La Bastille | Page 2

Auguste Coeuret
2. Plan de Paris sous Philippe-Auguste]
Enfin, l'ensemble de la forteresse fut complété par la construction des septième et huitième tours, sur le c?té sud, c'est-à-dire du c?té de l'arsenal. Ce fut entre ces deux dernières que l'on reporta définitivement l'entrée de là forteresse (1553).
Son fondateur en fut le premier prisonnier.
Enfermé d'abord à la Bastille, Hugues Aubriot fut ensuite transféré dans les cachots du For-l'évêque, d'où les maillotins le tirèrent pour le mettre à leur tête.
En effet, cette forteresse qui avait été édifiée pour protéger la ville fut presque immédiatement transformée en prison d'état (1417).
Thomas de Beaumont allia le premier ses fonctions de gouverneur militaire de la Bastille à celles de ge?lier.
Elle eut cependant un r?le militaire très important; d'abord ses machines de guerre et plus tard son artillerie arrêtèrent souvent la marche de l'envahisseur. On la considéra même, sous Louis XI, comme la clef de la capitale.
Comme Paris, elle passa au pouvoir de plusieurs partis, voire même aux mains des Anglais qui, en 1420, en confièrent la garde et le commandement au duc d'Exeter.
Plus tard, quand le faubourg Saint-Antoine fut construit et que la Bastille se trouva entourée de maisons, elle perdit tout à fait son importance militaire et cette prison fortifiée et armée sembla n'avoir plus que la ville pour objectif. Dès lors, le peuple la prit en haine; elle devint pour lui comme une menace permanente de ses libertés municipales. Aussi, après la fameuse journée des barricades du 26 ao?t 1648, en fait-il donner le commandement au conseiller Broussel qui, nommé prév?t des marchands, en investit son fils Louvière.
[Illustration: Fig. 4--La Bastille et la porte Saint-Antoine vues du faubourg avant 1789.]
C'est surtout pendant le XVIIe et le XVIIIe siècles que la Bastille fut totalement convertie en prison. On y enfermait, outre les nobles et criminels de lèse-majesté, les bourgeois, les marchands, les roturiers, les assassins et voleurs, les magiciens, les jansénistes, les libraires, les colporteurs, les gens de lettres, etc. On avait à cette époque un moyen bien simple de supprimer, pour quelque temps seulement ou pour toujours, ceux dont on voulait se débarrasser: les lettres de cachet. C'étaient, sous l'ancienne législation, des lettres écrites par ordre du roi, contresignées par un secrétaire d'état, cachetées du sceau royal et au moyen desquelles on exilait ou on emprisonnait sans jugement. Sous le règne de Louis XIV on en distribua, plus de 80,000.
Parmi les prisonniers les plus célèbres de la Bastille, il faut citer: Antoine de Chabanne, le duc de Nemours, le maréchal de Biron, Fouquet, Pélisson, Rohan, Lally-Tollendal, le maréchal duc de Richelieu, l'abbé de Bucquoy, Latude et le fameux prisonnier au Masque de fer.
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Constantin de Renneville[4] qui resta fort longtemps à la Bastille nous apprend dans ses mémoires, qu'à force de changer les prisonniers de cachots, ce qui était un système, leur individualité se perdait facilement; ils n'étaient bient?t plus qu'un numéro logé dans tel cachot ou à tel étage de telle tour. Parfois aussi, on se contentait simplement de les écrouer sous un nom d'emprunt. C'est ainsi, par exemple, que l'on disait: ?la troisième Bazinière? pour le prisonnier du troisième étage de la tour de la Bazinière.
[Note 4: On sait que sa longue et dure captivité a poussé ce prisonnier à certaines exagérations dans ses mémoires, aussi ne citons-nous de lui qu'un passage.]
à ce sujet, Renneville raconte ?qu'il entrevit en 1705, dans une des salles de la Bastille, un homme dont il ne put jamais savoir le nom. Il apprit seulement par le porte-clefs chef R? que ce prisonnier anonyme était un ancien élève des Jésuites, enfermé depuis l'age de seize ans, pour avoir composé deux vers satiriques contre ses ma?tres!--D'abord embastillé, il fut bient?t envoyé aux ?les Sainte-Marguerite, sous la garde du bourreau de Louvois, le sieur de Saint-Mars qui, nommé gouverneur de la Bastille, l'y ramena ainsi que l'homme au Masque de fer?. Ce malheureux jeune homme, coupable d'une gaminerie, n'était autre que Fran?ois Seldon, descendant d'une riche famille irlandaise qui l'avait envoyé à Paris, chez les Jésuites, étudier et apprendre tout ce qui fait un parfait gentilhomme. Pendant les trente années qu'il resta dans les fers, sa famille, qui n'avait jamais pu obtenir de ses nouvelles, s'éteignit complètement et ce furent ses ge?liers qui furent ses libérateurs.
[Illustration: Fig. 8.--Le jeune Seldon dans sa prison, d'après le dessin d'une des chambres de la Bastille (Tour de la Comté) conservé au Musée Carnavalet.]
En effet, pour ne pas laisser en déshérence l'immense fortune de Seldon, le père Riquelet lui promit la liberté s'il signait l'engagement de laisser la gestion et l'administration de ses biens à la compagnie de Jésus. Seldon signa, mais en ajoutant à l'acte rédigé par l'habile révérend père: ?QUAND JE SERAI SORTI DE LA BASTILLE?, phrase omise, peut-être à dessein, car seule elle pouvait obliger la compagnie à tenir ses engagements. L'élève des Jésuites
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