube du 1er novembre 1871 se levait pâle et glacée, blanchissant le 
faîte des toits. Une lueur livide et furtive glissait, comme au fond d'un 
puits, le long des murs humides de l'étroite cour de l'_Hôtel des 
Folies_. 
Déjà montaient ces rumeurs confuses qui annoncent le réveil de Paris, 
dominées par le roulement sonore des voitures de laitiers, par le fracas 
des portes brutalement refermées, par le claquement clair des pas hâtifs 
sur le bitume des trottoirs. 
Maxence avait ouvert sa fenêtre et s'y était accoudé mais bientôt il fut 
pris d'un frisson. Il referma la fenêtre, jeta du bois dans la cheminée, et 
s'allongea sur son fauteuil, présentant les pieds à la flamme. 
C'était un événement énorme qui venait de tomber dans son existence, 
et autant qu'il était en lui, il s'efforçait d'en mesurer la portée et d'en 
calculer les conséquences dans l'avenir. 
Il ne pouvait revenir du récit de cette fille étrange, de sa franchise 
hautaine à dérouler certaines phases de sa vie, de son effrayante 
impassibilité, de l'implacable mépris de l'humanité que trahissait 
chacune de ses paroles.
Où avait-elle appris cette dignité si simple et si noble, ce langage 
mesuré, cet admirable respect de soi qui lui avait permis de traverser les 
cloaques sans y recevoir une éclaboussure? 
Et encore sous l'impression de son attitude, de son accent et de son 
regard: 
--Quelle femme! murmurait-il. 
Avant de la connaître, il l'aimait. 
Maintenant, il était bouleversé par une de ses passions exclusives qui 
s'emparent de l'être entier. 
Même, il se sentait déjà à ce point sous le charme, subjugué, dominé, 
fasciné, il comprenait si bien qu'il allait cesser de s'appartenir, que son 
libre arbitre lui échappait, que sa volonté serait entre les mains de Mlle 
Lucienne comme le bloc de cire entre les doigts du modeleur, il se 
voyait si bien à la discrétion d'une énergie supérieure à la sienne, que la 
peur le prenait presque. 
--C'est mon avenir que je risque! pensait-il. 
Et il n'était pas de moyen terme. 
Il lui fallait, ou fuir sur-le-champ, sans attendre le réveil de Mlle 
Lucienne, fuir sans détourner la tête... ou rester, et alors accepter tous 
les hasards d'une incurable passion pour une femme qui ne l'aimerait 
peut-être jamais.... 
Et il restait pantelant entre ces deux partis, comme un voyageur qui, 
tout à coup, verrait se bifurquer la route inconnue où il marche, et qui 
ne saurait laquelle prendre des deux voies ouvertes devant lui, sachant 
que l'une conduit au but et l'autre à un abîme. 
Seulement, le voyageur, s'il se trompe et s'il le reconnaît, est toujours 
libre de rebrousser chemin. 
L'homme, dans la vie, ne peut plus revenir à son point de départ.
Chaque pas qu'il fait est définitif. S'il s'est trompé, s'il s'est engagé sur 
la route fatale, tant pis!... 
--Ah! n'importe! s'écria Maxence. Il ne sera pas dit que, par lâcheté, 
j'aurai laissé s'envoler le bonheur qui passe à ma portée. Je reste.... 
Et aussitôt, il se mit à examiner ce que raisonnablement il était en droit 
d'attendre. 
Car il ne se méprenait pas aux intentions de Mlle Lucienne. 
En lui disant: «--Voulez-vous être amis?» C'est bien cela qu'elle avait 
prétendu et voulu dire: uniquement amis. 
--Et cependant, songeait Maxence, si je ne lui avais pas inspiré un 
intérêt réel, se serait-elle si entièrement confiée à moi? Elle n'ignore pas 
que je l'aime, et elle sait trop la vie pour supposer que je cesserai de 
l'aimer lorsqu'elle m'aura permis une certaine intimité. 
A cette idée, des bouffées d'espérance lui montaient au cerveau. 
--Ma maîtresse, jamais, évidemment, se disait-il. Mais ma femme... 
pourquoi pas?... 
Mais presque aussitôt, le plus amer découragement s'emparait de lui. Il 
réfléchissait que Mlle Lucienne avait peut-être, à le choisir ainsi pour 
confident, quelque intérêt décisif qu'il ne soupçonnait pas. Et pourquoi    
    
		
	
	
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