on prouve.
Henri respira comme un lutteur qui sent plier les reins de son 
adversaire. 
-- Je le prouverai, dit-il, ce soir: à neuf heures la liste des chefs et le 
plan de l’entreprise seront chez vous. J’ai même déjà remis mon acte de 
renonciation à de Mouy. 
François prit la main de Henri et la serra avec effusion entre les 
siennes. 
Au même instant Catherine entra chez le duc d’Alençon, et cela, selon 
son habitude, sans se faire annoncer. 
-- Ensemble! dit-elle en souriant; deux bons frères, en vérité! 
-- Je l’espère, madame, dit Henri avec le plus grand sang-froid, tandis 
que le duc d’Alençon pâlissait d’angoisse. Puis il fit quelques pas en 
arrière pour laisser Catherine libre de parler à son fils. 
La reine mère alors tira de son aumônière un joyau magnifique. 
-- Cette agrafe vient de Florence, dit-elle, je vous la donne pour mettre 
au ceinturon de votre épée. Puis tout bas: 
-- Si, continua-t-elle, vous entendez ce soir du bruit chez votre bon 
frère Henri, ne bougez pas. François serra la main de sa mère, et dit: 
-- Me permettez-vous de lui montrer le beau présent que vous venez de 
me faire? 
-- Faites mieux, donnez-le-lui en votre nom et au mien, car j’en avais 
ordonné une seconde à mon intention. 
-- Vous entendez, Henri, dit François, ma bonne mère m’apporte ce 
bijou, et en double la valeur en permettant que je vous le donne. 
Henri s’extasia sur la beauté de l’agrafe, et se confondit en 
remerciements. Quand ses transports se furent calmés: 
-- Mon fils, dit Catherine, je me sens un peu indisposée, et je vais me 
mettre au lit; votre frère Charles est bien fatigué de sa chute et va en 
faire autant. On ne soupera donc pas en famille ce soir, et nous serons 
servis chacun chez nous. Ah! Henri, j’oubliais de vous faire mon 
compliment sur votre courage et votre adresse: vous avez sauvé votre 
roi et votre frère, vous en serez récompensé. 
-- Je le suis déjà, madame! répondit Henri en s’inclinant. 
-- Par le sentiment que vous avez fait votre devoir, reprit Catherine, ce 
n’est pas assez, et croyez que nous songeons, Charles et moi, à faire 
quelque chose qui nous acquitte envers vous. 
-- Tout ce qui me viendra de vous et de mon bon frère sera bienvenu,
madame. Puis il s’inclina et sortit. 
-- Ah! mon frère François, pensa Henri en sortant, je suis sûr 
maintenant de ne pas partir seul, et la conspiration, qui avait un corps, 
vient de trouver une tête et un coeur. Seulement prenons garde à nous. 
Catherine me fait un cadeau, Catherine me promet une récompense: il y 
a quelque diablerie là-dessous; je veux conférer ce soir avec 
Marguerite. 
 
II La reconnaissance du roi Charles IX 
Maurevel était resté une partie de la journée dans le cabinet des Armes 
du roi; mais, quand Catherine avait vu approcher le moment du retour 
de la chasse, elle l’avait fait passer dans son oratoire avec les sbires qui 
l’étaient venus rejoindre. 
Charles IX, averti à son arrivée par sa nourrice qu’un homme avait 
passé une partie de la journée dans son cabinet, s’était d’abord mis dans 
une grande colère qu’on se fût permis d’introduire un étranger chez lui. 
Mais se l’étant fait dépeindre, et sa nourrice lui ayant dit que c’était le 
même homme qu’elle avait été elle- même chargée de lui amener un 
soir, le roi avait reconnu Maurevel; et se rappelant l’ordre arraché le 
matin par sa mère, il avait tout compris. 
-- Oh! oh! murmura Charles, dans la même journée où il m’a sauvé la 
vie; le moment est mal choisi. 
En conséquence il fit quelques pas pour descendre chez sa mère; mais 
une pensée le retint. 
-- Mordieu! dit-il, si je lui parle de cela, ce sera une discussion à n’en 
pas finir; mieux vaut que nous agissions chacun de notre côté. 
-- Nourrice, dit-il, ferme bien toutes les portes, et préviens la reine 
Élisabeth[1], qu’un peu souffrant de la chute que j’ai faite, je dormirai 
seul cette nuit. 
La nourrice obéit, et, comme l’heure d’exécuter son projet n’était pas 
arrivée, Charles se mit à faire des vers. 
C’était l’occupation pendant laquelle le temps passait le plus vite pour 
le roi. Aussi neuf heures sonnèrent-elles que Charles croyait encore 
qu’il en était à peine sept. Il compta l’un après l’autre les battements de 
la cloche, et au dernier il se leva. 
-- Nom d’un diable! dit-il, il est temps tout juste. Et, prenant son 
manteau et son chapeau, il sortit par une porte secrète qu’il avait fait
percer dans la boiserie, et dont Catherine elle-même ignorait l’existence. 
Charles alla droit à l’appartement de Henri. Henri n’avait fait que 
rentrer chez lui pour changer de costume en quittant le duc d’Alençon, 
et il était    
    
		
	
	
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