L'Orco, by George Sand 
 
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Title: L'Orco 
Author: George Sand 
Release Date: May 26, 2004 [eBook #12448] 
Language: French 
Character set encoding: ISO-8859-1 
***START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ORCO*** 
GEORGE SAND. 
L'ORCO 
 
Nous étions, comme de coutume, réunis sous la treille. La soirée était 
orageuse, l'air pesant et le ciel chargé de nuages noirs que sillonnaient 
de fréquents éclairs. Nous gardions un silence mélancolique. On eût dit 
que la tristesse de l'atmosphère avait gagné nos coeurs, et nous nous 
sentions involontairement disposés aux larmes. Beppa surtout paraissait
livrée à de douloureuses pensées. En vain l'abbé, qui s'effrayait des 
dispositions de l'assemblée, avait-il essayé, à plusieurs reprises et de 
toutes les manières, de ranimer la gaieté, ordinairement si vive de notre 
amie. Ni questions, ni taquineries, ni prières n'avaient pu la tirer de sa 
rêverie; es yeux fixés au ciel, promenant au hasard ses doigts sur les 
cordes frémissantes de sa guitare, elle semblait avoir perdu le souvenir 
de ce qui se passait autour d'elle, et ne plus s'inquiéter d'autre chose que 
des sons plaintifs qu'elle faisait rendre à son instrument et de la course 
capricieuse des nuages. Le bon Panorio, rebuté par le mauvais succès 
de ses tentatives, prit le parti de s'adresser à moi. 
«Allons! me dit-il, cher Zorzi, essaie à ton tour, sur la belle capricieuse, 
le pouvoir de ton amitié. Il existe entre vous deux une sorte de 
sympathie magnétique, plus forte que tous mes raisonnements, et le son 
de ta voix réussit à la tirer de ses distractions les plus profondes. 
--Cette sympathie magnétique dont tu me parles, répondis-je, cher abbé, 
vient de l'identité de nos sentiments. Nous avons souffert de la même 
manière et pensé les mêmes choses, et nous nous connaissons assez, 
elle et moi, pour savoir quel ordre d'idées nous rappellent les 
circonstances extérieures. Je vous parie que je devine, non pas l'objet, 
mais du moins la nature de sa rêverie.» 
Et me tournant vers Beppa: 
«Carissima, lui dis-je doucement, à laquelle de nos soeurs penses-tu? 
--A la plus belle, me répondit-elle sans se détourner, à la plus fière, à la 
plus malheureuse. 
--Quand est-elle morte? repris-je, m'intéressant déjà à celle qui vivait 
dans le souvenir de ma noble amie, et désirant m'associer par mes 
regrets à une destinée qui ne pouvait pas m'être étrangère. 
--Elle est morte à la fin de l'hiver dernier, la nuit du bal masqué qui s'est 
donné au palais Servilio. Elle avait résisté à bien des chagrins, elle était 
sortie victorieuse de bien des dangers, elle avait traversé, sans 
succomber, de terribles agonies, et elle est morte tout d'un coup sans
laisser de trace, comme si elle eût été emportée par la foudre. Tout le 
monde ici l'a connue plus ou moins, mais personne autant que moi, 
parce que personne ne l'a autant aimée et qu'elle se faisait connaître 
selon qu'on l'aimait. Les autres ne croient pas à sa mort, quoiqu'elle 
n'ait pas reparu depuis la nuit dont je te parle. Ils disent qu'il lui est 
arrivé bien souvent de disparaître ainsi pendant longtemps, et de revenir 
ensuite. Mais moi je sais qu'elle ne reviendra plus et que son rôle est 
fini sur la terre. Je voudrais en douter que je ne le pourrais pas; elle a 
pris soin de me faire savoir la fatale vérité par celui-là même qui a été 
la cause de sa mort. Et quel malheur c'est là, mon Dieu! le plus grand 
malheur de ces époques malheureuses! C'était une vie si belle que la 
sienne! si belle et si pleine de contrastes, si mystérieuse, si éclatante, si 
triste, si magnifique, si enthousiaste, si austère, si voluptueuse, si 
complète en sa ressemblance avec toutes les choses humaines! Non, 
aucune vie ni aucune mort n'ont été semblables à celles-là. Elle avait 
trouvé le moyen, dans ce siècle prosaïque, de supprimer de son 
existence toutes les mesquines réalités, et de n'y laisser que la poésie. 
Fidèle aux vieilles coutumes de l'aristocratie nationale, elle ne se 
montrait qu'après la chute du jour, masquée, mais sans jamais se faire 
suivre de personne. Il n'est pas un habitant de la ville qui ne l'ait 
rencontrée errant sur les places ou dans les rues, pas un qui n'ait aperçu 
sa gondole attachée sur quelque canal; mais aucun ne l'a jamais vue en 
sortir ou y entrer. Quoique cette gondole ne fût gardée par personne, on 
n'a jamais entendu dire qu'elle eût été l'objet d'une seule tentative de vol. 
Elle était peinte et équipée comme toutes les autres    
    
		
	
	
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