magnifique, et il avoit une prudence qui ne se trouve guère 
avec la jeunesse. Le vidame de [Page 3] Chartres,[1] descendu de cette 
ancienne maison de Vendôme, dont les princes du sang n'ont pas 
dédaigné de porter le nom, étoit également distingué dans la guerre et 
dans la galanterie; il étoit beau, de bonne mine, vaillant, hardi, libéral; 
toutes ces bonnes qualités étoient vives et éclatantes; 5 enfin il étoit 
seul digne d'être comparé au duc de Nemours,[2] si quelqu'un lui eût pu 
être comparable. Mais ce prince était un chef-d'oeuvre de la nature; ce 
qu'il avoit de moins admirable, c'étoit d'être l'homme du monde le 
mieux fait et le plus beau. Ce qui le mettoit au-dessus des 10 autres 
étoit une valeur incomparable et un agrément dans son esprit, dans son 
visage et dans ses actions que l'on n'a jamais vu qu'à lui seul. Il avoit un 
enjouement qui plaisoit également aux hommes et aux femmes, une 
adresse extraordinaire dans tous ses exercices, une manière de s'habiller 
15 qui étoit toujours suivie de tout le monde, sans pouvoir être imitée, 
et enfin un air dans toute sa personne qui faisoit qu'on ne pouvoit
regarder que lui dans tous les lieux où il paroissoit. 
Le Roi alloit jusqu'à la prodigalité pour ceux qu'il aimoit. 20 Il n'avoit 
pas toutes les grandes qualités, mais il en avoit plusieurs, et surtout 
celle d'aimer la guerre et de l'entendre: aussi avoit-il eu d'heureux 
succès; et, si on en excepte la bataille de Saint-Quentin,[3] son règne 
n'avoit été qu'une suite de victoires: les Anglois avoient été chassés de 
France, 25 et l'Empereur Charles-Quint[4] avoit vu finir sa bonne 
fortune devant la ville de Metz,[5] qu'il avoit assiégée inutilement avec 
toutes les forces de l'Empire et de l'Espagne. Néanmoins, comme le 
malheur de Saint-Quentin avoit diminué l'espérance de nos conquêtes, 
et que depuis la fortune avoit 30 semblé se partager entre les deux Rois, 
ils se trouvèrent insensiblement disposés à la paix. 
Cercamp,[6] dans le pays d'Artois, fut choisi pour le lieu où l'on devait 
s'assembler. Les principaux articles étoient [Page 4] le mariage de 
Madame Elisabeth de France avec don Carlos,[1] infant d'Espagne, et 
celui de Madame, soeur du Roi, avec Monsieur de Savoie.[2] 
Le Roi demeura cependant sur la frontière, et il y reçut la nouvelle de la 
mort de Marie, Reine d'Angleterre.[3] Il 5 envoya le comte de Randan à 
Elisabeth,[4] pour la complimenter sur son avénement à la couronne. 
Elle le reçut avec joie: ses droits étoient si mal établis, qu'il lui étoit 
avantageux de se voir reconnue par le Roi. Ce comte la trouva instruite 
des intérêts de la Cour de France et du 10 mérite de ceux qui la 
composoient; mais surtout il la trouva si remplie de la réputation du duc 
de Nemours, elle lui parla tant de fois de ce prince et avec tant 
d'empressement, que, quand Monsieur de Randan fut revenu et qu'il 
rendit compte au Roi de son voyage, il lui dit qu'il n'y avoit rien 15 que 
Monsieur de Nemours ne pût prétendre auprès de cette princesse, et 
qu'il ne doutoit point qu'elle ne fût capable de l'épouser. Le Roi en parla 
à ce prince dès le soir même; il lui fit conter par Monsieur de Randan 
toutes ses conversations avec Elisabeth, et lui conseilla de tenter cette 
20 grande fortune, mais ce prince ne put s'y résoudre. Il envoya 
Lignerolles, qui étoit un jeune homme d'esprit, son favori, pour voir les 
sentiments de la Reine, et pour tâcher de commencer quelque liaison.[5] 
En attendant l'événement de ce voyage, il alla voir le duc de Savoie, qui
étoit alors 25 à Bruxelles avec le Roi d'Espagne. La mort de Marie 
d'Angleterre apporta de grands obstacles à la paix. L'assemblée se 
rompit à la fin de novembre, et le Roi revint à Paris. 
Il parut alors une beauté à la Cour, qui attira les yeux de tout le monde, 
et l'on doit croire que c'étoit une beauté parfaite, 30 puisqu'elle donna 
de l'admiration dans un lieu où l'on étoit si accoutumé à voir de belles 
personnes. Elle étoit de la même maison que le vidame de Chartres, et 
une des plus grandes héritières de France. Son père étoit mort jeune, et 
[Page 5] l'avoit laissée sous la conduite de Madame de Chartres, sa 
femme, dont le bien, la vertu et le mérite étoient extraordinaires. Après 
avoir perdu son mari, elle avoit passé plusieurs années sans revenir à la 
Cour. Pendant cette absence, elle avoit donné ses soins à l'éducation de 
sa fille; 5 mais elle ne travailla pas seulement à cultiver son esprit et sa 
beauté, elle songea aussi à lui donner de la vertu et à la lui rendre 
aimable. La plupart des mères s'imaginent qu'il suffit de ne parler 
jamais de galanterie devant les jeunes    
    
		
	
	
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