Mais il n'en est point ainsi du colonel 
Mejean: ce n'est point un rebelle, c'est un ennemi, et un ennemi 
puissant, puisqu'il représente la France. S'il traite, il a donc droit à une 
meilleure capitulation que celle de MM. L'Aurora et Massa. 
--C'est trop juste, répondit le cardinal, et voici celle que j'offre: Les 
Français sortiront du fort Saint-Elme tambours battants, mèche allumée, 
avec tous les honneurs de la guerre, et se réuniront à leurs compatriotes, 
encore en garnison à Capoue et à Gaete, sans aucun engagement qui 
enchaîne leur libre arbitre. 
--Je ne vois pas là une grande amélioration sur le traité fait entre Votre
Éminence et les commandants Massa et L'Aurora; eux aussi sortaient 
tambours battants, mèche allumée, et avaient droit de rester à Naples ou 
de se retirer en France. 
--Oui; mais, sur la plage, avant de s'embarquer, ils déposaient les 
armes. 
--Simple formalité, Votre Éminence en conviendra. Qu'eussent fait de 
leurs armes des bourgeois révoltés partant pour l'exil ou restant chez 
eux? 
--Alors, chez vous, monsieur, il me semble du moins, répliqua le 
cardinal, la question d'orgueil militaire est complétement mise de côté? 
--C'est la question avec laquelle on dirige les fanatiques et les sots. Les 
hommes intelligents,--et Votre Éminence ne trouvera point mauvais 
que je la range dans cette dernière catégorie,--les hommes intelligents 
voient au delà de cette fumée qu'on appelle la vanité. 
--Et que voyez-vous, monsieur, ou plutôt que voit le commandant 
Mejean au delà de cette fumée que l'on appelle la vanité? 
--Il voit une affaire, et même une bonne affaire, pour Votre Éminence 
et lui. 
--Une bonne affaire? Je me connais mal en affaires, monsieur, je vous 
en préviens. N'importe, expliquez-vous. 
--Voici deux forts rendus sur trois, c'est vrai; mais le troisième, et par 
sa position et par les hommes qui la défendent, est à peu près 
imprenable, ou bien nécessitera un long siége. Où sont vos ingénieurs, 
où sont vos pièces de gros calibre, où est votre armée pour faire le siége 
d'une citadelle comme celle que commande le colonel Mejean? Vous 
échouerez en arrivant au but, et, en échouant, Votre Éminence perdra 
tout le mérite d'une campagne magnifique, tandis que, pour quelques 
misérables centaines de mille livres que vous pouvez, en supposant que 
vous ne les ayez pas, lever en deux heures sur Naples vous couronnez 
l'édifice de la restauration et vous pouvez dire au roi: «Sire, le général
Mack, avec une armée de soixante mille soldats, avec cent canons, avec 
un trésor de vingt millions, a perdu les États romains, Naples, la 
Calabre, le royaume enfin; moi, avec quelques paysans, j'ai reconquis 
tout ce que le général Mack avait perdu. Il m'en a coûté, il est vrai, cinq 
cent mille francs ou un million pour prendre le fort Saint-Elme; mais 
qu'est-ce qu'un million comparé au dégât qu'il pouvait faire? Car, enfin, 
sire, vous le savez mieux que personne, pourrez-vous ajouter, le fort 
Saint-Elme a été bâti, non point pour défendre Naples, mais pour la 
menacer, et la preuve, c'est qu'il existe une loi, rendue par votre auguste 
père, qui défend d'élever des maisons au-dessus d'une certaine hauteur, 
attendu qu'à une certaine hauteur, elles pourraient gêner le jeu des 
boulets et des obus. Or, Naples bombardée, ce n'était point une perte de 
cinq cent mille francs ou d'un million, c'était une perte incalculable.» Et, 
devant cette explication de votre conduite, le roi, croyez-moi, est un 
homme d'un trop grand sens pour ne point vous donner raison. 
--Alors, en cas de siége, reprit le cardinal, le colonel Mejean compte 
bombarder Naples? 
--Mais sans doute. 
--Ce sera une infamie gratuite. 
--Pardon, Votre Éminence, ce sera un cas de légitime défense: on nous 
attaque, nous ripostons. 
--Oui, mais ripostez du côté où l'on vous attaque, et, comme on vous 
attaquera du côté opposé à la ville, vous ne pourrez pas riposter du côté 
de la ville. 
--Bon! qui sait où vont les boulets et les bombes? 
--Ils vont du côté où on les pointe, monsieur: la chose est parfaitement 
sue, au contraire. 
--Eh bien, on les pointera du côté de la ville, en ce cas. 
--Pardon, monsieur; mais, si vous portiez l'habit militaire, au lieu de
porter l'habit bourgeois, vous sauriez qu'une des premières lois de la 
guerre défend aux assiégés de tirer sur les maisons situées en un point 
d'où ne vient point l'attaque. Or, les batteries que l'on dirigera contre le 
château Saint-Elme étant établies du côté opposé à la ville, le feu du 
château Saint-Elme, sous peine de manquer à toutes les conventions qui 
régissent les peuples civilisés, ne pourra lancer un seul boulet, un seul 
obus, ou une seule bombe du côté opposé aux batteries qui l'attaqueront. 
Ne vous obstinez donc pas dans une erreur que ne commettrait 
certainement point le colonel Mejean, si j'avais l'honneur de discuter 
avec lui, au lieu    
    
		
	
	
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