rien, mais ils fatiguaient par une 
insupportable mobilité. De rares cheveux plats ombrageaient son front, 
fuyant comme celui d'un lévrier, et dissimulaient mal de longues 
oreilles, larges, béantes, très éloignées du crâne. 
Il était très confortablement vêtu, propre comme un sou neuf, étalant du 
linge d'une blancheur éblouissante et portant des gants de soie et des 
guêtres. Une longue chaîne d'or très massive, d'un goût déplorable, 
faisait trois fois le tour de son cou et retombait en cascades dans la 
poche de son gilet. 
Le père Tabaret dit Tirauclair salua, dès la porte, jusqu'à terre,
arrondissant en arc sa vieille échine. C'est de la voix la plus humble 
qu'il demanda: 
-- Monsieur le juge d'instruction a daigné me faire demander? 
-- Oui! répondit M. Daburon. 
Et tout bas il se disait: si celui-là est un habile homme, en tout cas il n'y 
paraît guère à sa mine... 
-- Me voici, continua le bonhomme, tout à la disposition de la justice. 
-- Il s'agit de voir, reprit le juge, si, plus heureux que nous, vous 
parviendrez à saisir quelque indice qui puisse nous mettre sur la trace 
de l'assassin. On va vous expliquer l'affaire... 
-- Oh! j'en sais assez, interrompit le père Tabaret. Lecoq m'a dit la 
chose en gros, le long de la route, juste ce qui m'est nécessaire. 
-- Cependant..., commença le commissaire de police. 
-- Que monsieur le juge se fie à moi. J'aime à procéder sans 
renseignements, afin d'être plus maître de mes impressions. Quand on 
connaît l'opinion d'autrui, malgré soi on se laisse influencer, de sorte 
que... je vais toujours commencer mes recherches avec Lecoq. 
À mesure que le bonhomme parlait, son petit oeil gris s'allumait et 
brillait comme une escarboucle. Sa physionomie reflétait une jubilation 
intérieure, et ses rides semblaient rire. Sa taille s'était redressée, et c'est 
d'un pas presque leste qu'il s'élança dans la seconde chambre. 
Il y resta une demi-heure environ, puis il sortit en courant. Il y revint, 
ressortit encore, reparut de nouveau et s'éloigna presque aussitôt. Le 
juge ne pouvait s'empêcher de remarquer en lui cette sollicitude 
inquiète et remuante du chien qui quête... Son nez en trompette 
lui-même remuait, comme pour aspirer quelque émanation subtile de 
l'assassin. Tout en allant et venant, il parlait haut et gesticulait, il 
s'apostrophait, se disait des injures, poussait de petits cris de triomphe 
ou s'encourageait. Il ne laissait pas une seconde de paix à Lecoq. Il lui 
fallait ceci ou cela, ou telle autre chose. Il demandait du papier et un 
crayon, puis il voulait une bêche. Il criait pour avoir tout de suite du 
plâtre, de l'eau et une bouteille d'huile. 
Après plus d'une heure, le juge d'instruction, qui commençait à 
s'impatienter, s'informa de ce que devenait son volontaire. 
-- Il est sur la route, répondit le brigadier, couché à plat ventre dans la 
boue, et il gâche du plâtre dans une assiette. Il dit qu'il a presque fini et 
qu'il va revenir.
Il revint en effet presque aussitôt, joyeux, triomphant, rajeuni de vingt 
ans. Lecoq le suivait, portant avec mille précautions un grand panier. 
-- Je tiens la chose, dit-il au juge d'instruction, complètement. C'est tiré 
au clair maintenant et simple comme bonjour. Lecoq, mets le panier sur 
la table, mon garçon. 
Gévrol, lui aussi, revenait d'expédition non moins satisfait. 
-- Je suis sur la trace de l'homme aux boucles d'oreilles, dit-il. Le 
bateau descendait. J'ai le signalement exact du patron Gervais. 
-- Parlez, monsieur Tabaret, dit le juge d'instruction. 
Le bonhomme avait vidé sur une table le contenu du panier, une grosse 
motte de terre glaise, plusieurs grandes feuilles de papier et trois ou 
quatre petits morceaux de plâtre encore humide. Debout, devant cette 
table, il était presque grotesque, ressemblant fort à ces messieurs qui, 
sur les places publiques, escamotent des muscades et les sous du public. 
Sa toilette avait singulièrement souffert. Il était crotté jusqu'à l'échine. 
-- Je commence, dit-il enfin d'un ton vaniteusement modeste. Le vol 
n'est pour rien dans le crime qui nous occupe. 
-- Non, au contraire! murmura Gévrol. 
-- Je le prouverai, poursuivit le père Tabaret, par l'évidence. Je dirai 
aussi mon humble avis sur le mobile de l'assassinat, mais plus tard. 
Donc, l'assassin est arrivé ici avant neuf heures et demie, c'est-à-dire 
avant la pluie. Pas plus que monsieur Gévrol je n'ai trouvé d'empreintes 
boueuses, mais sous la table, à l'endroit où se sont posés les pieds de 
l'assassin, j'ai relevé des traces de poussière. Nous voilà donc fixés 
quant à l'heure. La veuve Lerouge n'attendait nullement celui qui est 
venu. Elle avait commencé à se déshabiller et était en train de remonter 
son coucou lorsque cette personne a frappé. 
-- Voilà des détails! fit le commissaire. 
-- Ils sont faciles à constater, reprit l'agent volontaire: examinez ce 
coucou, au-dessus du secrétaire. Il est de ceux qui    
    
		
	
	
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