La vie littéraire, by Anatole 
France 
 
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Title: La vie littéraire Deuxième série 
Author: Anatole France 
Release Date: September 22, 2006 [EBook #19344] 
Language: French 
Character set encoding: ISO-8859-1 
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LITTÉRAIRE *** 
 
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ANATOLE FRANCE
DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE 
 
LA VIE LITTÉRAIRE 
DEUXIÈME SÉRIE 
 
PARIS CALMANN-LÉVY, ÉDITEURS 3, RUE AUBER, 3 
 
PRÉFACE 
Ce volume contient les articles que j'ai publiés dans le Temps depuis 
deux ans environ. Le public lettré a accueilli la première série de ces 
causeries avec une bienveillance qui m'honore et qui me touche. Je sais 
combien peu je la mérite. Mais on m'a beaucoup pardonné sans doute 
en faveur de ma sincérité. Il y a un moyen de séduction à la portée des 
plus humbles: c'est le naturel. On semble presque aimable dès qu'on est 
absolument vrai. C'est pour m'être donné tout entier que j'ai mérité des 
amis inconnus. La seule habileté dont je sois capable est de ne point 
essayer de cacher mes défauts. Elle m'a réussi comme elle eût réussi à 
tout autre. 
On a bien vu, par exemple, qu'il m'arrivait parfois de me contredire. Il y 
a peu de temps, un excellent esprit, M. Georges Renard, a relevé 
quelques-unes de ces contradictions avec une indulgence d'autant plus 
exquise qu'elle feignait de se cacher. «M. Leconte de Lisle, avais-je dit 
un jour, doute de l'existence de l'univers, mais il ne doute pas de la 
bonté d'une rime.» Et M. Georges-Renard n'a pas eu de peine à montrer 
que cette contradiction, j'y tombais moi-même à tout moment, et 
qu'après avoir proclamé le doute philosophique je n'avais rien de plus 
pressé que de quitter la paix sublime du sage, la bienheureuse ataraxie, 
pour me jeter dans les régions de la joie et de la douleur, de l'amour et 
de la haine. Finalement il m'a pardonné et je crois qu'il a bien fait. Il 
faut permettre aux pauvres humains de ne pas toujours accorder leurs 
maximes avec leurs sentiments. Il faut même souffrir que chacun de
nous possède à la fois deux ou trois philosophies; car, à moins d'avoir 
créé une doctrine, il n'y a aucune raison de croire qu'une seule est 
bonne; cette partialité n'est excusable que chez un inventeur. De même 
qu'une vaste contrée possède les climats les plus divers, il n'y a guère 
d'esprit étendu qui ne renferme de nombreuses contradictions. À dire 
vrai, les âmes exemptes de tout illogisme me font peur; ne pouvant 
m'imaginer qu'elles ne se trompent jamais, je crains qu'elles ne se 
trompent toujours, tandis qu'un esprit qui ne se pique pas de logique 
peut retrouver la vérité après l'avoir perdue. On me répondra sans doute, 
en faveur des logiciens, qu'il y a une vérité au bout de tout 
raisonnement comme un oeil ou une griffe au bout de la queue que 
Fourier a promise aux hommes pour le jour où ils seront en harmonie. 
Mais cet avantage restera aux esprits sinueux et flottants, qu'ils peuvent 
amuser autrui dans les erreurs qui les amusent eux-mêmes. Heureux qui, 
comme Ulysse, a fait un beau voyage! Quand la route est fleurie, ne 
demandez pas où elle mène. Je vous donne ce conseil au mépris de la 
sagesse vulgaire, sous la dictée d'une sagesse supérieure. Toute fin est 
cachée à l'homme. J'ai demandé mon chemin à tous ceux qui, prêtres, 
savants, sorciers ou philosophes, prétendent savoir la géographie de 
l'Inconnu. Nul n'a pu m'indiquer exactement la bonne voie. C'est 
pourquoi la route que je préfère est celle dont les ormeaux s'élèvent 
plus touffus sous le ciel le plus riant. Le sentiment du beau me conduit. 
Qui donc est sûr d'avoir trouvé un meilleur guide? 
Comme mes contradictions, on m'a passé mon innocente manie de faire 
à tout propos des contes avec mes souvenirs et mes impressions. Je 
crois que cette indulgence n'était pas mal inspirée. Un homme supérieur 
ne doit parler de lui-même qu'à propos des grandes choses auxquelles il 
a été mêlé. Autrement il semble disproportionné et, par là, déplaisant; à 
moins qu'il ne consente à se montrer semblable à nous: ce qui, à 
vrai-dire, n'est pas toujours impossible, car les grands hommes ont 
beaucoup de choses communes avec les autres hommes. Mais enfin le 
sacrifice est trop coûteux à certains génies. Combien les hommes 
ordinaires sont mieux    
    
		
	
	
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