forte de l'Évangile, avantageusement connue de toutes les 
personnes graves et sérieuses.
Quelques mots sont nécessaires sur cette respectable famille, mêlée aux 
événements de ce récit par les liens qui vont la rattacher à la famille 
Crawley. 
La vie du chef de la famille Southdown, Clément William, quatrième 
comte de Southdown, n'offre aucune particularité bien remarquable. Il 
entra au parlement sous le patronage de M. Wilberforce; y rendit 
quelques services à son parti, et on ne saurait mieux faire que de le 
ranger dans la catégorie dite des hommes sérieux. 
Les paroles auraient peine à exprimer l'étonnement et la consternation 
de la vertueuse comtesse de Southdown, lorsque, après le trépas de son 
noble époux, elle apprit que l'héritier de la famille, son fils enfin, était 
membre de plusieurs clubs et avait perdu de grosses sommes au jeu, 
chez Wattiers et au Cocotier, qu'il avait déjà mangé une partie de son 
héritage, qu'il était criblé de dettes, qu'il conduisait à quatre chevaux, 
était commissaire dans les assauts de boxe, qu'enfin il avait une loge à 
l'Opéra, où il paraissait au milieu de la société la plus mal famée. Son 
nom était toujours accueilli par un murmure réprobateur dans le cercle 
de la douairière. Lady Émilie comptait quelques années de plus que son 
frère; elle avait déjà pris une position éminente parmi les gens sérieux 
comme auteur de manuels de piété, d'hymnes spirituelles et de poésies 
religieuses. C'était une demoiselle d'un esprit mûr et rassis qui avait jeté 
bien loin toute idée de mariage. Son amour pour les nègres suffisait, à 
lui seul, à son ardente sensibilité. La rumeur publique lui attribue un 
magnifique poëme dont voici le début: 
Guidez-nous par delà les abîmes des mers, En ces îles que brûle un 
soleil implacable, Où sourit d'un ciel pur l'azur inaltérable, Où de pleurs 
éternels le noir mouille ses fers. Etc.... etc.... etc.... 
Elle était en correspondance réglée avec les missionnaires des deux 
Indes. On parlait même de tendres sentiments qu'elle aurait éprouvés 
pour le révérend Silas Pousse-Grain, tatoué dans une de ses missions 
par les sauvages des mers du Sud. 
Quant à lady Jane, pour laquelle M. Pitt, comme nous l'avons dit, 
brûlait d'une si belle flamme, elle était aimable et craintive, parlait peu
et rougissait beaucoup. Malgré les écarts de son frère, elle continuait à 
l'aimer sans pouvoir s'en empêcher. De temps à autre elle lui écrivait de 
petites lettres à la hâte, et les jetait à la poste en cachette. Un jour, et 
c'était le plus terrible secret qui chargeât sa conscience, escortée de sa 
gouvernante, elle avait fait une visite clandestine au jeune lord, qu'elle 
avait trouvé--voyez à quels excès vous conduisent la débauche et le 
crime--en compagnie d'un cigare et d'une bouteille de curaçao! Elle 
admirait sa soeur, adorait sa mère, et à ses yeux l'homme le plus 
aimable et plus accompli était M. Crawley, après son cher Southdown 
toutefois. Sa mère et sa soeur, ces deux natures d'élite, se chargeaient 
de trancher pour elle en toutes circonstances, et la regardaient avec ce 
superbe dédain que toute femme qui se retire sur les hauteurs de 
l'intelligence dispense toujours avec usure à ceux qu'elle voit 
au-dessous d'elle. Sa mère commandait ses robes, ses livres, ses 
chapeaux, et allait même jusqu'à penser pour elle. Suivant que milady 
Southdown se trouvait dans telle ou telle disposition, sa fille montait à 
cheval, touchait du piano ou prenait tout autre exercice. Milady aurait, 
sans aucun doute, laissé sa fille en tabliers à manches jusqu'à ses 
vingt-six ans qu'elle venait d'atteindre, s'il n'avait fallu les quitter pour 
la présentation de lady Jane à la reine Charlotte. 
Quand ces dames furent installées à Brighton, M. Crawley ne visita 
d'abord qu'elles seules, se contentant de mettre une carte chez sa tante 
et de demander tout simplement à M. Bowls ou à son camarade des 
nouvelles de la malade. Un jour, s'étant trouvé face à face avec miss 
Briggs, qui revenait du cabinet de lecture, de gros paquets de romans 
sous le bras, une rougeur extraordinaire couvrit la figure de M. Crawley, 
tandis qu'il s'avançait vers la demoiselle de compagnie, pour lui dire un 
bonjour plus amical. Après s'être promené quelques instants avec elle, 
il finit par emmener miss Briggs auprès de lady Jane de la Moutonnière, 
et lui dit: 
«Lady Jane, permettez-moi de vous présenter la meilleure amie de ma 
tante et sa plus fidèle compagne, miss Briggs, que vous connaissez déjà 
à un autre titre, comme auteur des Harmonies du coeur, ces charmantes 
poésies qui font vos délices.»
Lady Jane rougit beaucoup, tendit sa petite main à miss Briggs, lui fit 
un compliment tout à la fois très-poli et très-inintelligible, parla de son 
désir d'aller voir miss Crawley, du bonheur qu'elle aurait à connaître les 
parents et les amis de M. Pitt; puis, avec un regard doux    
    
		
	
	
	Continue reading on your phone by scaning this QR Code
 
	 	
	
	
	    Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the 
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.
	    
	    
