ta gorge blanche,
A moi tes flancs polis
avec ta belle hanche 
A l'ondoyant contour;
A moi tes petits pieds, ta main douce et ta 
bouche,
Et ce premier baiser que ta pudeur farouche 
Refusait a l'amour. 
LA TREPASSEE. 
C'en est fait! c'en est fait! Il est la! sa morsure
M'ouvre au flanc une 
lame et profonde blessure; 
Il me ronge le coeur.
Quelle torture! O Dieu, quelle angoisse cruelle!
Mais que faites-vous donc lorsque je vous appelle, 
O ma mere, o ma soeur? 
LE VER. 
Dans leur ame deja ta memoire est fanee,
Et pourtant sur ta fosse, o 
pauvre abandonnee, 
L'oranger est tout frais.
La tenture funebre a peine repliee,
Comme 
un songe d'hier elles t'ont oubliee, 
Oubliee a jamais. 
LA TREPASSEE. 
L'herbe pousse plus vite au coeur que sur la fosse;
Une pierre, une 
croix, le terrain qui se hausse, 
Disent qu'un mort est la.
Mais quelle croix fait voir une tombe dans 
l'ame!
Oubli! seconde mort, neant que je reclame, 
Arrivez, me voila! 
LE VER.
Console-toi.--La mort donne la vie.--Eclose
A l'ombre d'une croix 
l'eglantine est plus rose 
Et le gazon plus vert.
La racine des fleurs plongera sous tes cotes;
A 
la place ou tu dors les herbes seront hautes; 
Aux mains de Dieu tout sert! 
Un mort qu'ils reveillaient les pria de se taire;
Un pale eclair parti non 
du ciel mais de terre 
Me fit dans leurs tombeaux
Voir tous les trepasses cadavres ou 
squelettes,
Avec leurs os jaunis ou leurs chairs violettes, 
S'en allant par lambeaux; 
Les jeunes et les vieux, peuple du cimetiere,
Pauvres morts oublies 
n'entendant sur leur pierre 
Gemir que l'ouragan,
Et devores d'ennui dans leur froide demeure,
De leurs yeux sans regard cherchant a savoir l'heure 
A l'eternel cadran. 
Puis tout devint obscur, et je repris ma route,
Pale d'avoir tant vu, 
plein d'horreur et de doute, 
L'esprit et le corps las;
Et me suivant partout, mille cloches felees,
Comme des voix de mort me jetaient par volees 
Les ralements du glas. 
III. 
Et je rentrai chez moi.--De lugubres pensees
Tournaient devant mes 
yeux sur leurs ailes glacees
Et me rasaient le front.
Comme on voit sur le soir autour des 
cathedrales,
Des essaims de corbeaux derouler leurs spirales 
Et voltiger en rond. 
Dans ma chambre, ou tremblait une jaune lumiere,
Tout prenait une 
forme horrible et singuliere, 
Un aspect effrayant.
Mon lit etait la biere et ma lampe le cierge,
Mon manteau deploye le drap noir qu'on asperge 
Sous la porte en priant. 
Dans son cadre terni, le pale Christ d'ivoire
Cloue les bras en croix 
sur son etoffe noire, 
Redoublait de paleur;
Et comme au Golgotha, dans sa dure agonie,
Les muscles en relief de sa face jaunie 
Se tordaient de douleur. 
Les tableaux ravivant leurs nuances eteintes
Aux reflets du foyer 
prenaient d'etranges teintes, 
Et, d'un air curieux,
Comme des spectateurs aux loges d'un theatre,
Vieux portraits enfumes, pastels aux tons de platre, 
Ouvraient tout grands leurs yeux. 
Une tete de mort sur nature moulee
Se detachait en blanc, grimacante 
et pelee, 
Sous un rayon blafard.
Je la vis s'avancer au bord de la console;
Ses 
machoires semblaient rechercher leur parole 
Et ses yeux leur regard.
De ses orbites noirs ou manquaient les prunelles,
Jaillirent tout a coup 
de fauves etincelles 
Comme d'un oeil vivant.
Une haleine passa par ses dents 
dechaussees...
Les rideaux a plis droits tombaient sur les croisees; 
Ce n'etait pas le vent. 
Faible comme ces voix que l'on entend en reve,
Triste comme un 
soupir des vagues sur la greve 
J'entendis une voix.
Or, comme ce jour-la j'avais vu tant de choses,
Tant d'effets merveilleux dont j'ignorais les causes, 
J'eus moins peur cette fois. 
RAPHAEL. 
Je suis le Raphael, le Sanzio, le grand maitre!
O frere, dis-le-moi, 
peux-tu me reconnaitre 
Dans ce crane hideux?
Car je n'ai rien parmi ces platres et ces 
masques,
Tous ces cranes luisants, polis comme des casques, 
Qui me distingue d'eux. 
Et pourtant c'est bien moi! Moi, le divin jeune homme,
Le roi de la 
beaute, la lumiere de Rome, 
Le Raphael d'Urbin!
L'enfant aux cheveux bruns qu'on voit aux 
galeries,
Mollement accoude, suivre ses reveries, 
La tete dans sa main. 
O ma Fornarina! ma blanche bien aimee,
Toi qui dans un baiser pris 
mon ame pamee
Pour la remettre au ciel;
Voila donc ton amant, le beau peintre au 
nom d'ange,
Cette tete qui fait une grimace etrange: 
Eh bien, c'est Raphael! 
Si ton ombre endormie au fond de la chapelle
S'eveillait et venait a 
ma voix qui t'appelle, 
Oh! je te ferais peur!
Que le marbre entr'ouvert sur ta tete retombe.
Ne viens pas! ne viens pas et garde dans ta tombe 
Le reve de ton coeur. 
Analyseurs damnes, abominable race,
Hyenes qui suivez le cortege a 
la trace 
Pour deterrer le corps;
Aurez-vous bientot fait de declouer les bieres,
Pour mesurer nos os et peser nos poussieres; 
Laissez dormir les morts! 
Mes maitres, savez-vous, qui donc a pu le dire?
Ce qu'on sent quand 
la scie avec ses dents dechire 
Nos lambeaux palpitants.
Savez-vous si la mort n'est pas une autre 
vie,
Et si quand leur depouille a la tombe est ravie 
Les aieux sont contents? 
Ah! vous venez fouiller de    
    
		
	
	
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