un véritable trésor. 
-- Sang-diou! baronne, dites à cette fille que je ferai sa fortune quand je 
serai roi de France, comme me le prédisent les astrologues. 
Charlotte sourit; car dès cette époque la réputation gasconne du 
Béarnais était déjà établie à l’endroit de ses promesses. 
-- Eh bien, dit-elle, que désirez-vous de Dariole? 
-- Bien peu de chose pour elle, tout pour moi. 
-- Enfin? 
-- Votre appartement est au-dessus du mien? 
-- Oui. 
-- Qu’elle attende derrière la porte. Je frapperai doucement trois coups; 
elle ouvrira, et vous aurez la preuve que je vous ai offerte. 
Madame de Sauve garda le silence pendant quelques secondes; puis, 
comme si elle eût regardé autour d’elle pour n’être pas entendue, elle 
fixa un instant la vue sur le groupe où se tenait la reine mère; mais si 
court que fut cet instant, il suffit pour que Catherine et sa dame d’atours 
échangeassent chacune un regard.
-- Oh! si je voulais, dit madame de Sauve avec un accent de sirène qui 
eût fait fondre la cire dans les oreilles d’Ulysse, si je voulais prendre 
Votre Majesté en mensonge. 
-- Essayez, ma mie, essayez... 
-- Ah! ma foi! j’avoue que j’en combats l’envie. 
-- Laissez-vous vaincre: les femmes ne sont jamais si fortes qu’après 
leur défaite. 
-- Sire, je retiens votre promesse pour Dariole le jour où vous serez roi 
de France. Henri jeta un cri de joie. 
C’était juste au moment où ce cri s’échappait de la bouche du Béarnais 
que la reine de Navarre répondait au duc de Guise: 
«_Noctu pro more_: Cette nuit comme d’habitude.» 
Alors Henri s’éloigna de madame de Sauve aussi heureux que l’était le 
duc de Guise en s’éloignant lui-même de Marguerite de Valois. 
Une heure après cette double scène que nous venons de raconter, le roi 
Charles et la reine mère se retirèrent dans leurs appartements; presque 
aussitôt les salles commencèrent à se dépeupler, les galeries laissèrent 
voir la base de leurs colonnes de marbre. L’amiral et le prince de 
Condé furent reconduits par quatre cents gentilshommes huguenots au 
milieu de la foule qui grondait sur leur passage. Puis Henri de Guise, 
avec les seigneurs lorrains et les catholiques, sortirent à leur tour, 
escortés des cris de joie et des applaudissements du peuple. 
Quant à Marguerite de Valois, à Henri de Navarre et à madame de 
Sauve, on sait qu’ils demeuraient au Louvre même. 
 
II La chambre de la reine de Navarre 
Le duc de Guise reconduisit sa belle-soeur, la duchesse de Nevers, en 
son hôtel qui était situé rue du Chaume, en face de la rue de Brac, et 
après l’avoir remise à ses femmes, passa dans son appartement pour 
changer de costume, prendre un manteau de nuit et s’armer d’un de ces 
poignards courts et aigus qu’on appelait une foi de gentilhomme, 
lesquels se portaient sans l’épée; mais au moment où il le prenait sur la 
table où il était déposé, il aperçut un petit billet serré entre la lame et le 
fourreau. 
Il l’ouvrit et lut ce qui suit: 
«J’espère bien que M. de Guise ne retournera pas cette nuit au Louvre, 
ou, s’il y retourne, qu’il prendra au moins la précaution de s’armer
d’une bonne cotte de mailles et d’une bonne épée.» 
-- Ah! ah! dit le duc en se retournant vers son valet de chambre, voici 
un singulier avertissement, maître Robin. Maintenant faites- moi le 
plaisir de me dire quelles sont les personnes qui ont pénétré ici pendant 
mon absence. 
-- Une seule, Monseigneur. 
-- Laquelle? 
-- M. du Gast. 
-- Ah! ah! En effet, il me semblait bien reconnaître l’écriture. Et tu es 
sûr que du Gast est venu, tu l’as vu? 
-- J’ai fait plus, Monseigneur, je lui ai parlé. 
-- Bon; alors je suivrai le conseil. Ma jaquette et mon épée. 
Le valet de chambre, habitué à ces mutations de costumes, apporta 
l’une et l’autre. Le duc alors revêtit sa jaquette, qui était en chaînons de 
mailles si souples que la trame d’acier n’était guère plus épaisse que du 
velours; puis il passa par-dessus son jaque des chausses et un pourpoint 
gris et argent, qui étaient ses couleurs favorites, tira de longues bottes 
qui montaient jusqu’au milieu de ses cuisses, se coiffa d’un toquet de 
velours noir sans plume ni pierreries, s’enveloppa d’un manteau de 
couleur sombre, passa un poignard à sa ceinture, et, mettant son épée 
aux mains d’un page, seule escorte dont il voulût se faire accompagner, 
il prit le chemin du Louvre. 
Comme il posait le pied sur le seuil de l’hôtel, le veilleur de 
Saint-Germain-l’Auxerrois venait d’annoncer une heure du matin. 
Si avancée que fût la nuit et si peu sûres que fussent les rues à cette 
époque, aucun accident n’arriva à l’aventureux prince par le chemin, et 
il arriva sain et sauf devant la    
    
		
	
	
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