La philosophie de M. Bergson | Page 2

Albert Farges
notre subtil auteur se retranchera derri?¨re la d??fense banale qu'on _ne l'a pas compris_, le lecteur pourra lui r??pliquer: _?? qui la faute_?... C'est le syst?¨me philosophique de M. Bergson que nous jugerons d'apr?¨s les textes authentiques, et nullement ses intentions ni sa pens??e intime, encore moins sa pens??e d??finitive, que notre critique ne saurait viser et r??serve express??ment.
Nous avions d??j?? touch?? ?? la philosophie de M. Bergson en esquissant les grandes lignes de la _Th??orie fondamentale de l'Acte et de la Puissance ou du Devenir,_ mais d'une mani?¨re assez indirecte. Nous avions d?? mettre alors en parall?¨le avec les th??ories de l'??cole p??ripat??ticienne et thomiste que nous exposions, celles de la philosophie nouvelle. Mais cette critique n'??tait faite que par occasion, d'une mani?¨re accidentelle et tr?¨s incompl?¨te. Aujourd'hui, nous abordons de front l'?“uvre du ma??tre, pour en saisir les d??tails et l'ensemble, et suivre l'??volution de sa pens??e ?? travers tous les ??crits qu'il a publi??s depuis sa th?¨se de 1889.
Cet ouvrage--malgr?? quelques r??p??titions n??cessaires--ne fera donc pas double emploi avec le premier, qui pourra toujours ?atre consult?? utilement par ceux qui aiment les parall?¨les et les contrastes. Nous y renverrons quelquefois[3].
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Et maintenant, souhaitons ?? ce petit livre d'aller au loin produire un peu de bien! Sans doute, il n'a pas la pr??tention na?ˉve de convertir les Bergsoniens qui r??cusent les lumi?¨res de l'Intelligence, de la Raison et du Sens commun. Ce n'est pas d'arguments dont ces esprits ont besoin, mais de rem?¨des. Puisse-t-il du moins rassurer les autres, tous ceux qui n'ont pas laiss?? s'atrophier en eux ces facult??s ma??tresses de notre nature humaine, et les pr??server ?? jamais d'une telle ??catastrophe int??rieure??[4]. Et comme ce r??sultat purement n??gatif serait insuffisant ???? asseoir leurs convictions spiritualistes, puisse-t-il les aider ?? s'orienter vers les lumi?¨res si s??res de la Philosophie traditionnelle.
N'obtiendrait-il ce succ?¨s qu'aupr?¨s de cette nouvelle jeunesse qui se l?¨ve--avide de th??ories lumineuses et fortes, et d??daigneuse de ce qu'elle a d??j?? nomm?? une ??philosophie des phosphorescences et des vell??it??s??[5],--nous nous estimerions amplement r??compens?? notre peine!
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LA PHILOSOPHIE DE M. BERGSON[6]
INTRODUCTION G?‰N?‰RALE
Suivant une formule ch?¨re ?? son ??cole: M. Bergson _est en train de se faire_[7]. Nous ne parlons pas ici de sa r??putation qui est d??j?? faite--non seulement en France, mais dans les deux h??misph?¨res--et ne saurait gu?¨re s'amplifier davantage. A peu pr?¨s d?¨s le d??but de son enseignement ?? Paris, elle a retenti bruyamment et elle est devenue rapidement mondiale, gr?¢ce ?? une certaine presse et ?? cette unanimit?? de r??clame mutuelle dont nos adversaires ont le secret,--et qui devraient ?atre pour nous une le?§on plus profitable d'union.
Sur la foi de sa renomm??e, bien des gens se p?¢ment d'admiration ?? tout ce qui tombe aujourd'hui de ses l?¨vres ou sort de sa plume. Et je ne parle pas seulement du public f??minin qui assi?¨ge sa chaire du Coll?¨ge de France, ni des admirateurs par snobisme, incapables de comprendre le premier mot de th??ories si subtiles et si obscures,--mais aussi d'hommes de talent et de penseurs s??rieux qu'on est surpris de rencontrer dans ce concert d'adulation universelle.
Nous pourrions en citer plusieurs parmi ses coll?¨gues de l'Universit?? ou de l'Ecole normale, dont les ??loges enthousiastes atteignent ?? un degr?? de lyrisme d??concertant.
L'un d'eux, dans un volume que nous avons sous les yeux, ??crit qu'il faut classer M. Henri Bergson, non seulement ??parmi les tr?¨s grands philosophes de tous les pays et de tous les temps??,--mais encore le proclamer ??comme le seul philosophe de premier ordre qu'aient eu la France depuis Descartes, et l'Europe depuis Kant??. Il ajoute express??ment que Leibnitz, Malebranche, Spinosa, sont facilement ??clips??s, ainsi que Fichte, Schelling et Hegel. Enfin, il conclut pompeusement: ??Tel est le rythme de l'histoire des syst?¨mes: de loin en loin, un h??ros heureux de la pens??e s'??tant enfonc?? tr?¨s avant dans les profondeurs du r??el en ram?¨ne au jour de l'intelligence des intuitions merveilleuses, richesse brute que lui-m?ame et des g??n??rations apr?¨s lui s'emploient ?? ??laborer. Avec un Descartes, avec un Kant, M. Bergson, sans aucun doute, est de ces h??ros-l??.??
Apr?¨s ces dithyrambes, on peut tirer l'??chelle et redire avec assurance que la r??putation du ma??tre est d??j???? faite et qu'elle n'est plus ?? faire.
Le secret de ce succ?¨s inou?ˉ serait peut-?atre curieux ?? rechercher mais il n'est pas temps encore. Attendons la fin de ce travail pour le mieux comprendre.
En disant que M. Bergson est en train de se faire, je n'ai donc voulu parler que de sa philosophie, qu'il n'a r??v??l??e au monde que peu ?? peu, ?? travers les h??sitations, on, comme, il l'avoue lui-m?ame, ??les zigzags d'une doctrine qui se d??veloppe, c'est-??-dire qui se perd, se retrouve et se corrige ind??finiment elle-m?ame??[8].
Encore aujourd'hui est-elle loin d'?atre compl?¨te. Comportera-t-elle une Th??odic??e, une Morale? et lesquelles?... Bien des doutes sont encore permis
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