de plaider la cause aux trois quarts perdue 
de la guillotine, c'est don Juan. 
Passons à la troisième gravure en taille-douce, et qu'on me décerne un 
prix de mémoire! 
Celle-là était la statue du commandeur, la guillotine, tout ce que vous 
voudrez. 
Personne n'ignore qu'un bon vampire était invulnérable et immortel, 
comme Achille, fils de Pelée, à la condition de n'être point blessé à un 
certain endroit et d'une certaine façon. Le fameux vampire de 
Debreckzin vécut et mourut, pour mieux dire, pendant quatre cent 
quarante quatre ans. Il vivrait encore si le professeur Hemzer ne lui eût 
plongé dans la région cardiaque un fer à gaufrer rougi préalablement au 
feu. 
C'est là une recette bien connue et qui, au premier aspect, ne nous 
semble pas dépourvue d'efficacité. 
La troisième gravure montrait le vrai cercueil de Faust, où il reposait 
peut-être depuis des siècles, gardant la bizarre permission de se relever 
certaines nuits, de revêtir son costume de hussard, toujours propre et 
fort élégant, pour aller à la chasse de Marguerite. 
Faust était là, le monstre! avec ses yeux brillants et ses lèvres humides. 
Il buvait le sang de Marguerite, couchée un peu plus loin.
Les gens de la noce avaient, je ne sais trop comment, découvert sa 
retraite. On avait apporté un fourneau de forge, on avait fait rougir une 
vaillante barre de fer, et le fiancé la passait à deux mains, de tout son 
coeur, au travers de l'estomac du vampire, qui n'avait garde de 
protester. 
Et Marguerite s'éveillait là-bas, comme si la mort de son bourreau lui 
eût rendu la vie. 
Voilà ce que disait et ce que contenait mon vieux bouquin en trois 
petits tomes. Et je déclare que les articles des recueils savants ne m'en 
ont jamais tant appris sur les vampires. 
J'ajoute que les badauds de Paris, en l'an 1804, étaient à peu près de 
notre force, au bouquin et à moi: ce qui donne la mesure de ce que 
pouvait être leur opinion au sujet de cet être mystérieux que la frayeur 
publique avait baptisé: la Vampire. 
 
II 
SAINT-LOUIS-EN-L'ILE 
La vampire existait, voilà le point de départ et la chose certaine: que ce 
fût un monstre fantastique comme certains le croyaient fermement, ou 
une audacieuse bande de malfaiteurs réunis sous cette raison sociale, 
comme les gens plus éclairés le pensaient, la vampire existait. 
Depuis un mois il était bruit de plusieurs disparitions. Les victimes 
semblaient choisies avec soin parmi cette population flottante et riche 
qu'un intervalle de paix amenait à Paris. On parlait d'une vingtaine 
d'étrangers pour le moins, tous jeunes, tous ayant marqué leur passage à 
Paris par de grandes dépenses, et qui s'étaient éclipsés soudain sans 
laisser de traces. 
Y en avait-il vingt en effet? La police niait. La police eût affirmé 
volontiers que ces rumeurs n'avaient pas l'ombre de fondement et 
qu'elles étaient l'oeuvre d'une opposition qui devenait de jour en jour
plus hardie. 
Mais l'opinion populaire s'affermit d'autant mieux que les dénégations 
de la police sont plus précises. Dans les faubourgs, ce n'était pas de 
vingt victimes que l'on parlait, on comptait les victimes par centaines. 
A ce point qu'on affirmait l'existence d'un ténébreux charnier situé au 
bord du fleuve. On ne savait, il est vrai, où ce charnier pouvait être 
caché; on objectait même des impossibilités matérielles, car il eût fallu 
supposer que le fleuve communiquait directement avec cette tombe, 
pour expliquer le phénomène de la pêche miraculeuse. Et comment 
admettre la présence d'un canal inconnu aux gens du quartier? 
Dans la saison d'été, la Seine abandonne ses rives et livre à tous regards 
le secret de ses berges. 
C'était assurément là une objection frappante et qui venait à l'appui de 
l'outrageuse invraisemblance du fait en lui-même: une oubliette au 
dix-neuvième siècle! 
Les sceptiques avaient beau jeu pour rire. 
Paris ne se faisait point faute d'imiter les sceptiques. Il riait; il répétait 
sur tous les tons; c'est absurde, c'est impossible. 
Mais il avait peur. 
Quand les poltrons de village ont peur, la nuit, dans les chemins creux, 
ils chantent à tue-tête. Paris est ainsi: au milieu de ses plus grandes 
épouvantes, il rit souvent à gorge. Paris riait donc en tremblant ou 
tremblait en riant, car les objections et les raisonnements ne peuvent 
rien contre certaines évidences. La panique se faisait tout doucement. 
Les personnes sages ne croyaient peut-être pas encore, mais 
l'inquiétude contagieuse les prenait, et les railleurs eux-mêmes, en 
colportant leurs moqueries, augmentaient la fièvre. 
Deux faits restaient debout, d'ailleurs: la disparition de plusieurs 
étrangers et provinciaux, disparition qui commençait à produire son
résultat d'agitation judiciaire, et cette autre circonstance que le lecteur 
jugera comme il voudra, mais qui impressionnait Paris plus vivement 
encore que la première: la _pêche miraculeuse_ du quai de Béthune. 
C'était, on peut le dire, une préoccupation générale. Ceux qui se 
bornaient à hocher    
    
		
	
	
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