un jour être fataliste et 
priser le Koran fort au-dessus de l'Évangile, à cause des joies de son 
paradis. 
--Oui, me disait-il, il y aura pour les justes des beautés éternellement 
vierges, des sources éternellement pures, des ombrages éternellement 
frais; cela ne vaut-il pas mieux que chanter éternellement des hymnes. 
Le fils d'Abdallah était plus pratique que le fils de Meryem. Mais 
hymnes ou houris, tout cela est bon pour la foule misérable. 
Tu es fataliste, dis-tu? Mais le fort peut tracer sa voie à travers la 
fatalité. 
Et il me cita ces paroles du Livre: 
«A ceux qui feront le bien, le bien sera un surplus. Ni la noirceur ni la 
honte ne terniront l'éclat de leurs visages. A ceux qui feront le mal, la 
rétribution sera pareille au mal, l'ignominie les couvrira et leurs visages 
seront comme un lambeau de nuit.»
Quelquefois le vulgaire myope, qui ne voit que la surface des choses, 
dira: Regarde cet homme, il adore ses passions, il fait le mal pour le 
mal, son coeur est fermé comme sa main, la misère d'autrui est pour lui 
un bénéfice, et cependant il est gras, il est florissant, il a un beau 
vêtement et une belle demeure, il est heureux! Qu'il attende, le vulgaire 
myope, et ses yeux s'ouvriront, et à pas de géant il verra venir le 
châtiment vengeur, le malheur qui guette cette tête orgueilleuse et la 
courbera comme celle du coupable en prière. Car le Destin, Maître de 
l'heure, n'attend pas pour punir que la chair se détache des os, il frappe 
celui qui est debout. 
Je connais un homme que les gens du Tell et ceux du Souf, et ceux du 
Sahara ont, pendant de longues années, appelé Monseigneur l'Heureux, 
et il fait pitié aux plus misérables. 
--Oh! m'écriai-je, je me souviens. Une fois, non loin de Djenarah, sa 
voix frappa mon oreille: «Afsia! Afsia! Afsia!» Ce nom m'a longtemps 
poursuivi. 
Et pendant que je racontais il m'écoutait d'un air sombre, 
m'interrompant par ses exclamations: 
--Allah Kebir! Allah Kebir! 
Puis il ajouta: 
--Apporte ce soir deux peaux de bouc pleines de ce vin d'Espagne qui 
met la gaieté au coeur, et loin des sots qui médisent, des curieux qui 
envient et des femmes qui troublent, dans ma boutique bien close, je te 
raconterai l'histoire du Thaleb El Messaoud. 
 
PREMIÈRE PARTIE 
MERYEM 
I
«Il n'y a de Dieu que Dieu et Mohamed est le Prophète de Dieu.» 
«A lui appartiennent le levant et le couchant; de quelque côté que vous 
vous tourniez, vous rencontrez sa face.» 
Telles sont les paroles écrites dans le Livre, mais je puis te dire ce qui 
n'est pas écrit et que répètent ceux d'entre nous, nommés les sages. 
Entre Dieu et le Prophète, est un Maître tout-puissant; il fait et défait; il 
éclaire et éteint. 
Les uns l'appellent l'universelle Vie, mais son vrai nom, c'est l'universel 
Amour. 
De l'homme au ciron, de la forêt de palmiers superbes à l'humble brin 
d'alpha, rien n'existe et ne vit que par lui. Il courbe tout ce qui est, 
comme l'ouragan courbe les roseaux de la source, il jette les races sur la 
surface du globe, comme le semeur jette les grains dans le champ. 
Son temple est l'univers et la femme son autel, car, sous notre soleil, 
c'est ce qu'il y a de plus parfait. 
Et nous disons à la place des paroles du Prophète: 
«A lui appartiennent le levant et le couchant et de quelque côté que 
vous vous tourniez, vous rencontrez sa puissance.» 
De lui tout découle, peines et joies, la mort et la vie. Il fait les sages et 
les fous, les heureux et les misérables, les héros et les criminels. 
Sans lui l'homme est eunuque, et va châtré dans la vie comme les 
nègres dans le sérail. 
S'il fait dévoyer le faible, il montre la route au fort et dit: «Pour moi, 
taille ta destinée.» 
Car à moins d'être harcelé par une fatalité maudite, conséquence des 
crimes ou des imbécillités de ceux dont il a le sang dans les veines, le 
fort, ici-bas, doit faire son destin. Il tient son heur et son malheur. Et si
aux portes de la vieillesse, les soucis, comme les ténèbres, 
s'amoncellent sur son front, qu'il n'en accuse que lui et cherche la cause 
en fouillant les vomissements de son passé. 
 
II 
Si ceux de Djenarah ne t'ont pas raconté l'histoire du Thaleb 
El-hadj-Mansour El-Messaoud, c'est qu'il se trouve encore dans le 
Ksour des hommes et des femmes que ce nom fait rougir. L'infortune 
qui pèse sur lui n'a pas éteint toutes les colères. Les meilleurs 
pardonnent, mais ne peuvent oublier. 
Moi, j'estime Sidi-Mansour et je respecte sa misère, et si le Maître de 
l'heure prolonge mes jours, alors que les siens seront effacés, j'irai 
déposer sur le coin de terre où    
    
		
	
	
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