trop franchement... 
--Vous n'avez pas besoin d'excuse. Vous avez une famille, disiez-vous, 
et cette famille, alliez-vous dire, ne permettra point que vous quittiez 
Naples. 
--Non, madame, j'en suis sûre, répondit vivement Giovannina. 
--Mais cette famille permettrait-elle, continua Luisa, qui venait de 
songer qu'il serait moins cruel à Salvato de trouver, elle absente, 
quelqu'un à qui parler d'elle, qu'une porte fermée et une maison 
muette,--cette famille permettrait-elle que vous restassiez ici comme 
une personne de confiance chargée de veiller sur la maison? 
--Oh! pour cela, oui, s'écria Nina avec une vivacité qui, si elle eût eu le 
moindre soupçon de ce qui se passait dans le coeur de la jeune fille, eût 
ouvert les yeux de Luisa. 
Puis, se modérant: 
--Car ce sera toujours, ajouta-t-elle, un honneur et un plaisir pour moi 
d'être chargée des intérêts de madame. 
--Eh bien, alors, Nina, quoique je sois habituée à votre service, dit la 
jeune femme, vous resterez. Peut-être notre absence ne sera pas longue. 
Pendant cette absence, à ceux qui viendront pour me voir--retenez bien 
mes paroles, Nina,--vous direz que le devoir de mon mari était de 
suivre le prince, et que mon devoir, à moi, était de suivre mon mari;
vous direz--car vous appréciez mieux que personne, vous qui ne voulez 
pas quitter Naples, ce que je souffre, moi, en le quittant--vous direz, 
que c'est les yeux baignés de larmes que je fais mes premiers, et qu'à 
l'heure de mon départ, je ferai mes derniers adieux à chacune des 
chambres de cette maison et à chacun des objets renfermés dans ces 
chambres. Et, quand vous parlerez de ces larmes, vous saurez que ce ne 
sont point de vaines paroles, car vous les aurez vues couler. 
Luisa acheva ces paroles en sanglotant. 
Nina la regardait avec une certaine joie, profitant de ce qu'ayant son 
mouchoir sur les yeux, sa maîtresse ne pouvait lire l'expression fugitive 
qui éclairait son visage. 
--Et...--elle hésita un instant,--et si M. Salvato vient, que lui dirai-je, à 
lui? 
Luisa découvrit son visage et, avec une suprême sérénité: 
--Que je l'aime toujours, répondit-elle, et que cet amour durera autant 
que ma vie. Allez dire à Michele qu'il ne s'éloigne pas: j'ai à lui parler 
avant mon départ et je compte sur lui pour me conduire jusqu'au 
bateau. 
Nina sortit. 
Restée seule, Luisa imprima son visage dans l'oreiller resté sur le lit, 
laissa un baiser dans l'empreinte qu'elle avait faite et sortit à son tour. 
Trois heures venaient de sonner, et, avec sa ponctualité ordinaire que 
rien ne pouvait troubler, le chevalier entrait dans la salle à manger par 
la porte de son cabinet de travail, tandis que Luisa y entrait par celle de 
sa chambre à coucher. 
Michele se tenait debout sur le perron en dehors de la porte. 
Le chevalier le chercha des yeux. 
--Où est donc Michele? demanda-t-il. J'espère bien qu'il n'est point
parti? 
--Non, dit Luisa, le voici. Viens donc, Michele! le chevalier t'appelle, et, 
moi, j'ai besoin de te parler. 
Michele entra. 
--Tu sais ce qu'a fait ce garçon-là! dit le chevalier à Luisa en lui posant 
la main sur l'épaule. 
--Non, fit la jeune femme; quelque chose de bien, j'en suis sûr. 
Puis, mélancoliquement: 
--On l'appelle Michele le Fou à la Marinella; mais l'amitié qu'il a pour 
nous, à mes yeux, du moins, ajouta-t-elle, lui tient lieu de raison. 
--Ah! pardieu! dit Michele, voilà une belle affaire! 
--Il est vrai que cela ne vaut pas la peine d'en parler, continua 
San-Felice avec son bon sourire; je suis si distrait, qu'en rentrant, je ne 
t'en ai rien dit;--il m'a très-probablement sauvé la vie. 
--Allons donc! fit Michele. 
--Sauvé la vie! Et comment cela? demanda Luisa avec une vive 
altération dans la voix. 
--Imagine-toi qu'il y avait un drôle qui voulait me faire baiser la tête de 
ce malheureux Ferrari, et qui, parce que je ne voulais pas la baiser, 
m'appelait jacobin. C'est malsain, d'être appelé jacobin, par le temps qui 
court. Le mot commençait à faire son effet. Michele s'est élancé entre 
moi et la foule, il a joué du sabre et l'homme s'en est allé en me 
menaçant, je crois. Que pouvait-il donc avoir contre moi? 
--Pas contre vous, mais contre la maison probablement. Vous vous 
rappelez ce que vous a dit le docteur Cirillo d'un assassinat qui avait eu 
lieu sous vos fenêtres dans la nuit du 22 au 23 septembre; eh bien, c'est 
un des cinq ou six coquins qui ont été si bien étrillés par celui-là même
qu'ils voulaient assassiner. 
--Ah! ah! et c'est sous mes fenêtres qu'il a reçu la balafre qu'il a sous 
l'oeil. 
--Justement. 
--Je comprends que l'endroit lui paraisse néfaste; mais qu'ai-je à voir là 
dedans? 
--Rien, bien entendu; mais, si jamais vous aviez affaire dans le 
Vieux-Marché, je vous dirais: «Si cela vous est égal, monsieur le 
chevalier, n'y allez    
    
		
	
	
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