La Daniella, Vol. II.

George Sand
La Daniella, Vol. II.

The Project Gutenberg EBook of La Daniella, Vol. II., by George Sand
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Title: La Daniella, Vol. II.
Author: George Sand
Release Date: November 14, 2004 [EBook #14038]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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DANIELLA, VOL. II. ***

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LA DANIELLA
TOME II
PAR
GEORGE SAND

XXX
Mondragone, 18 avril.
Je suis vraiment ici le plus heureux des hommes, et je sens bien que ce
sont là les plus beaux jours de ma vie. Chaque moment augmente ma
passion pour cette adorable femme qui, bien réellement, ne respire que
pour moi. Cette ivresse d'amour ne sera-t-elle qu'une lune de miel? Non,
c'est impossible, car je ne comprends plus comment j'accepterais la vie
si cette ferveur se refroidissait de part ou d'autre. Elle me semble
inépuisable. Ce qui est grand et beau peut-il donc nous lasser? On dit
pourtant qu'il faut un miracle pour que l'amour dure; je crois plutôt qu'il
en faut un bien terrible pour qu'il finisse.
C'est une existence bizarre, mais délicieuse pour moi, que celle que je
mène ici. Mes dix heures de solitude absolue sur vingt-quatre
s'envolent comme un instant, et, loin de m'inquiéter de ce dicton
vulgaire que le temps parait long quand on s'ennuie, je m'aperçois que
c'est le contraire absolument qui m'arrive. Les heures que la Daniella
passe auprès de moi me semblent longues comme des, siècles, parce
qu'elles sont remplies d'émotions et de joies indicibles. Je remercie
Dieu de l'illusion où je suis que j'ai vécu déjà, avec cette compagne
venue du ciel, une éternité de bonheur.
Quand je suis seul, je m'occupe et me rends compte des heures qui
fuient trop vite pour mes besoins de travail. Quand elle est là, j'entre
dans une phase sur laquelle il me semble que la course du temps n'a pas
de prise, puisque chaque instant me rend plus vivant, plus épris, plus
naïf, plus jeune que je ne l'étais l'instant d'auparavant. Oh! oui, oui,
nous sommes immortels: l'amour nous en donne la claire révélation!
J'ai mis de l'ordre dans mes journées pour les rendre aussi profitables
que possible; nous nous levons à cinq heures, nous déjeunons ensemble,
je la reconduis jusqu'à la porte du parterre, et je m'enferme; nous avons
chacun une clef de cette porte-là. Je cours à mon atelier faire ma palette
et peindre, car j'ai esquissé mon tableau, et j'y travaille assidûment. A

midi, je prends, sur ma terrasse du casino, ma très-frugale collation. Je
fume et lis un peu dans les livres classiques que Daniella m'apporte de
la villa Taverna, où il y a un reste de bibliothèque dans les greniers.
Quelques pages chaque jour me suffisent pour retremper ce coin du
cerveau qu'il ne faut pas laisser atrophier. Les choses écrites, bonnes ou
médiocres, vraies ou fausses, entretiennent toujours un lien de souvenir
on de raisonnement entre nous et ce non-moi des métaphysiciens qui
est encore nous, quoi qu'ils en disent. Je fais ma promenade en
continuant mon cigare et mes réflexions sur ma lecture; puis, je
travaille d'après nature, jusqu'au moment où le soleil m'avertit qu'il faut
rentrer au casino pour faire le ménage avec un soin extrême, en
attendant ma Daniella.
J'ai déjà ici toutes mes habitudes et toutes mes aises. J'ai trouvé, dans
un coin noir, sous des copeaux, deux fauteuils dorés très-misérables,
que j'ai recloués et solidifiés, car la _surdité_ du Pianto me permet
décidément de me servir du marteau, avec un peu de précaution
seulement. J'ai rétabli l'équilibre de la table et je l'ai frottée et cirée pour
la rendre appétissante. J'ai rendu les vitres claires, et, pour entretenir les
fleurs dans le vase de la cheminée, je sais dans quels coins humides
fleurissent les iris de velours noir à coeur jaune, et le long de quels
murs poussent encore des giroflées d'un beau ton de carmin. Il y a bien
cinquante ans que ces plantes n'ont reçu aucune culture; elles sont
devenues simples, de doubles qu'elles étaient; mais elles n'en sont ni
plus tristes ni moins parfumées. Le réséda de nos jardins pousse ici sur
les vieux murs comme l'ortie chez nous. L'asphodèle blanc doublé de
vert, qui pousse en quantité dans le parterre, est une espèce magnifique
que je n'ai pas rencontrée ailleurs, et que je crois exotique. Elle serait
aussi un vestige de l'ancienne culture de
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