veux-tu faire? 
--Je veux me venger, donc! cria le beccaïo; je veux le faire mourir à 
petit feu! je veux le hacher comme chair à pâté! je veux le rôtir! je veux 
le pendre! 
Mais, comme il crachait, pour ainsi dire, toutes ces menaces au visage 
de Salvato, celui-ci, sans daigner lui répondre, par un effort surhumain, 
rejeta loin de lui les cinq ou six hommes qui pesaient sur ses bras et sur 
ses épaules, et, se relevant de toute sa hauteur, fit tournoyer son sabre 
au-dessus de sa tête, et, d'un coup de taille qu'eût envié Roland, il lui 
eût fendu la tête jusqu'aux épaules si le beccaïo n'eût paré le coup avec 
le fusil à la baïonnette duquel était embrochée la tête du malheureux 
boucher. 
Si Salvato avait la force de Roland, son sabre, par malheur, n'avait 
point la trempe de Durandal: la lame, en rencontrant le canon du fusil, 
se brisa comme du verre. Mais, comme elle ne rencontra le canon du
fusil qu'après avoir rencontré la main du beccaïo, trois de ses doigts 
tombèrent à terre. 
Le beccaïo poussa un rugissement de douleur et surtout de colère. 
--Heureusement, dit-il, que c'est à la main gauche: il me reste la main 
droite pour te pendre! 
Salvato fut garrotté avec les cordes que l'on avait prises chez le boucher 
et emporté dans un palais, au fond de la cave duquel on venait de 
trouver des cordes et dont on jetait les meubles et les habitants par la 
fenêtre. 
Quatre heures sonnaient à l'horloge de la Vicaria. 
À la même heure, le curé Antonio Toscano tenait la parole qu'il avait 
donnée au jeune général. 
Comme toutes les heures de cette journée, célèbre dans les annales de 
Naples, furent marquées par quelques traits de dévouement, d'héroïsme 
ou de cruauté, je suis forcé d'abandonner Salvato, si précaire que soit sa 
situation, pour dire à quel point en était le combat. 
Après la mort du général Writz, le commandant en second Grimaldi 
avait pris la direction de la bataille. C'était un homme d'une force 
herculéenne et d'un courage éprouvé. Deux ou trois fois, les sanfédistes, 
lancés au delà du pont par ces élans des montagnards auxquels rien ne 
résiste, vinrent attaquer corps à corps les républicains. C'était alors que 
l'on voyait le géant Grimaldi, se faisant une massue d'un fusil ramassé à 
terre, frapper avec la régularité d'un batteur en grange et abattre à 
chaque coup un homme, avec son terrible fléau. 
En ce moment, on vit ce vieillard presque aveugle qui avait demandé 
un fusil en promettant de s'approcher si près de l'ennemi qu'il serait 
bien malheureux s'il ne le voyait pas;--en ce moment, disons-nous, on 
vit Louis Serio, traînant ses deux neveux plutôt qu'il n'était conduit par 
eux, s'avancer jusqu'au bord du Sebeto, où ils l'abandonnèrent. Mais, là, 
il n'était plus qu'à vingt pas des sanfédistes. Pendant une demi-heure,
on le vit charger et décharger son fusil avec le calme et le sang-froid 
d'un vieux soldat, ou plutôt avec le stoïque désespoir d'un citoyen qui 
ne veut pas survivre à la liberté de son pays. Il tomba enfin, et, au 
milieu des nombreux cadavres qui encombraient les abords du fleuve, 
son corps resta perdu ou plutôt oublié. 
Le cardinal comprit que jamais on ne forcerait le passage du pont tant 
que la double canonnade du fort de Vigliana et de la flottille de 
Caracciolo prendrait ses hommes en flanc. 
Il fallait d'abord s'emparer du fort; puis, le fort pris, on foudroierait la 
flottille avec les canons du fort. 
Nous avons dit que le fort était défendu par cent cinquante ou deux 
cents Calabrais, commandés par le curé Antonio Toscano. 
Le cardinal mit tout ce qu'il avait de Calabrais sous les ordres du 
colonel Rapini, Calabrais lui-même, et leur ordonna de prendre le fort, 
coûte que coûte. 
Il choisissait des Calabrais pour combattre les Calabrais, parce qu'il 
savait qu'entre compatriotes la lutte serait mortelle: les luttes fratricides 
sont les plus terribles et les plus acharnées. 
Dans les duels entre étrangers, parfois les deux adversaires survivent; 
nul n'a survécu d'Étéocle et de Polynice. 
En voyant le drapeau aux trois couleurs flottant au-dessus de la porte et 
en lisant la légende gravée au-dessous du drapeau: Nous venger, 
vaincre ou mourir! les Calabrais, ivres de fureur, se ruèrent sur le petit 
fort, des haches et des échelles à la main. 
Quelques-uns parvinrent à entamer la porte à coups de hache; d'autres 
arrivèrent jusqu'au pied des murailles, où ils tentèrent d'appuyer leurs 
échelles; mais on eût dit que, comme l'arche sainte, le fort de Vigliana 
frappait de mort quiconque le touchait. 
Trois fois les assaillants revinrent à la charge et trois fois furent
repoussés en laissant les approches du fort jonchées de cadavres. 
Le colonel Rapini, blessé de deux balles, envoya demander du secours. 
Le cardinal lui envoya    
    
		
	
	
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