La main froide | Page 2

Fortuné Du Boisgobey
la peste. Mais quand Paul exprimait ce d��sir ambitieux, Jean lui riait au nez et l'emmenait d?ner chez Foyot.
Foyot est le caf�� Anglais du quartier.
Ces messieurs y mangeaient habituellement, sans d��daigner cependant de d?ner quelquefois dans les bouillons d'alentour, �� seule fin de rester populaires parmi les ��tudiants moins opulents qu'eux.
Le dimanche, pendant la belle saison, Oreste et Pylade se montraient au Luxembourg, �� l'heure de la musique et, ces jours-l��, ils faisaient des concessions �� la mode, en s'habillant d'une fa?on moins excentrique.
L'an pass��, donc, par une claire journ��e dominicale du mois de mai, ils se promenaient, bras dessus bras dessous, sur la terrasse qui domine le grand bassin central, du c?t�� de la rue de Fleurus.
C'est l�� que s'assemblent, pour jouir du concert gratuit, les habitantes de ces r��gions recul��es: honn��tes bourgeoises assises en rond sur des chaises de louage et flanqu��es de demoiselles �� marier; bonnes d'enfants entour��es de marmots et de militaires non grad��s; habitu��es de la Closerie des Lilas, circulant par groupes de deux ou trois et blaguant les m��res de famille.
Le ciel ��tait splendide. Les marronniers en fleurs embaumaient l'air ti��de. Le printemps faisait sa rentr��e, apr��s six mois de relache, pour cause de brouillard et de frimas. Les arbres et les femmes avaient des toilettes neuves.
Paul Cormier, lui aussi, s'��tait fait beau. Il portait une redingote noire, coup��e par un bon tailleur, un joli pantalon de fantaisie et des bottines pointues, ni plus ni moins qu'un gommeux remontant les Champs-Elys��es, �� l'heure o�� les ��quipages reviennent du Bois.
Et cette tenue ��l��gante lui allait �� merveille.
Jean de Mirande avait endoss��, pour la circonstance, une esp��ce de justaucorps en velours violet, boutonn�� jusqu'au menton; il avait chauss�� des bottes molles montant jusqu'au genou sur une culotte gris-perle extra collante et, pour compl��ter ce mirifique costume, il s'��tait coiff��, comme un Calabrais d'op��ra-comique, d'un feutre pointu, orn�� d'un large ruban vert.
Et, ainsi accoutr��, il ne paraissait pas trop ridicule. Sa haute mine sauvait tout et nul n'��tait tent�� de se moquer de lui en face.
Les hommes attendaient, pour hausser les ��paules, qu'il leur tournat le dos. Les jeunes filles de bonne maison le suivaient des yeux �� la d��rob��e, et les mamans pensaient: ?Voil�� un beau gars!?
Lui, marchait la t��te haute et la moustache au vent, remorquant son camarade qui s'arr��tait souvent pour regarder les femmes et qui ne passait point inaper?u, quoiqu'il n'e?t ni l'imposante prestance ni les airs vainqueurs du beau Mirande, Roi des ��coles et bourreau des cranes.
En arrivant sur la terrasse, Paul Cormier avait avis��, assise contre le pi��destal d'une statue, une personne charmante.
Elle ��tait sans cavalier, mais sans doute elle ne comptait pas rester seule jusqu'�� la fin du concert, car elle gardait deux chaises, pr��s de celle qu'elle occupait.
Paul qui ne manquait jamais la musique le dimanche, et qui, tous les jours, traversait le jardin plut?t deux fois qu'une, Paul ne l'y avait jamais rencontr��e. Donc, elle venait de la rive droite. Sa toilette le disait assez, une toilette ��l��gante et de bon go?t, comme on en voit peu dans les environs de Saint-Sulpice.
Du reste, elle ne semblait pas s'apercevoir qu'elle attirait l'attention de ce joli blond qui lui d��cochait une oeillade br?lante chaque fois qu'il passait devant elle.
Et Paul se demandait d��j�� s'il avait enfin rencontr�� ce qu'il cherchait.
Etait-ce le d��but d'une aventure? Il l'esp��rait presque et il s'y serait volontiers embarqu��, sans savoir o�� elle le conduirait.
S'il avait pu pr��voir comment elle devait finir, il aurait certainement h��sit��.
La dame lisait un livre �� couverture jaune, sans doute un roman nouveau, et ce roman devait ��tre fort int��ressant, car elle ne levait pas les yeux.
Paul Cormier, qui la lorgnait inutilement, commen?ait �� se lasser de ce man��ge improductif, lorsque Mirande, s'arr��tant tout �� coup, lui dit:
--Ah! ?a, qu'est-ce que tu as donc �� te retourner �� chaque instant? J'en ai assez de te tra?ner comme un cheval r��tif qu'on m��ne par la figure et qui tire au renard.
--Une femme adorable, mon cher! murmura Cormier, en serrant le bras de son ami.
--O�� donc?... cette liseuse, l��-bas, au pied d'une statue?... Elle n'est pas mal, mais ce n'est pas la peine de risquer d'attraper un torticolis pour la contempler... aborde-la carr��ment.
--Tu ne vois donc pas que c'est une femme du monde?... une vraie.
--D��cid��ment, tu es encore plus jobard que je ne pensais.
--C'est toi qui a la manie de prendre toutes les femmes pour des dr?lesses. Celle-l�� est seule en ce moment, mais elle attend quelqu'un... son mari tr��s probablement.
--Allons donc! elle attend quelqu'un, oui... seulement elle ne sait pas qui... toi, si le coeur t'en dit... ou moi, si je voulais, mais, moi, je ne veux pas. Elle me d��pla?t, ta princesse, avec son air en-dessous. Et puis, ce soir, j'offre �� d?ner �� deux ou trois jolies filles qui s'amusent
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