donc à son roi et à sa dame. 
--Heu! la bête est lourde, fit d'Epernon. 
--Bah! dit Quélus, qu'on me mette en face d'elle; qu'on me donne un 
épieu, j'en fais mon affaire. 
On entendit la voix de Henri qui appelait Saint-Luc. 
--Messieurs, dit-il, vous l'entendez, le roi m'appelle; bonne chasse, au 
revoir. 
Et il les quitta aussitôt. Mais, au lieu d'aller au roi, il se glissa le long 
des murailles encore garnies de spectateurs et de danseurs, et gagna la 
porte que touchait déjà Bussy, retenu par la belle mariée, qui faisait de 
son mieux pour ne pas le laisser sortir. 
--Ah! bonsoir, monsieur de Saint-Luc, dit le jeune homme. Mais 
comme vous avez l'air effaré! Est-ce que, par hasard, vous seriez de la 
grande chasse qui se prépare? Ce serait une preuve de votre courage, 
mais ce n'en serait pas une de votre galanterie. 
--Monsieur, répondit Saint-Luc, j'avais l'air effaré parce que je vous 
cherchais. 
--Ah! vraiment? 
--Et que j'avais peur que vous ne fussiez parti. Chère Jeanne, ajouta-t-il, 
dites à votre père qu'il tâche d'arrêter le roi; il faut que je dise deux 
mots en tête-à-tête à M. de Bussy. 
Jeanne s'éloigna rapidement; elle ne comprenait rien à toutes ces 
nécessités; mais elle s'y soumettait, parce qu'elle les sentait 
importantes. 
--Que voulez-vous me dire, monsieur de Saint-Luc? demanda Bussy. 
--Je voulais vous dire, monsieur le comte, répondit Saint-Luc, que si 
vous aviez quelque rendez-vous ce soir, vous feriez bien de le remettre 
à demain, attendu que les rues de Paris sont mauvaises, et que si ce 
rendez-vous, par hasard, devait vous conduire du côté de la Bastille, 
vous ferez bien d'éviter l'hôtel des Tournelles, où il y a un enfoncement 
dans lequel plusieurs hommes peuvent se cacher. Voilà ce que j'avais à 
vous dire, monsieur de Bussy. Dieu me garde de penser qu'un homme 
comme vous puisse avoir peur. Cependant réfléchissez. 
En ce moment on entendait la voix de Chicot, qui criait: 
--Saint-Luc, mon petit Saint-Luc, voyons, ne te cache pas comme tu
fais. Tu vois bien que je t'attends pour rentrer au Louvre. 
--Sire, me voici, répondit Saint-Luc en s'élançant dans la direction de la 
voix de Chicot. 
Près du bouffon était Henri III, auquel un page tendait déjà le lourd 
manteau fourré d'hermine, tandis qu'un autre lui présentait de gros 
gants montant jusqu'aux coudes, et un troisième le masque de velours 
doublé de satin. 
--Sire, dit Saint-Luc en s'adressant à la fois aux deux Henri, je vais 
avoir l'honneur de porter le flambeau jusqu'à vos litières. 
--Point du tout, dit Henri, Chicot va de son côté, moi du mien. Mes 
amis sont tous des vauriens qui me laissent retourner seul au Louvre 
tandis qu'ils courent le carême prenant. J'avais compté sur eux, et les 
voilà qui me manquent; or tu comprends que tu ne peux me laisser 
partir ainsi. Tu es un homme grave et marié, tu dois me ramener à la 
reine. Viens, mon ami, viens. Holà! un cheval pour M. Saint-Luc. Non 
pas; c'est inutile, ajouta-t-il en se reprenant, ma litière est large; il y a 
place pour deux. 
Jeanne de Brissac n'avait pas perdu un mot de cet entretien, elle voulut 
parler, dire un mot à son mari, prévenir son père que le roi enlevait 
Saint-Luc; mais Saint-Luc, plaçant un doigt sur sa bouche, l'invita au 
silence et à la circonspection. 
--Peste! dit-il tout bas, maintenant que je me suis ménagé François 
d'Anjou, n'allons pas nous brouiller avec Henri de Valois.--Sire, 
ajouta-t-il tout haut, me voici. Je suis si dévoué à Votre Majesté, que, si 
elle l'ordonnait, je la suivrais jusqu'au bout du monde. 
Il y eut un grand tumulte, puis grandes génuflexions, puis grand silence 
pour ouïr les adieux du roi à mademoiselle de Brissac et à son père. Ils 
furent charmants. 
Puis les chevaux piaffèrent dans la cour, les flambeaux jetèrent sur les 
vitraux leurs rouges reflets. Enfin, moitié riant, moitié grelottant, 
s'enfuirent, dans l'ombre et la brume, tous les courtisans de la royauté et 
tous les conviés de la noce. 
Jeanne, demeurée seule avec ses femmes, entra dans sa chambre et 
s'agenouilla devant l'image d'une sainte en laquelle elle avait beaucoup 
de dévotion. Puis elle ordonna qu'on la laissât seule, et qu'une collation 
fût prête pour le retour de son mari. 
M. de Brissac fit plus, il envoya six gardes attendre le jeune marié à la
porte du Louvre, afin de lui faire escorte lorsqu'il reviendrait. Mais, au 
bout de deux heures d'attente, les gardes envoyèrent un de leurs 
compagnons prévenir le maréchal que toutes les portes étaient closes au 
Louvre, et qu'avant de fermer la dernière, le capitaine du guichet avait 
répondu: 
--N'attendez point davantage, c'est inutile; personne ne sortira plus du 
Louvre cette nuit. Sa Majesté est couchée, et tout le monde dort. 
Le maréchal avait été porter cette    
    
		
	
	
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